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EAN : 9791037506795
285 pages
Les Arènes (25/08/2022)
4.05/5   19 notes
Résumé :
A la mort de son père, Vincent, capitaine de police, plonge malgré lui dans le passé de cet immigré algérien violent : la guerre d'Algérie, son implication dans le FNL, l'exil, le bidonville de Nanterre. Tandis que les fantômes d'une histoire française passée sous silence l'enserrent, un policier est égorgé à la station de métro Charonne. La piste d'un loup solitaire est rapidement privilégiée.
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique

Le narrateur, Vincent Chanaleilles, la quarantaine et officier de police, traverse une crise d'identité grave à la mort de son père, Khalil Hoherdan, d'origine algérienne.

La première partie du livre de Thomas Sands expose ce sentiment d'amour-haine envers son père étranger. Vincent se souvient des raclées que son paternel lui a administrées et de son départ définitif du domicile familial, lorsqu'il avait à peine 16 ans et son changement de nom de famille.

S'il n'est pas devenu un voyou par réaction à ce père terrible, c'est grâce à l'amour et la bonté de sa mère française, qui n'a pas pu empêcher son départ de la maison, mais a évité qu'il ne rejoigne l'un ou l'autre gang de jeunes délinquants.

J'ai été légèrement déçu de cette première partie du récit dans la mesure où j'ai trouvé la description de la relation compliquée père-fils excessivement répétitive.

D'autant plus que les affaires que ce capitaine de l'Igpn (Inspection générale de la Police nationale) doit résoudre sont d'une tristesse infinie, tel le viol et strangulation d'une mineure qui fait des passes dans un bidonville, et ne lui mènent nulle part.

La deuxième partie du roman est nettement plus intéressante. L'auteur nous y expose le passé particulièrement pénible d'un homme algérien, qui en pleine guerre d'indépendance algérienne, a, comme fellagha, été obligé de fuir sa terre natale et de s'adapter à un nouveau pays, où l'accueil a été tout sauf évident.

Le déchiffrement des notes en Arabe de son père font connaître à Vincent un père qu'il n'a pas du tout connu.

Ce roman constitue le troisième ouvrage de Thomas Sands, paru le 25 août dernier, après "Un feu dans la plaine" en 2018 et "L'un des tiens" en 2020.

La langue est très littéraire et belle, mais je regrette les longueurs, surtout dans la première partie de ce roman un peu à part.

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Je n'aime pas les titres à rallonge, ici j'ai tort, car celui-ci, « Je suis le fils de ma peine », convient parfaitement au texte. Vincent cherche douloureusement l'origine de la violence enfouie au fond de lui-même. Il se sonde, et par là remonte dans le temps, vers son père et ce qu'il a subit avec. En même temps, il cherche des meurtriers, des tueurs au sang froid. Il est officier de police, dur avec les autres comme avec lui-même.
Il veut comprendre et trouver.
Coincé entre deux mondes peu accomodants l'un envers l'autre, la seconde génération immigrée d'Algérie d'un côté, de l'autre la police et son grade de capitaine ; il est un combattant dans la société, il cherche le salut des innocents, des vulnérables, les protéger de la violence et de la misère sociale. Ce n'est plus un rebelle ni un révolté, il est écoeuré et le dit au travers des pages incendiaires de Thomas Sands. Il rejette son entourage, son épouse, ses enfants, trouve refuge au plus profond de lui-même pour tenter de ne pas reproduire cette méchanceté ; tellement rongé par la honte qu'il éprouve une forme de claustrophobie à l'égard de son propre corps.
Vincent est comme l'image rouge de la superbe couverture : on ne sait trop s'il s'agit d'une grenade ou d'un visage brisé.

La scène originelle de la colère familiale résonne avec l'actualité de 1986, Vincent a six ans alors qu'un homme meurt sous les coups des policiers derrière une porte cochère. Thomas Sands ne nous épargne rien pendant ce roman, certains chapitres sonts rudes, éprouvants, mais, et c'est une des forces du livre, son écriture est magnétique au point qu'il est difficile de poser « Je suis le fils de ma peine ». Il y a des phrases qui m'ont fendues l'âme, les rappels du passé n'ont rien d'agréable. Des pages entières sont comme des séries de coups de poings, ne vous attendez pas à une quelconque douceur, il n'y en a pas ou si peu ; Vincent est parfois désarmant, furtivement. Mais pour ça il faudra bien lire le roman dans toute son ampleur.

L'ombre de la guerre d'Algérie et de l'histoire de l'immigration algérienne depuis les années 60 jusqu'à aujourd'hui en passant par les usines de Flins et de Poissy plane lourdement sur le roman, ce n'est bien sûr pas la première fois que la fiction s'empare de cette période. Elle est ici insérée au coeur de l'histoire familiale de Vincent et de ses parents par les récits du père et par les extraits de carnets de terrain d'un réalisme parfois difficile à soutenir écrits par un jeune photographe engagé chez les parachutistes.

« Je suis le fils de ma peine » c'est également une critique en règle des pouvoirs législatif et exécutif gérants de la France sous covid, un tableau désespéré du métier de flic aujourd'hui, un portrait de Paris encore moins désirable que chez Marc Villard, et tant d'autres choses encore.
L'écriture est violente, pleine d'aspérités. Aussi dure qu'une scène de crime. Elle consume les pages et la lecture, et donne un goût de cendres. Les phrases giflent, entaillent, arrachent. le choix des citations est compliqué, pourquoi ce passage plus qu'un autre ? Il faudrait tout citer, alors pour simplifier : colletez-vous à « Je suis le fils de ma peine ».
Le polar et le roman noir français ont bien des ténors, Dominique Manotti ou Pascal Dessaint entre autres, désormais il faudra faire avec Thomas Sands car il est dorénavant un auteur qui compte.
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Vincent est flic en région parisienne.
On accompagne son quotidien d'enquêteur dans la crasse à laquelle il fait face à la criminelle. Les affres des débuts d'enquête et son lot de frustrations.
La culpabilité qui ronge de ne pas avoir sauvé les cadavres qui s'amoncellent dans une mémoire à saturation.
La dureté du métier de flic qui conduit à la fuite fatale pour certains collègues lorsque les remords sont trop lourds.
La décadence d'une société. La justice exsangue.
En parallèle, son passé le rattrape à travers le décès récent de son père qu'il découvre ancien harki déraciné. Des noeuds se dénouent sur une enfance traumatisée, se desserrent à l'écoute de fichiers audio. Héritage involontaire, dans une langue qu'il ne connait pas, d'une origine qu'il semble fuir jusque-là.
La violence du père se percute à la violence de son boulot. le pardon n'est pas la quête mais sa violence envers lui-même, sa lâcheté vis-à-vis de ses propres enfants fait miroir à la colère du père.
Il y a l'être et sa négation, l'écriture du manque.
Une trace de l'histoire de France également, qui est tapie lorsqu'on glisse vers les Aurès, le FLN ou l'occupation française qui ne porte pas ce nom. La répression sanglante de février 62 par la violence policière à Charonne. Police, institution à laquelle il fait corps et esprit mais qui ne le porte plus.
Un roman polar puissant à mon goût. Romance d'un traumatisme français qui ne s'est surement pas assez mis en mot ou introspection dans notre société et qui pourtant peut expliquer bien des maux qui s'expriment en son sein.
Merci à Babelio et les éditions les arènes pour cette nouvelle masse critique qui m'a encore permis de me plonger dans une part de notre héritage commun.
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Une masse critique mauvais genre … du polar et encore du polar !
Chic alors,
Une allusion à une date … le 17 octobre 1961 … allusion à un massacre et à la répression meurtrière par la police française d'une manifestation d'algériens organisée à Paris par le FLN … a éveillé ma curiosité … une petite croix,
Et bingo, un livre dans ma boîte aux lettres.
Quelques heures plus tard, un vrai coup de coeur !
Quel livre !
Ça commence comme un polar quelconque, un flic mal dans sa peau, qui n'en peut plus de ne pas arriver à remplir la mission pour laquelle il avait choisi de s'engager … protéger la veuve et l'orphelin … s'être imaginer comme un sauveur et finir par n'être qu'un fonctionnaire passant la majorité de son temps à remplir des paperasseries quelconques … pas très original comme scénario peut être mais le style de l'auteur nous plonge très vite dans un malaise certain.
Puis l'introspection du capitaine nous invite à remonter dans son passé qui lui a été caché par sa famille. Un père algérien qui n'a jamais voulu raconter … le silence et la violence comme règles.
Nous allons alors remonter dans nos souvenirs de la guerre d'Algérie … une allusion au général Bugeaud (1), un rappel du massacre de Melouza (2), les souvenirs de guerre, les souvenirs d'un pays que l'on sait ne jamais pouvoir revoir.
Une introspection douloureuse pour remonter le temps et essayer de comprendre la colère, l'impossibilité d'aimer, la violence comme seule exutoire.
Du bel ouvrage !

(1)
Nommé gouverneur général de l'Algérie en 1840, le lieutenant-général Thomas Robert Bugeaud, marquis de la Piconnerie, duc d'Isly débarque à Alger en février 1841. Son objectif ? Soumettre les populations d'Algérie. Ses méthodes ? Pourchasser, détruire, affamer et exterminer tous ceux qui s'opposent à la conquête française. À la tête de 100 000 hommes, Bugeaud mènera avec méthodologie et dévotion une politique de la terre brûlée.
La première fois qu'une statue du maréchal Thomas Robert Bugeaud a été déboulonnée, c'était en juillet 1962, au lendemain de l'indépendance de l'Algérie, après 132 ans de colonisation française dont il fut l'un des pionniers. La statue du maréchal, qui trônait sur une grande place d'Alger depuis 1852, est alors démontée pour être remplacée par celle de l'émir Abdelkader, premier chef de la résistance contre les troupes françaises, avant sa capitulation en 1847.

(2)
Le massacre de Melouza est un crime de masse perpétré le 28 mai 1957, pendant la guerre d'Algérie. Il est commis par le FLN contre les 374 habitants du village de Melouza, sous prétexte qu'ils soutenaient le mouvement indépendantiste MNA rival du FLN. Par le biais de tracts de propagande, le FLN a accusé l'armée française d'avoir perpétré le massacre à sa place.
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Je suis le fils de ma peine.
Il y a derrière ce titre tout un monde. Deux mondes, en réalité. En dualité. Celui du fils. Et celui du père.

Le fils, flic, dans un monde confiné, qui ne comprend pas la violence qui s'abat toujours sur les mêmes. Qui s'est donné pour mission de sauver au moins quelqu'un dans toute sa putain de vie.
Le père, taiseux, maltraitant. Balloté par la force des événements. Alzheimer le rattrape. Et c'est la langue arabe, sa langue maternelle, qui redevient première.
Père et fils ne se comprenaient pas. Ils ont même perdu le moyen de s'entendre. le fils enregistre la voix du père. Pour garder trace et mémoire. La traduction de ses mots sera un moyen de revenir au père. Et à lui-même.

Dans ce roman, il y a la société, la nôtre, toute entière. Et il y a l'intime. Ce qui nous touche et nous lie tous. La relation à la famille, au père d'autant plus. Et puis il y a l'Algérie. Cette guerre qui longtemps ne s'est pas dite. Celle dont on ne doit pas prononcer le nom. Parce qu'elle était fratricide. Parce qu'elle a conduit des jeunes gens à agir de manière irraisonnée. Il est question de la violence des hommes (avec un petit h), violence institutionnelle, violence vengeresse. Et des femmes comme dommages collatéraux quand elles ne sont pas utilisées comme armes. Et des images qui restent dans les têtes. Sur la pellicule. Et dans de vieux albums dans les archives d'un photographe.

C'est un roman d'une grande force. Singulier dans son approche de la guerre d'Algérie. Au travers d'un père qui n'aura jamais surmonté l'humiliation. D'un ami qui aura conservé la mémoire des regards. D'un fils qui devra remonter les traces de son passé pour se sauver lui-même.

Quand j'ai ouvert ce livre, je ne m'attendais pas à ça. Mais comme toujours (ou presque) avec la collection Equinox, la découverte a été au-delà des espérances.

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critiques presse (1)
Liberation
09 septembre 2022
Dans son dernier roman, Thomas Sands livre un roman très noir, imprégné d’amour et de désespoir, autour de la guerre d’Algérie, de la perte et de la transmission.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
– Qui chante ? Qu’est-ce qu’elle chante…
– Elle, c’est Aïcha Redouane, une Marocaine. Berbère. La chanson s’appelle « Wâ zâdi qâlilun », « Faible est ma provision ». C’est un poème soufi mis en musique…
– Je pensais pas qu’un chant pourrait me toucher à ce point.
– T’atteindre…
– Oui, c’est exactement cela…
– Nahda…
– Tu me traduis ?
– C’est un vieux mot. Il signifie le pouvoir et la force. On dit qu’il évoque l’oisillon appuyé sur le rebord du nid et prêt à prendre son envol…
Nous terminons notre qahwa en silence, alors que la voix de Aïcha Redouane se tait lentement, une dernière note retenue dans la gorge, comme une plainte muette, un sanglot. Une douleur soudain close.
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Dans ce monde où tout est à vendre, où nous sommes surveillés sans relâche, où le seul désir de la plupart est de posséder davantage encore, nous n'avons d'autre choix que de nous enraciner dans l'histoire de nos morts. C'est la mémoire sans cesse ravivée qui nous sauvera peut-être. Les morts ne doivent pas mourir. Puisque nous sommes orphelins d'un avenir décent, puisque nous sommes exilés de tout horizon.
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Et si, au fond, la seule solution humaine (il me faut du courage, et surmonter mon dégoût, pour le dire, pour l'écrire ici), la seule solution humaine pour faire la guerre dans les montagnes serait ce qui me fait vomir: l'internement administratif, les regroupements? Parce qu'au fond ce n'est peut-être pas ça qui menace le plus la liberté des musulmans. Parce que la liberté, ça n'existe pas en Algérie. Le totalitarisme du FLN, le terrorisme, sa volonté de diriger seul, tout cela empêche le peuple d'être libre. Et si placer les musulmans dans ces lieux clos de barbelés était la seule façon de les protéger de la guerre du FLN? La seule manière de soustraire la population à cette situation absurde et cruelle où elle est prise entre deux feux, et condamnée à vivre soumise, écartelée, exilée d'elle-même?
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Dans ce monde où tout est à vendre, où nous sommes surveillés sans relâche, où le seul désir de la plupart est de posséder d'avantage encore, nous n'avons d'autre choix que de nous enraciner dans l'histoire de nos morts. C'est la mémoire sans cesse ravivée qui nous sauvera peut-être.
les morts ne doivent pas mourir. Puisque nous sommes orphelins d'un avenir décent, puisque nous sommes exilés de tout horizon.
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Soudain, les visages défilent, leur expression sidérée et toute la solitude, la tristesse qui se lit sur leurs traits. Je pense à tous ceux que j’ai blessés, laminés, estropiés. Mes amis, mes enfants et leur mère, mes victimes. Je commence à comprendre. Je me suis acharné à vivre hors du monde, à ne jamais me laisser atteindre, me laisser toucher vraiment. Ce n’était pas seulement ma crainte d’être blessé mais une sorte de méchanceté naturelle. De cruauté même, qui me poussait à m’éloigner toujours, à prendre et à garder mes distances jusqu’à éprouver une sorte de plaisir à voir les autres se cogner contre les silences, s’écorcher aux murs que j’érigeais entre moi et le monde. Le sentiment de ma propre puissance, la force de mon caractère. Ressembler à mon père.
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Videos de Thomas Sands (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Thomas Sands
Fred, spécialise Polar à la librairie Sauramps Odyssé , vous emmène à la découverte d'"Un Feu dans la plaine" de Thomas Sands. Un polar "hallucinant" où la vie d'un jeune garçon de 23 ans va basculer suite à un contrôle de police !
Site Web Sauramps : https://www.sauramps.com
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