Citations de Tiziano Scarpa (54)
Les filles (note : les jeunes orphelines qui vivent dans l'institution avec Cecilia, la narratrice) rêvent d'un riche et gentil garçon qui les sortirait d'ici. Les jeunes gens qui nous écoutent à l'église imaginent des visages qui n'existent pas et qui les fascinent. En ce monde, chacun s'éprend du songe qu'il nourrit.
Nous échangeons nos songes. Dans nos attentes, les personnes en chair et en os doivent coïncider avec l'image adorée que nos rêves ont créée pour nous sur mesure, nous voudrions qu'elles la revêtent comme une seconde peau qui transfigure leurs traits et leur stature.
Me revoici sur la berge, debout, encore vivante, encore moi, je regarde cette mer empoisonnée, noire jusqu'à l'horizon, elle pullule de poissons morts, gueule béante. Ils sont moi, nous sommes moi, mille fois, mille poissons à l'agonie, mille pensées destructrices, je suis mille fois morte et meurs encore sans cesser d'agoniser. La mer grossit, monte, elle est empoisonnée, elle est noire.
On peut dire que mon enfance n'a été qu'une longue suite de ténèbres. Je ne dis pas cela pour me plaindre ni pour vous tourmenter. C'est ainsi, voilà tout. Madame Mère, m'avez-vous jamais imaginée ? Vous êtes-vous jamais demandé comment j'ai vécu mes premières années ? Pour que votre imagination serve la vérité, il faut vous représenter une fillette qui passe ses nuits les yeux grands ouverts, dévorée d'angoisse. (p.12/13)
Vivre par la musique une heure, en jouant corps et âme, traversées par une rafale, immergées dans l'orchestre en action dont nous sommes des éléments, prises à la fois dans l'exécution et l'écoute de ce déferlement et de ces silences. Vivre en une heure tout ce qui peut arriver à un être humain.
On ne joue vraiment qu'en public, la musique n'existe pas sans une foule d'oreilles pour la soutenir.
Mais personne ne peut entendre la musique secrète qui s'élève dans notre âme. Personne ne peut empêcher qu'elle résonne en nous. Personne ne peut nous la voler.
En ce monde, chacun s'éprend du songe qu'il nourrit.
Aujourd'hui en répétition, don Giulio a protesté, parce que nous galopions au kyrie. " Trop de fougue! Ce n'est pas l'alléluia",, a-t-il maugréé de sa voix frêle. Il n'a même plus la force de rouspéter. Impossible de savoir qui, de nous ou de sa musique, a le dessus. Sa musique nous oblige à être vieilles. Elle s'empare de nous et nous ralentit, nous rouille.
Regardez ces pages, noires de musique et de mots: elles ressemblent à mes journées. Ce n'est pas moi qui donne le tempo, car mon temps ne m'appartient pas. Depuis ma naissance, je dois faire ce qu'on me dit et caser ce qui me tient à coeur dans les marges, dans les trous qui restent tant bien que mal.
Petite , je prenais à la lettre ce qu'on disait de nous, que nous sommes tous les enfants de Dieu notre Seigneur, je regardais autour de moi et je voyais mes camarades , petites et grandes, je voyais les religieuses, j'étais persuadée qu'Il nous avait toutes façonnées de Ses mains, et que chaque fois qu'Il finissait une petite fille, Il la déposait au tour de l'Hospice dès qu'elle était prête.
Venise est une tortue: sa carapace de pierre est faite de roches grises de trachyte.
aujourd’hui sur mon violon, j’ai essayé d’imiter les cris des oiseaux"
Personne ne peut entendre la musique secrète qui s’élève dans notre âme. Personne ne peut empêcher qu’elle résonne en nous. Personne ne peut nous la voler
Che cosa dovrei fare? Che cosa è giusto? Tacere che esiste un'altra possibilità per non rendere più evidente la miseria che ci circonda?