Citations de Victoire de Changy (75)
il y a eu la première nuit sans Nour
et mon pyjama
imbibé e lait
qui m'a donné froid
son père
de sa voix endormie
m'a proposé d'enfiler le sien
nous avons ri de mon malheur
des surprises de mon corps appelant mon fils
elle avait les yeux ouverts
du chagrin et du sens à la fois
que ces vies qui se passent le relais
littéralement
étrangeté que cette couche de ciel en moins
disparue
cette rangée d'humains au-dessus
juste avant que tu n'arrives
toi
en deçà
d'être
avec les années
de plus en plus haut sur l'échelle
et particulièrement là
ce matin
de plus en plus un toit
par-dessus toi
Clic !
c'est décidé
c'est la dernière image prise de toi
dans cette maison-là
sur la prochaine
nous serons trois
l'autre maison est prête
et puis ne l'est plus
et puis l'est à nouveau
et puis plus
tout est rangé
les provisions mangées
les sacs bouclés
et puis plus
et puis à nouveau et puis plus
c'est comme partir en voyage
imminemment
mais sans savoir quand
Où s'en va ce que l'on ne dit pas? Où est-ce que ça va se loger? Est-ce que ça fait des petits, est-ce que ça fleurit, est-ce que ça pourrit?
Là, seulement, quand elle lit, elle parvient à être entière entièrement sans lui.
Le manque rend le peu, l'avoir et la perception accrus.
Comme les mots, ceux-là que je m'oblige à envoyer à mes proches tous les dix jours, comme ils sont en trop. Ou en trop peu, si chétifs qu'ils sont.
Elle lui bande les yeux avec un foulard de soie noire fine pour simuler une chambre d'enfant, une de celles avec rideaux clos et une porte laissée entrouverte, pour le rai de lumière qui rassure.
Il y a des livres partout sur le sol, entassés et mélangés, aux certaines pages détachées qui dépassent des tranches comme des langues.
Chaque mot prononcé en anglais entre Tala et moi est dès lors réfléchi, calculé, pesé. Rien ne sort à la légère de bouches qui savent si peu communiquer.
Alors qu'elle s'éloigne, ses cheveux ondulent par-delà son voile. Ils ont l'air de me faire des gestes d'au revoir comme des grands bras.
on pense souvent que le meilleur de nous se trouve dans l'être aimé et que lorsqu'il s'en va le meilleur déguerpit avec lui.
D'un coup, il lui semble vieux. Elle comprend que seules le terreur et puis les larmes trahissent parfois l'âge qu'on a . La peur et le chagrin, semblerait-il, feraient un bon instrument de datation. C'est la carbone quatorze des organismes vivants, disons.
elle a compris que la solitude était plus chipie que ça. Qu'elle naît dés lors que lui, l'autre devenu extension de toi, n'est plus là. Qu'elle n'en a rien à foutre, la solitude, de l'étendue de ton réseau, de l'amour qu'on te porte par ailleurs ou de tes activités. A la limite, plus il y a de monde autour de toi, plus ils sont à essayer de te tirer de là, plus elle est là. Fière et corpulente. Tu n'es pas seul et pourtant tu garantis : je suis TOUT seul. Voilà, autant dire que la solitude, avant lui, elle aimait presque ça. depuis lui, impossible de se contenter d'elle-même, c'est ainsi.
Elle ose lui dire ce qu'elle veut encore, ce qu'elle voudrait aussi.
Te regarder toujours trop. Fumer avec toi. Baiser le jour vraiment jour comme la nuit vraiment nuit. Comparer tous les parcs de la ville. Y voir des chauves-souris. Ne te toucher que du bout des doigts les jours de canicule. Mais rester toujours à portée de main. Grogner parce que tu perds tes cheveux, qu'ils bouchent les tuyaux et que je les retrouve partout, même dans mes culottes. Essayer de nouvelles recettes. Que tu m'expliques la politique française. Et les théorèmes mathématiques. [...]M'emmerder profondément à tes côtés. T'écrire un mot sur la première page des livres que je t'offre, sur la première page et pas sur des post-it comme je le fais toujours pour que tu puisses les décoller facilement, ôter toute trace de moi et installer le bouquin dans la bibliothèque familiale en toute tranquillité. Je ne veux plus prendre part à ça. Rencontrer ta mère. Ton frère. Te trouver merveilleux, toi, pas eux. Puis odieux. Puis de nouveau merveilleux.