Je fus amoureuse deux saisons pleines. Je connus le rouge des roses premières, celui cerise gourmand, le feu écarlate des soleils couchants, tous les carmins de toutes les aurores, jusqu’au dernier rougissement des feuilles d’automne. Là, nous nous quittâmes, bons amis, lui retrouvait le pourpre des joues de sa femme, moi, celui de mes pleurs. Il m’avait toujours prévenue que nos amours n’auraient qu’un temps. Mais le tilleul du premier printemps était si vert que j’avais malgré tout espéré, miroir aux alouettes.
L’avantage de la folie, c’est qu’on n’essaie pas de la comprendre, et qu’ainsi, on a la paix. Si l’on ne craint pas de passer pour un fou, on vit assez heureux, finalement.
Décidément, la cartographie de leurs deux âmes devait présenter des continents semblables pour que leurs réflexions échouent sur la même plage.
Aneth était née malgré l’avis des hommes. La vie est un miracle, Aneth, une ange déchue de sa destinée. Elle avait préféré aux ailes que lui promettait la faiseuse d’anges le poids des jambes.
Les cheveux bouclés d’Aneth en plein dans mon paysage, la vue écrasée par son odeur, j’étais émue à en mourir, émerveillée par sa force vive qui, je le sentis à cet instant comme jamais, résisterait à toute épreuve. Elle avait beau être bâtarde, borgne, trop intelliente ou en salopette, elle pouvait devenir aveugle ou poisson-lune, Aneth résisterait, et avec elle, sa liberté ; il y avait sous sa chevelure feuillue et insoumise tant de poésie désarmante, prête à s’engager et à supporter, prête surtout à aimer.
Je me revis dans cette chambre de petite fille heureuse qui ne voulait rien d’autre que le soleil des matins sur ses cheveux blonds, l’architecture des fleurs de laurier dans les yeux, et la contemplation des autres, avec leur sourire et leurs plis de peau. Mes jours étaient suspendus à la lessive blanche de vent, et attendaient sur leur pincette, à mi-hauteur du ciel, l’heure de goûter le soir.
L’homme a l’intelligence, sauf que souvent, il la déconnecte de lui-même, et il perd son instinct, son sens du bonheur inné.
Tu pleures? Faut pas maman, les yeux brouillés, c'est bon à manger, pas à vivre, maman.
... ça sert à rien une intelligence, si elle permet pas d'être heureux.
L'eau avait coulé sous les ponts et les larmes s'étaient dessalées. Après la rancoeur, restait le coeur.
Le violon est vaniteux et moi je suis aveugle. On s'aime pas, lui et moi...
La trompette ça parle éléphant.
Décidément, les apparences sont des menteuses.
Pourquoi les sandwichs ont leur île et pas les tartines?
Il fallait voir maintenant, mais autrement. A la manière des plantes : apprendre que la lumière n'a pas besoin qu'on la regarde pour qu'on la vive.