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Citations de Yannick Grannec (386)


Le désir me manque plus que le plaisir.
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On a toujours trop à faire. Le corps hurle ce que l’esprit refuse d’admettre.
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Être amoureux, c’est se créer une religion dont le dieu est faillible









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Comme chacun, il n'avait été que le fruit de sa naissance et le jouet des contingences. Son orgueil avait préféré le leurrer d'un prétendu libre arbitre. Et le Créateur avait compté les points.
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Sur cette route encombrée, on rencontre bien plus de pauvresses brisées par une vie d'épreuves que de coupables.
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Le cerveau était une machine à produire des prédictions basées sur des modèles statistiques mis à jour par retour d’expérience et, dans cette optique, la recherche de l’instant présent était un leurre, au mieux une quête asymptomatique : on pouvait tenter de s’en approcher sans jamais espérer l’atteindre, car la pensée était mobilisée ailleurs, à jongler entre le passé, le vécu et le futur, les probables
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cette menace d'une terrible maladie n'avait pas entravé sa formidable pulsion de vie et elle lui avait déjà exposé son plan de bataille: elle cherchait à comprendre et à inventorier son système émotionnel pour le stimuler, JJ ne voyait pas exactement en quoi cette stratégie l’aiderait à lutter contre une neurodégénérescence, mais s’il existait ne serait-ce qu'un atome de solution dans l’infinie botte de foin de l'univers, Christa le trouverait. p. 114
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Les premières pages du livre
2019
Certains livres semblent n’avoir été écrits que pour vous, car tout y fait sens. Ouverts à une page au hasard, ils peuvent même servir d’objets de divination si vous cherchez un conseil ou un avertissement. Joan Smith, Prodigieuses progénitures

Quand d’autres s’endormaient pour renoncer, enfin, à la conscience, Christa Cristofersson entamait sa deuxième journée de travail. Elle chérissait ses idées de la nuit et se jetait sur le smartphone dès le réveil pour les dicter à Andrew, son assistant. Mais ce matin-là, au lever de son quarante-quatrième anniversaire, elle se contenta de lui demander une réservation sur le premier vol pour Sacramento.
À la clinique de Riverview, Christa trouva la chambre de Frida vide. Elle terrorisa le personnel jusqu’à ce qu’on repère celle-ci sur un des écrans de contrôle des caméras qui jalonnaient le parc. Sur l’une d’elles, elle identifia la vieille femme, visiblement trempée, qui marinait sur un banc face au bassin où s’ébrouaient deux cygnes. L’infirmier responsable avoua qu’il l’avait laissée là une heure auparavant pour prendre le soleil, quand un incident grave avec un autre patient l’avait accaparé. Il avait oublié Frida sous l’orage. Il se précipita pour la récupérer.
Christa se promit de secouer les puces de la direction avant de repartir. Ce type de négligence était inacceptable, elle brandirait des menaces et exigerait des sanctions, même si elle n’avait, en vérité, aucune intention de se mettre en quête d’un nouvel établissement.
Milton, son père, avait milité un temps pour transférer Frida dans une clinique de San Francisco moins onéreuse. Christa préférait tenir le problème à distance, car rapprocher d’eux Frida aurait été comme autoriser sa folie à contaminer leur monde. Chaque visite à Zombiland lui bouffait déjà bien trop le cœur. À la mort de ses grands-parents, elle avait hérité de la tutelle de cette femme de soixante-cinq ans internée depuis des décennies et qui, pour l’état civil, était sa mère biologique.
Christa n’était pas dénuée de compassion, mais chez elle l’instinct de survie primait. Selon sa théorie des emocoins, chacun possédait une quantité finie de disponibilité émotionnelle. Spéculer sur des contingences qui ne le méritaient pas ou trop investir dans des liens toxiques entamait, à terme, ce capital : votre propre intégrité psychique.
Quarante-quatre années auparavant, Frida s’était tirée de la clinique à peine après l’avoir pondue, en laissant un mot exigeant que l’enfant soit baptisée de ce prénom ridicule, « Christa », parce que, sic, elle adorait la chanson « Me and Bobby McGee », écrite par Kristoffer Kristofferson, et qu’elle croyait au pouvoir de rédemption de Jésus-Christ. Que Frida n’ait pas souhaité l’appeler Janis, en hommage à Janis Joplin qui avait popularisé le titre, resterait à jamais un mystère issu de son cerveau dysfonctionnel. Milton avait cédé à la volonté de celle qui était encore sa compagne. Il avait longtemps pensé qu’elle reviendrait.
Car Frida revenait parfois. Elle claquait des doigts, imposait ses lubies ou son dernier guru, tapait un peu d’argent et s’évaporait pour des mois. Milton, homme peu revanchard, disait Frida libre, fantasque, intrépide, toujours en quête de sensations fortes, mais Christa s’était forgé très tôt sa propre opinion. Frida était immature, égoïste, incapable de la moindre responsabilité ; une toxico du carpe diem, égarée anachronique du flower power. Elle avait dansé sa vie d’une fête à l’autre. De bras en bras. Et pour finir, de défonce en défonce. Jusqu’à un dernier voyage à l’acide dont elle n’était jamais redescendue.
Après l’avoir séchée et lui avoir fait enfiler des vêtements propres, l’infirmier assit la vieille femme sur un fauteuil près du lit, puis il monta le chauffage dans la chambre et alluma l’écran de télévision sur un feu de cheminée.
— Je sais que votre maman l’aime bien, dit-il.
Frida demeura dans la position exacte où le soignant l’avait installée, les mains sur les genoux, les yeux perdus dans la contemplation du foyer virtuel. Christa dut prendre sur elle pour ne pas se laisser atteindre par la vue de cette créature sèche, aux longs cheveux gris et à la peau parcheminée : elle contemplait là les ravages que le temps ferait subir à son propre corps, quels que soient ses efforts ou les interventions esthétiques.
Elle tenta, comme à chaque fois, d’entrer en communication avec Frida. « À quoi tu penses ? » Et Frida, comme à chaque fois, la fixa sans répondre.
À rien. Frida ne pensait à rien.
Les premières années d’internement, les diagnostics de la pathologie mentale avaient fluctué entre dépression sévère, psychose toxique et schizophrénie, mais si le repli autistique était flagrant, Frida n’avait jamais manifesté de délire paranoïde. Elle n’avait jamais témoigné non plus de tristesse particulière ni tenté de se suicider. En vérité, elle n’exprimait rien du tout. Le fantôme avait déserté la coquille, et la coquille avait survécu ainsi à trente-cinq années d’enfermement. Impuissante à la sortir de son apathie, la médecine s’était contentée de la garder en vie.
Vers la cinquantaine, Frida avait encore eu quelques bons moments. Elle était parfois capable de se souvenir des paroles d’une chanson et claquait des doigts au rythme d’une musique intérieure. Quand sa fille lui posait une question, elle tentait de répondre, cherchant des mots à la poursuite d’une pensée pauvre, tournée vers ses seules sensations physiques. Elle était internée depuis si longtemps que son monde s’était rétréci aux limites de son propre corps.
Désormais, rien ne la tirait plus de son apathie, ni la vue d’un visage familier, ni même les feulements de Janis Joplin, alors que, plus jeune, elle l’écoutait en boucle en criant au génie. Freedom was just another word for nothing else to loose(1). Pétrifiée pendant des heures en face d’un écran éteint ou de son déjeuner refroidi, elle semblait comme mise sur veille. Mais si on l’incitait à manger, elle engloutissait le contenu de son plateau avant de retourner à sa vacuité. Incapable d’une initiative la plus élémentaire, elle serait restée sous la pluie jusqu’à la pneumonie et sous le soleil jusqu’aux brûlures. Son état nécessitait une attention constante, car elle était un véritable danger pour elle-même.
Frida ne protesta pas quand Christa lui introduisit un écouvillon dans la bouche pour prélever sa salive. Elle n’émit aucun signe de surprise quand sa fille déposa un baiser sur sa joue, événement pourtant inédit. Elle ne sursauta pas quand la porte claqua derrière elle. Et elle n’exprima aucun regret de voir Christa la quitter, à peine arrivée. Frida se contenta de fixer l’écran jusqu’à l’heure où l’infirmier la déplaça jusqu’au réfectoire.

Christa s’échappa de l’établissement sans même prendre le temps de rabrouer la direction, comme elle se l’était promis. La direction, la regardant s’engouffrer dans son taxi depuis la fenêtre, manifesta ouvertement son soulagement.

Pendant le vol retour, Christa se sentit moite et sale : elle avait pour credo d’éviter les problèmes, pas de les fuir quand ils s’imposaient à elle. Le tangage de l’avion soumis à de fortes turbulences ajoutait à sa confusion mentale. Elle tentait de se convaincre qu’il s’agissait seulement d’une vague hypothèse. Pourquoi toujours envisager le pire ? Mais ses intuitions de la nuit l’avaient rarement trompée.

Elle avait récemment fait analyser son propre génome afin d’évaluer l’« expérience client » d’un projet encore à l’étude en R&D(2) : AlgoGen serait un service simple, rapide et accessible, sur le modèle des kits généalogiques. Après l’envoi postal d’un échantillon sur écouvillon, l’utilisateur bénéficierait d’un examen de son ADN couplé à un diagnostic probabiliste : une estimation statistique des maladies qu’il aurait à surveiller – pour ne pas dire à craindre – selon son profil génétique.

Le coût d’un séquençage génomique complet avait chuté de façon spectaculaire. Dix années auparavant, il fallait mettre sur la table dix millions de dollars ; il tournait désormais autour de mille dollars et toutes les projections à court terme tablaient sur un test à cent dollars. Christa avait déjà convaincu ses investisseurs et elle attendait, non sans impatience, le feu vert de la FDA(3) ; l’entreprise de biotechnologies qu’elle dirigeait, WeCare, n’était pas la seule à se positionner sur un marché estimé à plus de vingt milliards de dollars.

Christa avait ouvert l’enveloppe scellée qui contenait ses propres résultats avec une légère appréhension, doublée d’un plaisir morbide comparable à celui de se gratter une plaie.

Dans la catégorie « négligeable » du bilan, AlgoGen signalait la mutation d’un gène sur le chromosome 5 et la potentialité de développer la maladie de Damásio, une affection extrêmement rare, dont à peine dix cas étaient recensés aux États-Unis. Selon les algorithmes que Christa avait elle-même contribué à concevoir, la probabilité d’exprimer la maladie était de l’ordre de 1 sur 200 millions, soit l’équivalent de la chance de gagner au Powerball(4).

Aussi ne s’était-elle pas alarmée : d’après sa base de données médicales, le syndrome de Damásio était une obscure altération neurologique, touchant la régulation de l’humeur. Dans son bilan, bien plus inquiétante était sa propension notable au cancer du sein ou du foie.

Elle s’était donc couchée en se promettant de ne plus jamais repousser l’échéance de ses mammographies mais, au réveil, une évidence avait envahi son champ de conscience : Une altération neurologique ? Et si la rareté des cas identifiés n’était due qu’à de mauvais diagnostics ? Et si Frida m’avait refilé cette mutation ? Et si je l’avais transmise à mon tour aux enfants ?

La mère de Christa, qui n’avait jamais pensé à aucun des anniversaires de sa fille, s’était fendue pour le quarante-quatrième d’une splendide épée de Damoclès.

Notes
(1) « “Liberté” était juste un autre mot pour “plus rien à p
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En manipulant ces affects primordiaux, en remplaçant l'élan vital par la consommation, la rencontre par l'écran, la plénitude par la jouissance, l'espèce s'est certes protégée du danger, mais elle oublie peu à peu l'excitation de l'attente, l'euphorie de la découverte. l'émerveillement, le contact avec autrui, la confrontation directe avec l'environnement; tout ce qui a fait descendre Sapiens du baobab pour traverser la savane. Au bout du compte, l'Alter offre à une humanité désincarnée un monde sanctuarisé qui ne regarde l'extérieur que par son reflet projeté et déformé, une version toxique de la caverne de Platon.
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Dans l'hiver de Moscou, même le souvenir du soleil était un cadeau.
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La maternité est la création ultime, car elle se place au-delà de toute tentative d'interprétation du monde.
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Le milieu artistique cache sous ses airs bohèmes une compétition féroce où le talent est nécessaire, jamais suffisant.
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L'esprit est comme un parapluie, il fonctionne mieux lorsqu'il est ouvert.
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Les spécialistes sont des gens qui répètent toujours les mêmes erreurs.
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après la baise, la baston et la maîtrise de la fermentation, l'activité préférée de toutes les civilisations est la classification, en particulier celle des êtres humains.
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La modernité abolit la frontière entre l'hommage et le pillage.
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Internet est une grosse pelote de laine. Il suffit de tirer le bon fil.
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Il faut se méfier de la colère de l'eau.
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Seul le vide donne sa vibration à l'espace, comme le silence soutien la musique; l'inachevé, la peinture; l'ellipse, la narration. Et comme l'absence renforce l'attachement.
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- Savez-vous qu'en ce lieu on soigne les paysannes battues par leur mari ? Les fièvres des petits ? Que l'on nourrit les veuves sans ressources ? Savez-vous que l'on compose avec de simples herbes des onguents capables de guérir leurs plaies ? De ressouder leur os ?
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