BROUILLARD
Le brouillard vient
à petits pas de chat.
Il s’assoit et regarde
le port et la ville,
en silence
puis s’en va.
( FOG
The fog comes
on little cat feet.
It sits looking
over harbour and city
on silent haunches
and then moves on.)
Carl SANDBURG
(1878 - 1967)
C'est là que j'ai compris que la beauté d'une histoire dépend beaucoup de la façon dont elle est racontée et que le talent de l'écrivain découle du regard qu'il pose sur le monde.
On ne devient pas poète ou écrivain par le simple fait de la volonté, on le devient dès l'instant qu'on écrit quelque chose.
Mon existence même est peut-être une erreur dès le départ.
Toutes les fenêtres étant cachées derrière d'épais rideaux, l'intérieur de la bibliothèque est sombre, alors que nous sommes en pleine journée. Je sens dans l'air comme une densité de matière, sans doute l'énergie qui émane des livres.
- Remarque… se dit Yun-Kyeong en regagnant son bureau après la réunion, dans une société où chacun doit prouver à chaque seconde qu’il n’est pas isolé de ses semblables, le smartphone est un outil précieux ! Grâce à cet appareil, nous sommes en contact avec le monde entier, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il n’y a qu’à faire glisser son index de quelques centimètres sur la gauche ou la droite pour se retrouver dans un monde fantastique. Dans un univers où on peut tout savoir en temps réel – qui mange quoi dans quel restaurant, qui lit quel roman et quelle note a reçu ce roman, quelles surprenantes découvertes a faites untel pendant son voyage, etc. -, il n’y a plus de place pour la solitude. En postant sur Twitter des photos du « riz aux moules cuit sur pierre chaude » que je vais manger pour le montrer à mes amis, je me prouve inconsciemment que je ne suis pas seule, que je suis en lien avec eux par le biais de ces photos, que je ne suis pas une nuisance et que nous sommes donc des amis. Un monde où les gens sont liés par l’amitié est transparent, chaque individu est associé aux autres par le nous. Le nous partage des souvenirs et décide d’un même bloc. Le nous n’est pas isolé. Le nous ne se suicide jamais.
Je t'ai reconnue dès la première seconde. Ton teint blanc et tes lèvres pâles. Ton visage dépourvu de rides était aussi lisse qu'une porcelaine qui aurait passé des centaines d'années au fond de l'eau, et tes longs membres s'agitaient comme des algues au rythme des courants. Je t'ai tant attendue dans cette mer obscure et silencieuse où la lumière ne s'infiltre ni le temps ne s'écoule. Je n'ai rien fait d'autre que t'attendre et tu es enfin apparue devant moi.
Sans réfléchir, j’ai lu à haute voix le poème Comme le vent qui s’en va après avoir rencontré la fleur de lotus :
Ayons des regrets
Mais pas trop,
Juste un peu.
Séparons-nous,
Mais pas pour toujours,
Espérons nous retrouver,
Même dans l’au-delà.
Pas comme le vent,
Qui vient à la rencontre de la fleur de lotus,
Mais comme le vent
Qui s’en va après l’avoir rencontrée…
Pas comme le vent
Qui s’en va
Après l’avoir rencontrée avant-hier,
Mais comme le vent
Qui s’en va,
Après l’avoir rencontrée deux saisons plus tôt.
Dans tes yeux, il y a un chemin qui mène à la forêt
Quand je l'emprunte, j'y découvre une aube ignorée de tous
Là où la lune froide se cache, et c'est là que
Tout le mystère commence, au fond de la forêt
Hasegawa Yuichi
Tout ce qui est enfoui remonte à la surface, porté par sa capacité à flotter.