Ysabelle Lacamp

...le comble de la politesse recherché comme l’honneur le plus insigne serait de se réjouir de trouver son interlocuteur vieilli !

– Une femme, une femme conduisant un de ces monstrueux fiacres à moteur !
– Certes, murmura Il-Hwan absent, on appelle ça ici un “autotax”. Et alors ?
– Et alors, et alors ? Je parle au Maître d’une femme, une vraie (les mains palpèrent l’espace en esquissant d’imaginaires rondeurs), coiffée d’une casquette en cuir bouilli et assise comme les cochers derrière le volant de l’un de ces engins de malheur qui pétarade dans la plus abominable des fumées, et c’est tout ce qu’il trouve à dire ! En tout cas, il peut être sûr que jamais il ne me verra monter dans l’une de ces boîtes à roues si elle n’est pas conduite par un homme.
– Et pourquoi donc ? le taquina Il-Hwan qui ne voulait pas montrer qu’il était à son tour un peu choqué.
– Mais parce que les femmes sont sujettes aux émotions les plus vives, voyons ! Et qu’il faudrait être inconscient pour ne pas mourir de peur à l’idée de se retrouver projeté tête la première dans un fossé !

Enfin ! La vie à Paris n’aurait pas été déplaisante si au moins il lui avait été possible de cuire du riz et d’échapper ainsi à la fadeur de cette cuisine occidentale que le maître faisait monter dans leur suite quand il n’était pas sorti. Question gastronomie, Yu-Pok préférait d’ailleurs de loin ses petites escapades dans les tavernes environnantes. Si ce n’est qu’il lui fallait encore user ses semelles pour trouver un peu de vie.