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Citations de Éloïse Lièvre (32)


"Je suis une petite fille tout ce qu'il ya de petite fille. Très loin Très loin sous l'écorce."
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Comment s'habituer à l'étrangeté lente, poignante, bouleversante, sans possible retour, de la disparition ?
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Grand-mère a une théorie sur le sexe des hommes.
Elle dit ce qui leur pend entre les jambes ça leur manque dans le coeur. Petite, on entend la phrase comme un des nombreux dictons que la grand-mère ânonne rumine et grince, un de ces refrains identifiés au précipice qui nous sépare d’elle et on se demande profondément comment il est possible ce passage entre enfance et vieillir, on ne sait pas encore ce que c’est, on est trop petite, on ne peut pas comprendre. Tu verras, petite (justement), dit la vieille femme grand-mère, quand tu auras soixante dix soixante quinze quatre vingt quatre vingt cinq, au fur à mesure que les années passent, tu verras. Faut pas venir vieux faut pas.
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5. « Ce que je désirais dans ma vingtaine, à cette époque des premiers choix, que je désirerais longtemps et que d'une certaine manière je désire encore, c'est cette intensité de vie qui est le privilège des êtres humains dans les livres. J'avais découvert, après avoir sans distance ni savoir partagé et aimé leurs aventures, la notion de personnage. Mais si elle avait un sens, ce n'était qu'à condition que j'en fusse un moi aussi, avec toute l'exigence et l'aura nécessaire, cette réalité excédentaire qui était le seul sens. Ou alors, les êtres des livres n'avaient pas moins d'existence organique et spirituelle que moi, pleine de matières complexes, palpables et impalpables, de cellules et de nuées, des chairs tout aussi chairs, les divers degrés de joie et de souffrances. » (p. 230)
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4. « La question que j'inscris dans la barre de recherche du navigateur est mal comprise. Où lit-on le plus ? L'aleph me répond : en Inde, en Thaïlande, en Chine. Je reformule : Où lisez-vous ? Des magazines posent régulièrement la question et j'aime beaucoup le nom de ce site d'échanges, "Le coussin du chat", qui donne les mêmes réponses que les grands tirages. Le lieu de la plus grande intimité – du sommeil, du repos, du sexe, de l'amour – et celui de la plus grande promiscuité subie, de la plus collective et la plus sociale des expériences, le trajet quotidien, professionnel, le chemin du travail. Le lit et les transports en commun. "Le coussin du chat", dans une espièglerie innocente, rapporte aussi tous les inconvénients conjugaux de la lecture cubiculaire, cette lecture alanguie que seuls peuvent savourer pleinement les célibataires, puisque la lumière qui lui est nécessaire, disent les cancans, gêne les guetteurs d'endormissement, et que les livres nourrissent parfois jalousies, divergences de désir, culpabilités afférentes, tant ils sont de très bons amants. » (pp. 192-193)
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3. « Après que j'eus enlevé mon alliance, 'le père de mes enfants' m'offrit une bague pour la remplacer. Un anneau de rupture, un anneau de l'après. C'était une bague en argent dont le chaton était orné d'un petit Sacré-Cœur percé d'une flèche de part en part, de bas en haut. Le symbole était beau, lesté d'une aura certaine de culpabilisation lancinante, et, sans doute pour relever le défi absurde d'endosser une faute que je n'avais pas commise, puisque l'un ou l'une ne quittait pas l'autre, que personne n'abandonnait personne, que nous nous séparions, que 'nous' se séparait, je la portai. La bague remplit sa mission au-delà de sa charge symbolique. Chaque fois que je m'habillais ou me déshabillais, mais aussi la plupart du temps quand je manipulais des objets, quand je cherchais quelque chose dans mon sac, le sommet de la bague se prenait dans ce que je touchais et sa pointe, basculant vers la peau à l'extrémité de ma phalange, me blessait. Cela faisait mal, un petit mal vif, instantané, aussitôt oublié. Je ne compris pas tout de suite d'où venait la piqûre, flamboyante de déni. Mais une nouvelle trace apparut, un minuscule poinçon rosé, puis, à mesure que le mouvement se répétait, une égratignure rouge sans cesse entretenue, une torture miniature. J'ai fini par ôter la bague, et je l'ai rangée avec tant de soin que je ne sais plus où elle est. Mais si j'observe mon doigt, aux deux tiers de la phalange proximale, je peux voir une infinitésimale moucheture, ocelle à peine plus sombre que le grain de la peau, et je sais que c'est là le reste d'une contrition saugrenue, élément sacrificiel de l'histoire, qui aujourd'hui ne m'arrache que des sourires. » (pp. 147-148)
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2. « Les gens qui lisent dans le métro ne feraient pas tous le choix unanime de l'action rebelle si les circonstances le réclamaient. D'ailleurs, les circonstances le réclament, et tous les gens qui lisent dans le métro ou ailleurs ne s'interposent pas lorsque la police obéit aux ordres de détruire un campement de migrants, de faire évacuer la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, d'interpeller un secouriste pour avoir conduit à l'hôpital une femme sans-papiers sur le point d'accoucher, ne vont pas même manifester pour faire entendre leurs voix contre la destruction de Code du travail, ni ne glissent dans l'urne un bulletin de vote conséquent ou refusent de le faire parce que précisément ils le savent sans conséquence, ni même achètent tous les livres qu'ils lisent dans les librairies indépendantes de leur quartier, évitent de se ruer sur la dernière petite machine à la mode, n'emplissent pas leur garde-robe de vêtements qu'ils ne porteront pas, ou refusent de consommer des animaux morts dans des conditions intolérables.
Mais dans le métro des trajets laborieux, les livres ouverts projettent leur lumière, visibles et parfaitement clandestins, comme des regards, des hochements de tête imperceptibles, des codes, des signes de reconnaissance, au gré aussi des reflets dans les vitres des trains, de cette fantomatique ténacité qui les habite, et je me laisse obséder par cette formule en clair-obscur, héroïque et silencieuse, 'l'armée des ombres', pour en revêtir les liseurs, nous, les veilleurs, et trouver, sans jamais perdre conscience de la grandeur du modèle et de la disproportion de ce qui n'est, comme la scène absente du film de Melville, qu'une image, qu'elle nous va bien. » (pp. 83-84)
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1. « L'homme austère qui serre si fort _Un Bonheur parfait_ contre lui ce jour-là, comme si sa vie en dépendait, comme je me raconte que ma vie en dépendit, je le reconnais. Je ne le connais absolument pas, mais je le reconnais. Je reconnais la tension de ses mains, elle exprime la même urgence que la mienne, ou à peu près, un peu qui n'a aucune importance. Nous nous rencontrons sans entrer en contact, nous nous lions sans aucun lien, aucun autre lien que ce livre qui fait signe. Je lui sais gré d'être sur ma route, mon compagnon qui s'ignore, mon frère. Son offrande, dont il ne saura jamais rien, est de me faire ressentir cette abolition violemment heureuse en moi de l'individu distinct. La joie blanche de mon cœur. Identification. Gratitude. La reconnaissance. » (pp. 45-46)
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Je me souviens exactement de l'instant où ma lecture a été libérée. Un jeune homme que j'admirais intellectuellement m'a donné une double autorisation. Il l'a donnée à la petite fille sérieuse, à la bonne élève qui ne devait pas perdre son temps et toujours finir ce qu'elle entreprenait. Nous nous tenions devant sa bibliothèque, il parlait des livres qui s'y trouvaient. Il m'a conseillé Le Dahlia noir de James Ellroy. Puis il a dit d'un autre livre qu'il ne l'avait pas terminé. Ce n'était pas un aveu, car dans l'aveu, il y a la conscience de la culpabilité. Non, c'était dit comme ça, en passant, simplement comme une chose possible. Ce jour-là, j'ai compris que je pouvais lire des romans policiers et que si un livre ne me plaisait pas, je n'étais pas obligée de le lire en entier.
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Je pense aux miroirs. Dans celui qui reflète le jeune homme ici, et me reflète aussi, un gros mammifère carnivore, certes vêtu d’un pull ou d’un poncho dont on devine le col, mais que je devrais fuir, effrayée par la prédation ou la peur de l’autre, c’est-à-dire ma peur de l’ours et celle de l’ours à mon égard, et pourtant je n’en fais rien, car lui et moi sommes du même bord. Il y a plusieurs manières de voir cette image de l’ours qui lit. Comme un assagissement de cette « nature » qu’ainsi nous nommons, sa domestication, mais aussi, à travers le miroir, comme un appel à notre propre « nature », à cette chose en nous qui nous dénude, nous fait crier à l’os, nous rend semblables tous, en nous ramenant tous à cet autre ordre, à cette autre manière d’être au monde où nous ne sommes pas l’homme d’un côté et le reste de l’autre, mais mêlés et semblables. Car lire n’est pas le geste éminemment humain et culturel que nous croyons. Lire est notre dernière sauvagerie.
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Rien n’est loin. Peut-être la réclusion dans un wagon de chemin de fer, qu’il soit terrestre ou plus encore souterrain, cette claustration consentie, éphémère puisque sa durée est limitée et sue à l’avance, favorise-t-elle, par une espèce de rébellion, la sensation, confuse et charnelle, d’entretenir une relation avec le monde entier. Non pas seulement le monde dans sa globalité déréalisante mais l’infinité des points du monde, auxquels seraient reliés l’infinité des points de notre personne, et ainsi pour chacun d’entre nous, les infinités de points de toutes nos personnes.
Dans le métro du matin, dans le train de banlieue, où se joignent les élans laborieux, nos pulsions vers l’activité ou nos emplois forcés, s’incarne le monde recomposé, arbitrairement fragmentaire et pointilliste, dont le mode d’existence n’est pas la permanence massive mais plutôt l’intermittence du scintillement. Les gens qui lisent, si repliés sur eux-mêmes et sur l’intime de leur lecture soient-ils, allument un point du monde, un brasillement, et ils sont les veilleurs.
Ce n’est pas la télévision. Ce ne sont pas les journaux. Cela n’a rien à voir avec l’information. C’est de l’incarnation. C’est donner de son corps. Être le représentant, physique, à un moment, pour un moment, à un point du monde, d’un point du monde.
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Mon mari caresse mes cheveux comme par négligence. Ma tête est contre sa poitrine, tout mon corps en fait peut tenir, recroquevillé sur lui-même, dans la courbe que fait le sien, en chien de fusil. C'est comme si c'était ma place et qu'il n'y en avait pas d'autre. Je ne comprends pas la façon dont il ne perd pas patience. La façon dont il garde confiance. La façon dont il garde tout à l'intérieur? Mais ce n'est pas possible. Pas quels pores, quelle faille si minuscule qu'elle en est invisible, alors que je me désagrège de toute part, fait-il s'échapper cela?
À moins que sa rage et son impuissance, il ne les pulvérise à l'instant même où dans leurs neurones de naissance elle se forment en essaim de souffrance? Je voudrais prendre exemple. Être aussi impavide. Je suis plus insupportable que l'attente.
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