Le romancier et essayiste Eric Faye sera au Belvédère du Rayon Vert de Cerbère du 11 septembre au 9 octobre, pour une « résidence duelle transfrontalière ».
Organisées par les Rencontres cinématographiques internationales Cerbère-Collioure, ces résidences interrogent la notion de frontière en invitant concomitamment deux écrivains ou écrivaines, l'un(e) de langue française à Cerbère et l'autre de langue espagnole ou catalane à Portbou Yolanda Gonzalez cette année.
Crédit de la vidéo : « Rencontres cinématographiques de Cerbère-Collioure ».
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Ce ne sera pas pour cette nuit, songea-t-elle. Dommage. Quand on dort, on doit ne se rendre compte de rien. On passe la frontière en douce et on se retrouve de l'autre côté, loin de son corps et des tourments.
Solitaire, sous la lampe,
c’est une joie incomparable
de feuilleter des livres
et de se faire des amis avec
les hommes d’un passé
que je n’ai point connu.
Urabe Kenkô
Vaste parking agrémenté de toilettes putrides et sans murs de séparation entre elles, « hôtel » sans eau courante (mais avec wifi),.....
(Lac Namtso-Region autonome du Tibet,Chine)

Shangri-la.....une succession de gargotes hétéroclites où des clients assis sur de petits tabourets jouent sur leur portable en mangeant des nouilles ; de boutiques dont les vendeurs jouent sur leur portable derrière leurs piles de Coca, Pepsi, bouteilles d’eau minérale « C’estbon », bières, yaourts à boire, viande séchée et friandises diverses ; d’autres où d’autres vendeurs jouent sur leur portable et proposent champignons séchés et herbes médicinales ; d’autres encore, très nombreuses, où l’on trouve sabres de toutes tailles et peignes en os (curieuse association) tandis que les commerçants du lieu jouent sur leur portable au fond du magasin ; et quelques restaus à touristes proposant pizzas et fondues tibétaines sous l’œil martial de Che Guevara, qui quant à lui n’a pas connu l’ère du portable et ne se demande même plus ce qu’il fait ici tant son portrait est décliné à toutes les sauces dans tous les lieux de la planète relevant du commerce global.
Sôseki* nous fait comprendre qu’on ne peut saisir un être et ses secrets tant que celui-ci n’a pas composé son propre « code secret » pour ouvrir son coffre-fort.
* L’écrivain Natsume Sôseki
La femme d’aujourd’hui sait qu’il ne faut pas laisser les souvenirs rebondir dans le palais des miroirs; ils deviendraient fous, comme une mouette qu’on enferme par mégarde dans une salle.
Coincée au milieu d’immeubles de béton austère, la mosquée de Pékin est une succession de temples tout ce qu’il y a de chinois, sans rien qui indique une quelconque touche musulmane, si ce n’est une inscription en arabe stylisé au fronton de l’un d’eux. Trois semaines plus tard à Dali, dans le Yunnan, nous verrons une église catholique qui ne se distinguera de n’importe quel autre temple chinois que par la présence d’une croix la couronnant. Les Chinois, on le sait, sont dans tous les domaines les rois de la contrefaçon. Ils sont aussi ceux de l’assimilation.
La veille au soir, à Pékin,....nous étions restés assis à la terrasse d’un infâme bouiboui (infâme mais très bien situé), nous étouffant de raviolis à la farce rare et indéfinie, et de baozi, ces petits pains fourrés qui peuvent, à l’occasion, être délicieux –mais ceux-là ne l’étaient pas : bien que vaguement garnis d’épinards, ils appartenaient indéniablement à la catégorie « estouffe belle-mère », comme on dit dans le Sud.
Dans le wagon-restaurant, où nous sommes venus trinquer à la ponctualité helvétique de notre départ, sept plats sont proposés, mais un seul est disponible : poisson et riz.
( Pekin-Lhassa)

En septembre 1995, dans le sud-ouest de la province du Jiangsu, dans la petite ville de Wuxi (« petite » à l’échelle chinoise, évidemment : 3,5 millions d’habitants aujourd’hui) dont les vieux quartiers sont parcourus de canaux et d’une multitude de ponts en échine de bête arquée, j’avais rencontré un guide du nom de Ma Jian. C’était un homme assez jeune encore (un peu plus âgé que moi mais à peine), qui parlait admirablement le français et aimait les jeux de mots. Je me souviens notamment d’une de ses devinettes : Quelle est la différence entre un professeur à la retraite et une hémorroïde ? Devant ma perplexité, il avait répondu : Aucune, car tous deux sortent du corps en saignant (enseignant). J’avais souri poliment au calembour, mais avais surtout été épaté par une telle maîtrise de la langue française, appliquée à des fins aussi triviales et assez peu susceptibles d’être enseignées en Chine. D’autant que, m’avait-il dit, il n’avait jamais mis les pieds en France.