Citations de Éric Faye (362)
Je n'ai jamais aimé ceux qui réussissent.
Non pas parce qu'ils reussissent, mais parce qu'ils deviennent le jouet de leur succès, d'un Moi aveuglé.
Le Moi à tout prix est la fin de l'homme.
"On dit de certaines tortues qu'elles reviennent mourir sur la plage où elles sont nées. On dit des saumons qu'ils quittent la mer et remontent pour frayer dans la rivière où ils ont grandi. Le vivent est gouverné par de tels protocoles."
"La femme d'aujourd'hui sait qu'il ne faut pas laisser les souvenirs rebondir dans le palais des miroirs ; ils deviendraient fous, comme une mouette qu'on enferme par mégarde dans une salle."
"Si elle ne m'a pas estourbi, c'est sans doute qu'elle cherchait un lieu paisible, habité, bien entretenu, pour avancer sans trop d'angoisse dans une aventure dénuée de sens, an attendant que, peut-être, lumière se fasse. Elle n'était ni de Mme la Mort ni Mme la Peur. Ce devait être plutôt Mme Tout-le-Monde, sans grandeur."
Je me dis qu'il faudrait inscrire dans toutes les constitutions du monde le droit imprescriptible de chacun à revenir quand bon lui semble sur les hauts lieux de son passé. Lui confier un trousseau de clés donnant accès à tous les appartements, pavillons et jardinets où s'est jouée son enfance, et lui permettre de rester des heures entières dans ces palais d'hiver de la mémoire. Jamais les nouveaux propriétaires ne pourraient faire obstacle à ces pélerins du temps. (p. 106)
Dans le bac à sable où les enfants jouaient au capitalisme on vient d'égarer la règle du jeu.
J'ai une enquête à mener. Elle durera des semaines et je la laisserai inachevée le jour de mon arrestation. Sans doute l'enquête la plus méticuleuse jamais conduite par une inconnue sur un inconnu. Je l'entamme en ouvrant tous les tiroirs devant lesquels je suis passée des mois durant sans y toucher. Et vite, voici des photos de différentes époques, où je le reconnais de temps à autre. Aucune n'étant légendée, je m'abandonne aux supputations quant à ses liens avec celles et ceux qui l'entourent. Frères, soeurs, parents proches ou éloignés, amantes de naguère ? Qui voit-il encore parmi eux, et quels sentiments leur voue-t-il ? Lesquels sont toujours de ce monde ?
Tu fabules à trop vouloir plaquer de la raison sur les vues de ton inconscient.
Sans bouger de mon siège, je suis un ninja invisible et immatériel qui épie son domicile.
"La femme d'aujourd'hui sait qu'il ne faut pas laisser les souvenirs rebondir dans le palais des miroirs ; ils deviendraient fous, comme une mouette qu'on enferme par mégarde dans une salle."
Je cultive des habitudes de célibataire qui me servent de garde-fou et me permettent de me dire qu’au fond, je ne démérite pas trop
(...)
Quelqu’un s’était servi. Or, je vis seul
Entre échec et réussite s'étend ton existence
Le bonheur, c'est tout ce qu'on fait pour la première fois.
C'est comme la vie : il n'y a pas de fin mais on attend la suite.
"Catherine est en passe de capituler. Elle accepte lentement que le vie n'ait pas lieu. Elle l'accepte à la manière des gens dont elle est . Elle se dit et se répètetu n'auras pas droit au regret. Tu ne penseras même pas à regretter. Aujourd'hui, à cinquante ans, Marin Sérianne ne comprend toujours pas pourquoi il lui es tdonné de survivre parmi les vivants, pourquoi lui et si peu d'autres, mais c'est un chemin de croix que d'être indemme avec un lourd paquetage d'illusions, de maintenir une flamme quand tant dautres, à son âge, ont éccepté qu'elle s'éteigne. Culpabilité du rescapé. Avoir envie de retrouver l'envie, et se sentir si sec.
Je peux maintenant répondre à ta question sur la folie : elle n'a aucun sens. Ce que tu as fait, au-delà du mal commis, est d'une noblesse qui n'a plus c ours. Tu as remis en marche la mécanique du merveilleux et j'ai su qu'ele n'était pas aussi grippée qu'on l'assurait. Par ce geste, tu as balayé tout ce que tu avais subi et , dans la foulée,ce que les tiens ont supporté, depuis une éternité. Tu as agi autant pour eux que pour toi. Ce que tu mènes, Solange, c'est une forme de désobéissance civile, et je ne veux pas idéaliser ta décision, mais tu es l'auteur, ne t'en déplaise, d'un acte révolutionnaire. Etant doné la veulerie du genre humain, il sera toujours révolutionnaire de dire non. Tu appartiens à la branche radicale d'une organisation qui n'existe pas.
( En revenant dons son village déserté, il retrouve la fille de son amour de jeunesse. La jeune femme a disparu de la vie de ses parents pour échapper au destin tout gris et tout tracé qu'on lui préparait. Destin flétri que sa mère a suivi sans broncher, ce qui donne le passage suivant)
Oui, le dossier d'accusation était au point. Mais que lui reporc
Un jour, rêva-t-il, chaque type s'achèterait la gueule d'un bellâtre défunt. Ce serait un droit. Les meilleurs visages serviraient à l'infini. Un jour, le carnaval de Venise se déroulerait partout, à toute saison. Le port du masque serait obligatoire.
(de la nouvelle « L’exilé »)
La femme d'aujourd'hui sait qu'il ne faut pas laisser les souvenirs rebondir dans le palais des miroirs ; ils deviendraient fous, comme une mouette qu'on enferme par mégarde dans une salle.
Dehors, le passé a commencé à jaunir. Le genre humain se racornit.
J'aimais ma chambre, balcon sur le monde, sur la renaissance d'un monde où étaient morts plusieurs de mes aïeux, un 9 août lointain.Huit de mes années se sont écoulées là.Comme j'aimais ces pièces, ces murs...Je me dis qu'il faudrait inscrire dans toutes les constitutions du monde le droit imprescriptible de chacun à revenir quand bon lui semble sur les hauts lieux de son passé .Lui confier un trousseau de clés donnant accès à tous les appartements, pavillons et jardinets où s'est jouée son enfance, et lui permettre de rester des heures entières dans ces palais d'hiver de la mémoire. Jamais les nouveaux propriétaires ne pourraient faire obstacle à ces pèlerins du temps.J'y crois fort, et si je devais renouer un jour avec l'engagement politique, je me dis que ce serait l'unique point de mon programme, ma seule promesse de campagne...
( Stock, 2010, p.106)
Vous l'avez entendu au cours du procès, je me suis retrouvée au chômage il y a deux ans.À l'âge qui est le mien, aucun emploi ne vous attend plus.La retraite est encore un horizon lointain et vous n'avez plus rien à faire dans le monde du travail.Vous voilà condamné à errer dans un entre-deux de l'existence. Malheur aux célibataires sans famille ! Le temps des allocations chômage échu, vous résiliez votre bail.Un début de honte vous pousse à quitter votre quartier.
( Stock, 2010, p.100)
Moi non plus, je ne manquais de rien. Nous vivions tous comme des coqs en pâte. Nous avions l'eau courante et l'électricité, nous mangions à notre faim et possédions des appareils, des objets à ne plus savoir qu'en faire. Nous vivions dans un pays de cocagne et pourtant, comme le beau-père Henry, je courais derrière le sommeil en fuite, refoulais le cafard en prenant chaque soir mes cachets bleus. Nous avions tout mais quelque chose manquait. Les malades de la Grande Peste ou les poilus de Verdun en auraient bien ri, de nos bobos à l'âme, tiens...
Il y a une grande part de nuit en chacun de nous, je crois. A ne pas confondre avec la "part d'ombre", bien sûr. La "part de nuit", c'est ce qui nous reste d'instinct et d'intuition, sous une chape de rationalité. Notre part chamanique, qui échappe à la Machine et aux tentatives de domestication.
Durant ces heures détachées du temps, il arrivait que mon esprit acquît une acuité qu'il n'atteignait pour ainsi dire jamais de jour. Pour emprunter une formule à Cioran, le noctambule des rues de Sibiu, mes pensées n'étaient plus captives de la logique diurne.