Sébastien Brebel L'Appartement - éditions P.O.L- où Sébastien Brebel tente de dire de quoi et comment est composé son livre "L'appartement", et où il est notamment question d'un appartement haussmannien et d'un frère et d'une soeur, du temps qui passe et d'une inondation, de personnages et de décor, de psychologie et de lieu, du "Miroir" d'Andreï Tarkovski et de "L'Ange exterminateur", de Luis Bunuel, du dehors et du dedans, de l'3inquiétante étrangeté3 et du fait qu'on est jamais chez soi, à l'occasion de la parution de "L'Appartement" aux éditions P.O.L à Paris le 24 octobre 2023
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"On peut faire n’importe quoi sauf n’importe quoi"
L. Bunuel cité par Jean-Claude Carrière dans une entrevue sur le film : Le Fantôme de la Liberté.
Quelque part entre le hasard et le mystère se glisse l'imagination, liberté totale de l'homme.
Steinbeck ne serait rien sans les canons américains. Et je mets dans le même sac Dos Passos et Hemingway. S'ils étaient nés au Paraguay ou en Turquie, qui les lirait? C'est la puissance d'un pays qui décide des grands écrivains. Galdos romancier est souvent l'égal de Dostoïevsky. Mais qui le connaît en dehors de l'Espagne?
L’imagination est notre premier privilège. Inexplicable comme le hasard qui la provoque. Toute ma vie je me suis efforcé d’accepter sans essayer de comprendre les images compulsives qui se présentaient à moi.
A l'époque de notre jeunesse, l'amour nous semblait un sentiment puissant, capable de transformer une vie. Le désir sexuel, inséparable pour lui, s'accompagnait d'un esprit d'approximation, de conquête et de participation qui devait nous élever au-dessus du simple matériel et nous rendre capables de grandes choses.
L'une des enquêtes surréalistes les plus célèbres ont commencé par cette question: «Si je l'aime, tout l'espoir, sinon l'amour, non » « ? Quel espoir, vous met dans l'amour » je l'ai dit, aimer nous a semblé indispensable à la vie, pour toute action, pour toute pensée, pour toute recherche.
Aujourd'hui, si je dois accepter ce qu'on me dit, il en va de l’amour comme de la foi en Dieu. Il a tendance à disparaître, du moins dans certains médias. Il est généralement considéré comme un phénomène historique, comme une illusion culturelle. Il est étudié, analysé ... et, si possible, il est guéri.
Aujourd'hui, à Calanda, il n'y a plus de pauvres qui sentent les vendredis à côté du mur de l'église pour demander un morceau de pain. La ville est relativement prospère, les gens vivent bien. Le costume typique, la ceinture, le cachirulo à la tête et le pantalon étroit ont disparu depuis longtemps.
Les rues sont pavées et éclairées. Il y a de l'eau courante, des égouts, des cinémas et des bars. Comme dans le reste du monde, la télévision contribue efficacement à la dépersonnalisation du spectateur. Il y a des voitures, des motos, des réfrigérateurs, un bien-être matériel bien préparé, équilibré par cette société à nous, où le progrès scientifique et technologique a relégué dans un lointain territoire la morale et la sensibilité de l'homme. L'entropie - le chaos - a pris la forme de plus en plus effrayante de l'explosion démographique.
Le hasard est le grand maître de toutes choses. La nécessité ne vient qu'ensuite. Elle n'a pas la même pureté.
De toutes les questions inutiles qui m’ont été posées sur mes films, une des plus fréquentes, des plus obsédantes, concerne la petite boîte qu’un client asiatique apporte avec lui dans le bordel. Il l’ouvre, montre aux filles ce qu’elle contient (nous ne le voyons pas). Les filles refusent avec des cris d’horreur sauf Séverine, plutôt intéressée. Je ne sais combien de fois on nous a demandé, des femmes surtout : « Qu’est-ce qu’il y a dans la petite boîte ? » Comme je n’en sais rien, la seule réponse possible est : « Ce que vous voudrez ».
Puis, après 1934, je me suis installé à Madrid. Je n'ai jamais voyagé pour le plaisir. Cet amour pour le tourisme, si répandu pour moi autour, c'est inconnu pour moi. Je ne ressens aucune curiosité pour les pays que je ne connais pas et que je ne rencontrerai jamais. Au contraire, j'aime retourner aux endroits où j'ai vécu et à ceux qui lient mes souvenirs.
J'ai eu la chance de passer mon enfance au Moyen Âge, cette période «douloureuse et exquise», comme le dit Huysmans. Douloureux dans le matériel. Exquis dans le spirituel. Le contraire d'aujourd'hui.