Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une forme de journal de l’auteur, qui partout où il passe semble ne jamais pouvoir se départir de sa nature d’écrivain : celle d’un homme qui observe ses contemporains d’un regard curieux, bienveillant, tendre même parfois, qui tel Sherlock Holmes n’a besoin que de quelques petits détails pour reconstruire aux personnes croisées toute une vie. Que ce récit corresponde à la réalité, quelle importance ? Le plaisir est dans l’exercice de pensée.
Pour le lectorat, il est dans la délicatesse avec laquelle Arnaud Cathrine esquisse des portraits, s’attardant souvent, consciemment ou non, sur des personnes dans une situation de fragilité ou de vulnérabilité, de laissés-pour-compte comme son voisin qui parle tout seul et semble avoir peur de tout au dehors, ce jeune homme à la laverie dont la vie semble tenir dans un seul sac, ce musicien des rues dont la dégaine se surimpose dans l’esprit de l’auteur avec des événements traumatiques. Parfois, au contraire, ce sont des gens en apparence bien sous tous rapports, mais alors l’auteur débusque les failles, comme si ses propres fragilités lui donnaient la capacité de repérer celles des autres. C’est une tenue légèrement élimée, la quête de quelqu’un à qui parler, le choix d’un emplacement à la plage. Parfois, on se reconnaît, dans certains des gestes ou des comportements adoptés par les personnages qui peuplent les pages. Parfois, on reconnaît des situations qu’on a nous aussi pu observer, et c’est tantôt drôle tantôt déchirant.
Au fil des textes, c’est aussi l’auteur qu’on apprend à connaître, car il n’est pas toujours simplement un observateur discret. Arnaud Cathrine se met en scène, planqué derrière un magazine dans un train ou derrière un journal dans un café, et c’est aussi lui qui se dessine et qui devient la matière de son livre, dans ses astuces pour pratiquer ses vols, comme il appelle cette façon de réécrire la vie de ses contemporains, mais aussi dans des conversations avec des proches, ou avec des inconnu(e)s. A-t-il vraiment aidé cette femme à porter un pack d’eau ? Raccompagné ce jeune serveur en voiture ? Pris le train avec des ami(e)s qui venaient d’euthanasier leur chat ? Peu importe, ce qui compte, c’est qu’il y a pensé, que ces situations lui sont venues à l’esprit et lui ont parues dignes d’être consignées. Et à chaque texte, on ne sait pas quel rôle il va tenir dans celui-là, et cela fait partie de la surprise, de l’impression d’ouvrir en tournant la page un nouveau paquet cadeau qui laisserait jaillir un bibelot unique et surprenant.
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