| 5Arabella le 09 mai 2019
La méthodologie de recherche en littérature, j'entends bien, c'est tout à fait essentiel. En suivant actuellement mon cours sur Molière par Georges Forestier, je vois très bien comment à partir de quels documents on peut avoir des informations, qu'il faut recouper avec d'autres informations d'autres sources et ainsi de suite. Mais à une telle distance, beaucoup de choses sont perdues, il y a donc des trous, et parfois on ne peut pas recouper, et donc on peut sur la foi d'un seul élément avoir une donnée fausse. Après, une fois les données établies, on donne quand même du sens, on choisit de privilégier tel ou tel élément, on interprète, qu'on le veuille ou non. D'où parfois des désaccord à partir de mêmes faits, des gens qui trouvent des éléments pour étayer des points de vue opposés, et encore plus pour les époques où on a si peu de données fiables.
Et les faits vont concerner la biographie, les sources, les conditions de la création, le contexte de l'époque, le sens donné à un tel mot, à une telle pratique social. C'est certes important, cela permet de mieux comprendre l'oeuvre, mais à un moment cela ne me suffit pas.
Parce qu'il y a les oeuvres en elle-mêmes, les très grandes tout au moins, elles dépassent leur époque, leur contexte, leur créateur lui-même. Donc partir de faits soit, mais cela devient vite insuffisant. Pour prendre un exemple, mettre un nom certain sur la dame brune des Sonnets, OK, cela exciterait follement les spécialistes, mais franchement je ne suis pas sûre que cela me donnerait un plus dans la lecture, dans le plaisir, dans le sens que je pourrais y mettre. Même si encore une fois, les faits établis sont une bonne base, au-delà, je trouve aussi passionnant des gens qui arrivent à donner un éclairage autre, qui me font entrapercevoir une dimension que je n'avais pas imaginée, qui me donnent envie de lire ou relire pour chercher, pour voir un autre angle. Et là on est dans du subjectif, parce qu'il y a des lectures qui me parlent et d'autres pas. Le livre de Serge Doubrovsky sur Corneille, aussi contestable soit-il pour de nombreux spécialistes, a des fulgurances qui me stimulent, et qui m'ont donné vraiment une vision de certaines oeuvres passionnante, même si je ne le suis pas sur tout, que je suis consciente des défauts de l'approche.
J'aime beaucoup le cinéma d'Eugène Green, je sais à quel point il se passionne pour ce qu'il appelle le baroque, alors j'espérais justement ce type de contenu, par forcément le plus impeccable sur le plan scientifique, mais surtout stimulant même si iconoclaste. Et je n'ai pas été emballée. Mais je reconnais que ce n'est pas forcément la faute de l'auteur, plutôt une interaction qui n'a pas fonctionné.
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