Je n'avais jamais entendu parler de cet auteur et n'avais rien lu de lui. Sans la polémique à propos de la sélection de son livre pour le Renaudot, je ne l'aurai sans doute jamais lu. Ce qui aurait été dommage, mais peut-être pas pour de bonnes raisons.
Voyons d'abord le fond de ce roman, car la forme, il va falloir en parler, hélas, et ce ne sera pas triste.
Koskas nous raconte les mésaventures amoureuses d'une «
bande de Français » vivants à Tel-Aviv, parmi lesquels les principaux sont Elias, caricature de séducteur a qui il suffit de paraître pour que les plus belles lui tombent dans les bras (voire un peu plus bas), Juliette, belle amoureuse (n° 1) folle de notre séducteur, et Olga, également folle amoureuse du même. le dit Elias, pour disposer de l'argent nécessaire selon lui à la conquête d'Olga, dont il est toqué (ce qui, chez lui, implique par ailleurs une fidélité à géométrie extrêmement variable) montera une arnaque aux ficelles cousues de fil blanc dont le reste du roman montrera qu'elle ne se résoudra pas de la façon prévue.
Interviennent aussi quelques personnages hauts en couleurs au passé disons particulier (un ancien hardeur à la générosité proverbiale), voire discutable (un nabab autoproclamé au passé trouble).
Il y a toutefois une autre protagoniste, qui hante chaque page et qui est merveilleusement, de façon presque enchanteresse, décrite par l'auteur qui doit en être amoureux : Tel-Aviv, dont la vie, les lieux et les places sont magnifiquement décrits, et qui sert d'écrin à cette histoire. Sauf que, comme pour certains bijoux, on a parfois l'impression que l'écrin a plus de valeur que ce qu'il est censé mettre en valeur. Même si la ville donne parfois l'impression d'être un paradis pour célibataires un tant soit peu entreprenants, toute sa description sonne vrai. Il n'en est pas, hélas, de même pour le personnage principal, Elias, dont les errements moraux et les beuglements d'amour font irrésistiblement penser à ceux d'un acteur spécialisé dans le cabotinage format XXL.
Et tout cela, c'est bien dommage.
Parce que derrière ce travail d'écriture expédié à la va-vite, il y a indéniablement du talent, de la passion, mais, là, vraiment, il faut s'accrocher pour s'en rendre compte.
C'est peut-être parce que j'écris un peu, mais j'ai la très nette impression que l'auteur a écrit ce roman en trois temps :
Tout d'abord,
Marco Koskas a établi une galerie de portraits, parfois truculents, plus ou moins réalistes (il est des situations où Elias n'est pas crédible une seconde), sans trop savoir ce qu'il en ferait. Pour piquer l'intérêt du lecteur, il utilise une recette vieille comme le monde, avec quelques épices titillant le dessous de la ceinture.
Puis, il trouve une mince intrigue et y implique ses personnages. Ce n'est pas mal trouvé, il y a quelques rebondissements, des situations hautement improbables, mais, bof, avec de la bonne volonté, on peut s'y laisser prendre. Et c'est dommage parce que derrière, on sent une grande maitrise du sujet, du rebondissement, du récit… mais hélas, tout cela reste en filigrane, comme une mauvaise rédaction écrite sur un excellent papier.
Enfin notre auteur, dans un troisième temps, ne sachant comment terminer son livre, nous laisse en plan. Cela pourra toujours passer pour un effet de style.
Le style, justement, il nous faut en parler. Et donc, après avoir touché le fond, parler de la forme. Rappelons la polémique : ne trouvant pas d'éditeur, Koskas a édité lui même son livre via les services d'auto-édition d'Amazon, ce qui motive l'ire des libraires. C'est la première fois qu'un livre autoédité se retrouve en lice pour un prix littéraire reconnu. C'est même cela qui m'a poussé à le lire.
Disons-le tout net : ce livre constitue la plus mauvaise publicité que l'on pouvait faire à l'auto-édition. Les lecteurs qui ne la connaissent pas risquent fort d'être persuadés qu'elle ne contient que des ouvrages à la mise en page aussi catastrophique, ce qui est loin d'être le cas. Car là, c'est une Bérézina typographique : titres non centrés, dialogues séparés de leurs tirets cadratin, eux-mêmes stupidement décalés ; absences de retour à la ligne provoquant, dans la même conversation, un passage brutal de personnages à d'autres, dans une autre situation et un autre lieu ; le tout rendant la lecture des plus difficile, voire éprouvante. Comment un auteur par ailleurs reconnu et déjà publié peut-il se moquer autant de ses lecteurs ?
Alors que tant d'auteurs qui ont choisi l'auto-édition (et pas toujours parce qu'ils ont été refusés, mais pour des questions de délais, de liberté de thèmes, de style) ont a coeur de livrer des ouvrages à la typographie non seulement impeccable, mais soignée (je songe par exemple à Elen Brig Korrigen ou
Anaïs W, dont on peut apprécier ou non les textes, mais dont on ne peut mettre en doute le souci de respecter le lecteur), ce manque de soin caractérisé dans la réalisation de l'ouvrage nous oblige à constater que dans ce livre la forme rejoint le fond : c'est le travail bâclé d'un écrivain peut être excellent par ailleurs, mais qui a failli ici au principe le plus élémentaire de celui qui se pique d'écrire : la considération, le respect et l'attention que l'on doit au lecteur.
J'ai donc été globalement déçu par ce roman dont la lecture est physiquement pénible alors que le fond, avec un peu plus et temps et d'application, aurait pu être excellent.
Les rares points positifs que j'en retire, c'est d'avoir découvert Tel-Aviv, décrite de main de maitre, et la satisfaction de me dire que, modulo les copinages germanopratins et l'appartenance au milieu idoine, je devrais être, dans ces conditions, capable de postuler au Renaudot !