J’ai conservé ses cendres
J’ai conservé ses cendres durant un an,
dans une petite boîte en carton
biodégradable, couleur lie-de-vin. Puis,
l’été suivant, à la pointe du Milliet,
j’avais dans mon sac à dos l’urne
d’Osiris. Je marchais le long du sentier
côtier, me laissant bercer par le bleu roi
de la mer. À un moment, la pente devint
douce, la voûte des pins déboucha sur
une petite crique. C’était la marée basse.
Contournant la crique, j’escaladai de
gros rochers, et arrivai à une grande
cavité, en me penchant, je pus voir la
mer s’y engouffrer avec fracas, faisant
jaillir l’écume. J’ouvris l’urne
délicatement. Je fus surprise. C’étaient
de légères particules blanches. Je me
penchai pour déverser le contenu de la
boîte. La poussière d’os vola, se déposa
sur le rocher situé plus bas. La roche fut
recouverte d’une poussière fine. La mer
l’emporterait, la pluie la laverait, le soleil
la couverait et elle serait bercée par le
vent, s’envolerait même, se disperserait.
J'ai grandi et j'ai connu des troubles de la communication, je me suis enfermée dans ma bulle de silence. J'ai connu la solitude et la grand tristesse. J'ai trouvé dans l'écriture un moyen d'expression. J'ai découvert la bulle protectrice de la poésie, qui m'a enveloppée d'un halo de lumière et de chaleur. J'ai rencontré des personnes qui m'ont comprise. Je perds la mémoire. J'oublie qui je suis et qui j'ai été.
Marcher, c'est ouvrir quelque chose à l'intérieur de soi. C'est faire tomber les murs, les portes, les fenêtres. C'est être à ciel ouvert.
Ce qui m’apaise
Ce qui m’apaise, c’est la nature, la
poésie. Partir dans un endroit très vert,
sortir le chat, observer par la fenêtre
humer les plantes. Il est posté sur une
rambarde en bois. Seules ses oreilles
bougent. Ma plus grande peur : ne plus
pouvoir m’évader. C’est cela qui
fait barrage contre tous les fantômes qui
viennent m’assaillir. J’ai toujours peur de
la chute, du gouffre dans lequel je
pourrais tomber. Je tomberais dans un
trou et le monde se retournerait contre
moi. D’où vient cette image ? Il n’y
aurait plus que des présences
malveillantes. Je serais assise,
recroquevillée dans l’obscurité. Comme
un enfant qui a peur dans le noir…