Bien sûr, c’était quelqu’un de passionné ; mais passionné ne signifie pas nécessairement nerveux ou tendu. La dernière fois que je l’ai vue, elle s’apprêtait à passer un savon au laboratoire parce qu’ils avaient raté les analyses de sang du petit Fiske. J’aurais pu essayer de lui parler, de la calmer d’une manière ou d’une autre ; mais je n’ai même pas essayé. J’ai remarqué qu’elle avait l’air très fatiguée, peut-être à cause du Valium… Mais sur le moment, il ne m’est pas apparu que ça pouvait être dû à autre chose qu’un peu de surmenage et à un manque de sommeil.
Le suicide, c’est ce à quoi on pense quand on découvre un corps dans une voiture dont le moteur tourne, dans un garage. Mais le suicide ne cadre pas avec le personnage de Mara. C’est peut-être un accident ; Mara était si fatiguée qu’elle se serait endormie au volant en laissant tourner le moteur. Mais un suicide ? Comme ça ? Sans un appel au secours ? Sans faire savoir à aucun d’entre nous qu’elle était près du point de rupture ?
Toute notion de réalité avait disparu. Entre l’obscurité de la nuit, la friction de ses cuisses et la vivacité de son corps, elle se sentait perdue. Lentement, il la hissa vers les sommets jusqu’à ce que, dans un petit cri, tous muscles tendus, comme en arrêt, elle se libérât en un violent et long orgasme durant lequel il trouva aussi son plaisir.
En y repensant bien, ce sentiment de vide n’avait aucun sens. Que Mara eût représenté une part importante de sa vie pendant vingt ans, que sa disparition eût laissé en quelque sorte une place à prendre était parfaitement compréhensible. Mais que ce vide tendît à s’agrandir chaque jour davantage relevait de l’absurdité.
C’est Mara qui allait s’occuper du chat. C’était une obsédée de la défense des pauvres et des opprimés. Elle avait un cœur gros comme ça et entre la perte de son dernier enfant adoptif et l’arrivée de celui, en provenance des Indes, qu’elle n’attendait pas avant plusieurs mois, cela lui ferait un peu de distraction.