Les robots sont en train de transformer le monde du travail : il faudrait littéralement se bander les yeux pour ne pas voir le nombre grandissant de petits emplois remplacés par des automates. Ceci dit, une fois qu'on a dit ça, on n'a pas dit grand-chose. Ce n'est pas la première fois que la technologie vient secouer une industrie ; est-ce que nos robots modernes ont quelque chose de plus que les robots du passé ?
Le livre aborde une quantité de choses, et soulève des questions plutôt concrètes, ce qui change agréablement des débats sur le sujet, où les intervenants tentent de définir l'être humain et la signification du travail depuis l'aube de l'humanité. Parmi les thèmes abordés, je note particulièrement : les travailleurs humains sont « robotisés » de toute façon et sont de plus en plus évalués sur des critères chiffrables et chiffrés, les vues d'ensemble subjectives sont en voie de disparition ; il faut reconnaître que le succès de l'automatisation provient du fait qu'une part de la population préfère traiter avec des machines qu'avec d'autres humains, et que l'aspect « chaleur humaine », s'il est socialement valorisé, n'est pas un argument de vente généralisé ; et on ne fondera jamais une économie sur la nécessité de conserver des traditions.
J'ai tout de même deux reproches à faire à l'ouvrage. Tout d'abord, je l'ai trouvé un peu trop centré sur l'individu, pas la société dans son ensemble. On discutera ainsi des choix de carrière, des possibilités de formation, des secteurs porteurs d'emploi, mais assez peu de thèmes comme le revenu universel ou le temps de travail, qui vont pourtant de pair, à mon sens, avec une robotisation poussée dans la société.
Ensuite, j'ai trouvé que le livre sur-évaluait clairement la capacité des intelligences artificielles actuelles. Si les effets d'annonce sont toujours plus sensationnels les uns que les autres, on est en réalité encore assez loin de programmes complètement autonomes. Il y a toujours une foule d'humains chargés d'annoter des données pour nourrir les algorithmes en amont (travail abrutissant et précaire qui n'est malheureusement pas mentionné ici), et en aval, les « décisions » sont toujours supervisées et corrigées par des humains également. Même quelque chose d'aussi acquis dans l'esprit du public que le classement des résultats du moteur de recherche Google contient encore aujourd'hui une bonne partie d'intervention humaine.
Alors, qu'on ne se méprenne pas, j'aime l'intelligence artificielle, c'était mon domaine d'étude, je suis toujours les dernières évolutions et je reste convaincu qu'il y a moyen de faire des choses extra-ordinaires dans le domaine. Mais il y a déjà eu deux bulles qui ont explosé dans les années 70, puis dans les années 80, parce qu'elle a été sur-vendue à chaque fois et ne parvenait jamais à tenir ses promesses. Ça serait dommage que l'histoire se répète une nouvelle fois.
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Il est intéressant de noter que la période qui précède l'automation d'un métier se caractérise presque systématiquement par un contrôle accru exercé sur les salariés. Dit autrement, on commence par essayer de normaliser le comportement des êtres humains avant de les remplacer par des robots. Pour normaliser le comportement d'un être humain, on commence par mettre en place des outils de contrôle tels que la géolocalisation ou le suivi d'activité en temps réel. Par exemple, il est très facile aujourd'hui pour une entreprise comme la SNCF de savoir combien de procès-verbaux dresse un contrôleur de train chaque jour. Puis, de comparer en temps réel ce résultat avec la moyenne des procès-verbaux dressés sur la même ligne durant l'année par l'ensemble des contrôleurs. Le système de contrôle va ensuite alerter automatiquement le manager quand ce taux sera trop faible (contrôleur trop conciliant ou ne réalisant que partiellement ses opérations de contrôle) ou trop élevé (contrôleur trop zélé). Le manager pourra alors intervenir auprès du contrôleur pour lui faire corriger son comportement et ainsi normaliser au sein des trains les opérations de contrôle. Lorsqu'un tel système de normalisation est mis en œuvre, on peut s'attendre au remplacement de cette fonction par un robot à court ou moyen terme.
Le robot-manager est un logiciel informatique qui organise la préparation des commandes. La machine dicte aux manutentionnaires l'allée de l'entrepôt où ils doivent se rendre pour récupérer la marchandise, puis le nombre de colis qu'ils ont à emporter. Une fois les commandes prises, les employés répondent « OK » et la machine leur donne une autre commande à traiter. Les employés n'ont le droit de prononcer que 47 mots, ceux compris par la machine. Les employés sont littéralement devenus des robots dirigés par un robot.
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