Kate avait trouvé un peu ridicule que la nouvelle de sa grossesse fasse les gros titres. Mais comme les médecins le lui avaient dit et comme elle avait pu le vérifier sur Google, il était très rare pour une femme de plus de cinquante ans de tomber enceinte – et encore plus rare que la grossesse aille jusqu’à son terme.
Et pourtant… elle avait perdu les eaux huit heures plus tôt, son col était dilaté de huit centimètres et son médecin venait de lui annoncer que le moment était venu.
La première journaliste qui l’avait appelée travaillait pour le magazine Maman et Bébé. Kate avait uniquement répondu à son appel pour ne pas être impolie. Elles s’étaient parlé à deux reprises par téléphone. La deuxième conversation avait été plus centrée sur la faculté de Kate à maintenir une seconde carrière au sein du FBI. La journaliste s’était adressée à Kate comme si elle était une sorte de superwoman. Kate ne savait pas pourquoi, mais il y avait eu quelque chose dans cette interview qui l’avait chipotée tout au long de sa grossesse.
Parce que personne ne devrait me considérer comme un exemple, pensa Kate, cinquante ans de tomber enceinte – et encore plus rare que la grossesse aille jusqu’à son terme.
Elle n’aimait vraiment pas cette Carol Foster. C’était le genre à se croire plus catholique que le pape, le genre à diaboliser les autres pour avoir l’air d’un héros. Il n’y avait aucun doute qu’Howard Schuler avait commis des erreurs et qu’il n’était pas l’homme le plus fiable de la ville. Mais il ne parviendrait jamais à échapper aux erreurs de son passé si des gens comme Carol Foster continuait à faire circuler de vieilles rumeurs à son sujet.
« Qu’est-ce que vous voulez dire par là ? » demanda Paulette. À côté d’elle, Ava avait l’air de chercher n’importe quelle excuse pour s’en aller.
« Eh bien, il y a eu trois meurtres et toutes les victimes avaient apparemment bu de l’alcool. Alors peut-être que vos petits efforts n’ont pas eu le résultat escompté. »
« Si vous pensez… »
« Attendez, » dit DeMarco, en coupant la parole à Carol.
Kate sentit de la frustration dans sa voix. Elle se rendit compte qu’elle avait non seulement pris les choses de manière trop personnelle avec Carol, mais qu’elle avait également révélé certains détails de l’enquête qui n’avaient pas besoin d’être connus du public. Ses émotions prenaient visiblement le dessus sur elle.
« Sachez que je ne lui cherche pas d’excuses. Je suis bien conscient que c’est un misérable. Et bien qu’il ait toujours été comme ça, ça s’est surtout empiré ces trois dernières années. Vous avez remarqué que ses antécédents remontent à maximum trois ans ? »
Kate pensa d’abord qu’elle avait l’air plus âgée, mais ce n’était pas ça. C’était son attitude qui avait changé, la manière dont elle se tenait. Elle avait la tête haute et regardait droit devant elle, sans avoir besoin de quelqu’un pour la soutenir ou la guider. Dans ce sens, oui, DeMarco paraissait plus âgée. Vu qu’elle venait juste d’avoir un enfant, Kate y trouva une analogie plutôt appropriée : le changement de DeMarco ressemblait à celui qui s’opérait chez une femme encore jeune et naïve, qui viendrait juste d’avoir un bébé et qui serait désormais guidée par l’instinct maternel.
Elle aimait les moments de qualité mais elle n’appréciait pas du tout le fait de passer son temps à préparer des biberons et à changer des couches.
Mon dieu, est-ce que je n’ai plus ma place nulle part, maintenant ?
C’était une pensée qui ne la quitta plus. Elle s’allongea sur son lit et essaya de s’endormir. Quand le sommeil finit par arriver, une autre question lui vint en tête – une question plus simple et bien plus abrupte.
Est-ce que je suis une mauvaise mère ?
Cette pensée lui pesa longtemps sur la conscience et finit par l’empêcher de s’endormir.