Virtuelle Apocalypse est classé dans les ouvrages de science-fiction. Pourtant, mais il est bien loin d'être destinés aux seuls amateurs du genre (dont je ne fais pas partie, je le précise). Pour ma part, j'ai été conquise par tout ce qui touche à la relation entre le père et son fils. Elle me semble même être le coeur de l'affaire, et l'auteur sait la rendre très forte : le livre narre les aventures d'un adolescent, certes, mais il développe en parallèle à la fois son parcours personnel (qu'il ait lieu dans notre monde ou dans l'Altermonde, qui peut se comprendre comme un espace de rêverie active) et sa vie familiale, où ce sont les liens avec son père qui servent de catalyseurs pour que les expériences vécues dans l'un ou l'autre monde fassent avancer l'adolescent.
Ah mais... n'y a-t-il pas là un intéressant paradoxe ? Un adolescent, c'est un être en devenir qui traverse des épreuves visant à le détacher de ses parents et à le faire devenir adulte à son tour ; Julius vit tout cela, mais c'est pourtant dans l'échange avec celui dont il doit se détacher, son père, qu'il comprend le sens de ce qu'il vit et la manière dont cela va le faire grandir. Et cela fonctionne : le Julius de la fin du livre n'est pas celui du début. Au passage, le lecteur, qui a le sentiment de lire une histoire divertissante, est embarqué à son insu dans une grande métaphore de tous ces paradoxes qui nous compliquent la vie et qui, si nous trouvons à les surmonter (à l'instar du héros), nous font avancer. Virtuelle Apocalypse est tout autant un roman d'initiation que de science-fiction.
J'ajouterai que le livre est très bien écrit, très bien construit, qu'il se lit très facilement. Il fourmille de références cultivées et vous remarquerez que je dis bien "cultivées", et non pas "érudites" : car elles sont érudites, mais elles ne sont convoquées que pour servir le développement de l'histoire et nous plonger dans un monde où nous retrouvons tous des points de repère. Cela rend Virtuelle Apocalypse très agréable à lire : je le recommande donc à tous les parents d'adolescents... et surtout, à tous les anciens adolescents.
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-Oui, pourtant j'existe bien moi, je suis bien réel. Et c'est la même chose pour la table par exemple : on la voit, on peut la toucher, elle est solide.
-C'est vrai, mais n'est-ce pas une croyance construite par nos sens ? On parle bien de fantômes ou de racine carrée, de rêves aussi, et pourtant ces objets n'existent pas physiquement. Tu sais qu'un amputé peut continuer à parler à sa jambe et même affirmer avoir mal à cette jambe qu'il n'a plus pourtant ?
Julius était resté sans rien dire, perplexe. Mettre en doute tant d'évidences l'avait troublé. Il aurait bien voulu discuter avec un amputé, "lui tenir la jambe", en quelque sorte.
Les voix sourdes, tremblantes, les regards inquiets trahissent une peur terrible, comme si, par leur seule évocation, les puissances maléfiques qui oeuvrent sur ce territoire infernal pouvaient s'immiscer dans les esprits, s'en emparer et rendre fous les impudents qui osent ne serait-ce qu'y penser. Il est question de chaos, de ténèbres éternelles, de monde livré aux forces du Mal qu'il faut un jour affronter, irrévocablement. Car cet effroyable royaume du néant n'est pas seulement un espace géographique ou mythique, il est un espace intime, en chacun.
Ils arrivent à l'endroit prévu pour la coupe, un bosquet d'arbres aux lignes parfaites. La lumière a un peu plus de mal à franchir le rideau végétal, le silence est à peine troublé par les bruits des rares animaux qui sont là, dans l'ombre ; un calme profond règne sur le lieu. Ils s'arrêtent, la journée s'annonce vraiment belle, bienheureuse. Pourtant...
Mais en vérité, pourquoi vouloir toujours chercher plus loin, vouloir toujours découvrir au-delà, s'exposer à l'inconnu, à l'inconnaissable, "tenter le diable" ainsi que le bon sens populaire l'exprime, au lieu de s'abandonner au monde, de le vivre dans sa présence éclatante sans autre désir que d'être en paix avec lui, en lui ?