Je me décide à faire ce commentaire, même si je ne suis pas sûre qu'il ne vaudrait pas mieux que j'attende un petit moment pour essayer d'être un petit peu plus objective pour parler de ce livre, car il a éveillé en moi des réactions négatives, qui dépassent en réalité uniquement ce roman, mais concernent une certaine façon d'écrire, de concevoir la littérature, qui ne me convient pas vraiment.
Le livre de
Chimamanda Ngozi Adichie raconte la guerre civile au Nigeria dans les années soixante, marquée par la tentative de sécession du Biafra, la riposte militaire très violente, la famine dans la population civile. Nous suivons une série de personnages, en particulier des jumelles (fausses) Kainene et Olanna, ainsi que leurs familles et proches. Elles sont issues d'une famille très riche, ont suivi leurs études en Grande-Bretagne, Kainene devient femme d'affaires à qui tout réussi, et Olanna universitaire. Et les événements arrivent et tout leur monde bascule.
C'est un roman très habilement fabriqué, j'ai trouvé le début très prenant, l'auteur nous décrit ses personnages d'une façon qui fait que l'on a envie de les suivre, de voir ce qu'ils deviennent. L'écriture est très efficace, sans rien de superflu ni d'enflé. Mais au fur et à mesure que j'avançais dans ma lecture, une lassitude s'installait de plus en plus forte, et un méchant génie que m'envahit régulièrement, me glissait des choses de plus en plus méchantes à l'oreille.
Déjà en ce qui concerne les personnages principaux, après un début prometteur, je trouve que l'auteur ne les développe pas suffisament. Olanna et son mari sont les seuls qui ont vraiment du relief, Kainene est une sorte de sphinx impénétrable, ce qu'elle pense, ce qu'elle veut, demeure parfaitement inconnu. le personnage d'Ugwu, le boy, après un début très prometteur, n'évolue plus, il reste toujours le gamin impressionné et admiratif devant son Master, et en adoration devant Olanna, sa maîtresse.
Mais c'est surtout la façon dont le livre est fabriqué qui me pose question. La construction et l'écriture sont très efficaces. D'une efficacité qui sent terriblement les ateliers d'écriture tels qu'on les pratique aux USA, pays dans lequel l'auteur d'après ce que j'ai lu a fait ses études, elle y a obtenu entre autres un master en création littéraire. Et cette façon aseptisée et somme toute impersonnelle de produire un roman me gêne terriblement. Pour celui-ci comme pour d'autres. Il n'y a finalement pas grand-chose de très personnel dans ce livre, rien de vraiment inspiré. Je trouve que compte tenu du sujet, c'est vraiment dommage. Là je vais peut être aller très loin, mais j'ai eu la sensation que l'auteur nous débitait un peu les passages obligés lorsqu'on parle de guerre civile. Ainsi à un moment donné nous faisons connaissance avec un voisin de la famille d'Olanna. Lorsque ce passage est arrivé, il m'a fait me poser des questions, je ne comprenais pas très bien pourquoi ce passage que je trouvais artificiel et un peu maladroit se trouvait là. Et puis la réponse arrivait plus tard. Parce que le gentil voisin se transformait en assassin sanguinaire et participait au massacre de ses voisins. Je ne veux pas paraître dure et cynique, mais ce genre de récits, on les entend systématiquement dans les récits de différentes victimes de guerres civiles, le choc de voir les gens avec qui on vit et que l'on considère comme des amis se transformer en tueur. Et j'ai eu la sensation que voilà, c'était un truc obligé à mettre dans le roman, et le terrible c'est que l'horreur se transformait en cliché par manque d'inspiration véritable pour en parler. de même que les enfants soldats, réalité terrible, mais en parler uniquement parce qu'il faut en parler, parce que le lecteur attend ces passages, sans arriver à trouver le ton juste et vraiment personnel, m'a mis mal à l'aise.
J'ai eu la sensation d'un livre fabriqué par une universitaire anglo-saxonne, avec un indéniable savoir faire, pour un public international, et en premier lieu anglo-saxon, un truc un peu comme la bouffe internationale dans les hôtels. Pas de mauvaise surprise, mais rien de vraiment excitant. Un peu comme certains de romans indiens récents, fabriqué visiblement pour l'export, selon les règles standard, avec la petite touche d'exotisme, mais surtout pas trop forte pour ne pas déranger le lecteur.