En matière de personnages récurrents dans le polar,
Jussi Adler-Olsen est de ceux qui ont le plus marqué les esprits, il n'y a pas photo. Déjà sept romans qui mettent en scène les protagonistes inoubliables que sont Carl, Assad et Rose, où l'auteur a pris l'habitude de distiller avec parcimonie les éléments de leurs passés (de manière assez sadique, parfois).
La grande différence d'avec ses six écrits précédents est que, cette fois-ci, Adler-Olsen balance du lourd sur l'un des trois personnages. le lecteur fidèle n'est pas habitué à tant de révélations, on sent la fin de la série poindre le bout de son nez (il devrait y avoir dix romans en tout).
L'auteur prend bien soin de toujours trouver une enquête sensiblement différente des précédentes, il en profite pour égratigner les travers de notre société actuelle (et ce qu'il met en évidence au sein du Danemark fonctionne tout aussi bien en France).
Cette fois-ci, il dresse le portrait d'une certaine catégorie d'assistés. Si vous pensiez accoler « immigrés » à ce terme, vous avez tout faux. Ce sont plutôt ces jeunes bimbos, bonnes à rien, nourries à la télé-réalité, et qui ne comprennent pas pourquoi elles ne sont pas également riches et célèbres. D'ici là, elle profitent sans vergogne des aides de l'État. Souriez, vous êtes recadrés.
L'écrivain danois fait d'ailleurs dire à l'un de ses personnages que nous sommes maintenant confrontés à la première génération moins éduquée que celle de nos parents. A méditer quoi qu'un peu caricatural sans doute. Mais cet instantané d'une partie de notre société est plutôt bien vu. Je peux vous assurer que vous aurez très vite envie de distribuer des baffes à ces personnages-là, même si vous êtes habituellement non violents comme moi…
Cette triste photo de profil sociétale prend une autre tournure lorsque certains meurtres font leur apparition. Au point de faire tourner le récit au vaudeville mortifère.
Je dois avouer que c'est le premier des épisodes mettant en scène le département V de la police danoise que je trouve un ton en dessous des autres. le grand fan de la série que je suis aura apprécié de retrouver les personnages qui sont devenus de vraies connaissances, mais le fait de braquer la lumière sur l'un des trois a fait que les deux autres semblent un peu pâles.
Et puis, une fois la surprise passée concernant le thème du roman, j'ai trouvé que l'auteur faisait parfois traîner un peu trop en longueur une intrigue qui aurait pu être un peu plus ramassée, et que quelques scènes tournaient au grotesque.
Mais
Jussi Adler-Olsen reste fidèle à lui-même et, au moment de la photo finish, on se dit que ses personnages et lui sont toujours aussi uniques. Avec
Selfies, sa manière originale de dénoncer les travers du monde actuel fonctionne encore, tout comme son humour si personnel. Clairement, si vous avez lu les précédents (et il faut les avoir lus pour vraiment apprécier ce qui arrive à l'un des protagonistes), le rendez-vous annuel avec Adler-Olsen reste un incontournable.
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