Je regrette de ne pas avoir écouté Tchekhov, ou de ne pas l'avoir lu à l'époque : "Si vous craignez la solitude, ne vous mariez pas."
Alain Robbe - Grillet a écrit que la pire chose qui soit arrivée au roman fut l'arrivée de la psychologie. On peut supposer qu'il voulait dire que désormais nous nous attendons tous à comprendre les motivations ultimes de tous les actes des personnages, comme si cela était possible, comme si la vie fonctionnait ainsi. [...] Par exemple, si une protagoniste ne peut faire l'expérience de l'amour, c'est qu'elle a été abusée sexuellement, ou si le héros cherche perpétuellement l'approbation d'autrui, c'est que son père lui accordait très peu d'attention quand il était petit. Ceci, bien entendu, ne tient pas compte du fait que bien d'autres ont vécu la même chose en ayant néanmoins un comportement différent, mais c'est un point de détail, comparé à la perte réelle qu'il y a à combler le désir d'explication: la perte du mystère. (P.116)
Ma mère n'a pas attendu le grand âge pour atteindre son apogée. Elle commença à survoler en cercles le sommet de l'Everest du narcissisme à un âge assez jeune, et plus tard, après la mort de son mari, quand ses enfants furent grands, elle flotta au-dessus de toute la chaîne de l'Himalaya. Les sujets dans lesquels elle se spécialisa, ou qu'elle souhaitait aborder, étaient, dans l'ordre : elle-même, ses garçons, son mari er l'infériorité du reste du monde. J'exagère à peine.
Des géants de la littérature, de la philosophie et des arts ont influencé ma vie, mais qu’ai-je fait de cette vie ? Je demeure un grain de poussière dans le tumulte de l’univers. Je ne suis rien d’autre que poussière, un atome –à la poussière je retournerai. Je suis un brin d’herbe qu’écrase le godillot du fantassin.
Certes, dire de ma mère qu’elle est mourante ne signifie pas grand-chose, cela n'a pratiquement aucun sens. Nous sommes tous mourants; nos jours à tous sont comptés.
Nulle nostalgie n'est vécue avec autant d'intensité que la nostalgie de e qui n'a pas eu lieu. (p212)
Le mirage dans l’étang
a beau parfois se troubler ;
connais l’image.
Rilke.
Nulle nostalgie n'est vécue avec autant d'intensité que la nostalgie de ce qui n'a pas eu lieu.
Un des points que j'ai en commun avec l'incroyable Faulkner, c'est qu'il n'aimait pas qu'on interrompe sa lecture. Il dut quitter son boulot d'employé du bureau de poste de l'université (que son père lui avait obtenu) parce que les professeurs se plaignaient que le seul moyen qu'ils avaient de retrouver le courrier qui leur avait été adressé était de fouiller dans les poubelles, où trop souvent échouaient les sacs de lettres non ouvertes. Il aurait, dit-on, annoncé à son père qu'il n'était pas préparé à constamment se relever pour s'occuper des clients au guichet en se mettant à la disposition de "n'importe quel fils de pute avec deux cents pour acheter un timbre". (P.182)
Considérez ceci : afin d'élever le prophète Moïse au-dessus de tous les hommes, Dieu lui offrit le miracle qui aveuglerait les gens de son temps. À cette époque, les magiciens étaient omniprésents en Égypte, aussi tous les miracles de Moïse impliquaient-ils la plus inventive des magies : verge transformée en serpent, rivière en sang, mer Rouge scindée en deux. Au temps de prophète Jésus, la médecine était reine. Jésus soignait les lépreux et ressuscitait les morts. Au temps de notre prophète, la poésie était admirée, et Dieu offrit à Mahomet, un illettré, le miracle d'une langue sans pareille.