LA GRADIVA
Extrait 2
Remontent aux lèvres les répétitions anciennes du
dénuement. Une forme d’élaboration alternée : tout
ce qui se passe comme sur la scène d’un opéra dédou-
blé s’enfonce dans les coulisses, archives d’un acte
presque oublié, dont une blessure factice palpite sous
les bandages : ils jouent avec l’alternance des secondes
un jeu serré Un corps éclate se renverse sur la couche :
« la voix monte dans une tache qui se plaque sur la toile »
la nuque supporte la tombée des draperies sombres
Y a-t-il une réponse répètent-ils ? les bijoux ―
les bijoux qui gardent le corps symbolique le préservent
de la chute à travers la vitre. le chant Une cité élaborée
et ses colonnes stratifiées. D’elles sortent les pas d’une
Gradiva parée pour la rencontre seconde.
Dans les feuilles elles retournaient lentement à leur corps.
Elles pourraient courir sur des terrains glaireux, glisser la voix
s’est dédoublée, les bandages tombent. Ce mal qui le prenait
à la cheville ne l’empêche pas d’aller à sa rencontre
Une lumière va sourdre dans l’éveil de la mémoire mise à
mort et dans ce pan de couleurs
LA GRADIVA
Extrait 1
Elle tient ― une lignée vocale « Allongée » dans la charge
sombre des tentures. Une répétition d’eau mine les vitres :
tombe : surplombe la chute noire. Nuit. la voix. Elle extrait
le mythe de celle qui se jette un flambeau à la main dans la
verrière nocturne. Des personnages épient la montée du
thème. la voix se donne alternative et se reprend, tandis
que les larmes des acteurs simulent la disparition. elle subit
la torture des absences répétitives, et la voix redit les notes
de la rencontre et de la disparition.
l’absence dans la voix se joue plusieurs fois. Comme la
note dans la peinture déjoue la fixation de la couleur, à
plusieurs degrés. le blanc est mis à nu ; le corps pansé de
près de bandelettes odoriférantes « le lied perce un corps
nu que dévore une broderie » la menace perpétuelle os-
cille avec la nuit. Elle se tient dans le passage
LA NUDITÉ ET LE DÉMEMBREMENT
DE LA LETTRE
Le corps
Extrait 2
la nudité de l'os, la fragmentation et le nu tendent à la
transparence de même que la syntaxe à la dissolution : le corps est
comme pris dans un anonymat précis qui le menace, feuille blanche
et mur : ce qui prendrait la main de celui qui écrit ; serait-ce la
formulation « Est-ce » tendant vers l'S ou le point d'interrogation
enfermé dans un carré, mur quatre fois récidivé.
…
LA NUDITÉ ET LE DÉMEMBREMENT
DE LA LETTRE
Le corps
Extrait 3
La voix de celui qui fait face à la page est isolée ; à l'intérieur du
corps c'est encore l'interrogation, et ce qui préexiste ou suit l'écri-
ture encore la menace dans un certain leurre : ce décalage de l'écri-
ture à l'écriture à travers le corps.
LA NUDITÉ ET LE DÉMEMBREMENT
DE LA LETTRE
Le corps
Extrait 1
il chercherait à transfigurer la nudité du corps par la nudi-
té de la lettre, sa désarticulation, ses métamorphoses de la capitale
à la lettre minuscule, dans le cadrage de l'S capitale et le point d'in-
terrogation doublement inversé.
…
Anne-Marie ALBIACH – Figurations de l’image (France Culture, 2004)
Un extrait de l’émission « Poésie sur parole », par André Velter, diffusée le 16 avril 2004 sur France Culture.