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Bertrand Marchal (Éditeur scientifique)Yves Bonnefoy (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070327164
298 pages
Gallimard (17/09/1992)
3.99/5   351 notes
Résumé :
Né à Paris en 1842, bureaucrate, puis professeur d'anglais en province, Stéphane Mallarmé regagne Paris en 1871 où il devient le chef de file de la génération symboliste et l'ami des peintres impressionnistes. Il est mort à Valvins (en Seine-et-Marne) en 1898.

En lisant Hegel, Mallarmé a découvert que si "le Ciel est mort", le néant est un point de départ qui conduit au Beau et à l'Idéal. À cette philosophie devait correspondre une poétique nouvelle ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Mallarmé, un nom qui est pour de moult lecteurs l'incarnation de l'hermétisme le plus arrogant. Hermétisme peut-être, mais arrogant non! Hermétique parce que fermé à la sentimentalité du romantique et de l'innovation baudelairienne, Mallarmé cherchait "autre chose". Toute sa poésie n'était qu'un exercice en vue d'écrire son "Livre". C'est cet exercice qu'on retrouve dans ce recueil, cet entraînement unique dans l'histoire de la littérature mondiale. Les entraînements d'un ascète (cela rime étrangement avec poète).

On sait très bien que Flaubert écrivait des phrases plutôt que des romans, cette petite unité était l'élément le plus important qu'il fallait travailler (je renvois ici à un excellent texte de Barthes). Pour Mallarmé c'était le mot. Il voulait mettre chaque mot devant le mot qui lui convenait le plus dans un agencement absolu (un coup de dés que lui seul savait la manière de jouait) . L'absolu poétique. Une syntaxe poétique nouvelle.

La lecture de la poésie de Mallarmé est un acte assez particulier. On retrouve une poésie parfaite (au sens mallarméen), pure, débarrassée des sentiments, du quotidien, du personnel et du compréhensible, c'est tout cela à la fois qui vient trouver refuge dans cette poésie, notre quotidien qui trouve un parallèle poétique, un miroir, cette autre chose! Bien entendu, on croise quelques poèmes de la tradition baudelairienne, un reste de l'admiration de Mallarmé. Les poèmes de Mallarmé sont la traduction qu'il a faite d'une oeuvre venue d'un ange.
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Si le concept de "poésie pure" signifie quelque chose, alors, nul doute qu'il convient parfaitement à l'oeuvre de Mallarmé. Celui-ci, en effet, ne veut retenir des mots, non leurs sens précis, mais leur musicalité, leurs vibrations - ce qu'ils peuvent évoquer dans l'esprit du lecteur: d'où le fameux "hermétisme" mallarméen! "Nommer un objet, dit-il, c'est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite de deviner peu à peu; le suggérer, voilà le rêve."
Peu lui importe donc, à la limite, que ses poèmes aient une quelconque signification littérale; il suffit que, par leur beauté formelle, ils fassent naître un état d'âme, éveillent des sensations, inspirent des images, un peu comme le feraient formules magiques ou incantations... Bien qu'étant agnostique, il y a dans sa conception de la poésie un côté religieux, voire mystique.

"Sait-on ce que c'est qu'écrire? Une ancienne et très vague mais jalouse pratique, dont gît le sens au mystère du coeur."
À chaque lecteur de plonger dans ce mystère!
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Il n'est guère nécessaire de relire Mallarmé : ses poèmes ont un tel pouvoir sonore et "imaginal" qu'ils se fixent tout seuls dans la mémoire à la première lecture. Ce poète m'a accompagné depuis mon adolescence, conduite à lui par Baudelaire qu'il continuait à sa façon, dans ses premiers poèmes. Je n'ai pas souvent rouvert Mallarmé depuis, car il m'est resté dans l'oreille et dans l'imagination frais comme au premier jour.

On peut s'intéresser au destin tragique de ce poète, et avec les théoriciens de la poésie ou de la psychologie des profondeurs comme Charles Mauron, considérer ses poèmes comme les traces d'un grand oeuvre raté, d'un naufrage poétique et personnel. On peut aussi, tout bien considéré, lire ses rares poèmes pour eux-mêmes et se laisser ensorceler par leur caractère orphique : le chant, le son, l'image sont fascinants.

Enfin, à propos de la fameuse obscurité, de l'hermétisme qu'il hérite de Lycophron ou de Gongora, et qu'il transmet aux poètes modernes ultérieurs, on ajoutera ceci : si le sens manifeste du poème résiste à la raison, ce n'est pas grave ; l'esprit, libéré de l'obsession de comprendre rationnellement, peut alors se livrer à l'enchantement du rêve, de la mélodie des mots, à une activité poétique du lecteur de laquelle les Surréalistes, en leur temps, ont magnifiquement parlé. Mallarmé rend son lecteur poète en le plaçant dans l'état poétique de sommeil de la raison et d'éveil des autres facultés de l'esprit.
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Je dois vous avouer quelque chose – ne riez pas : vous ignorez à quel point cette confession me coûte ! – : voilà, c'est une chose terrible à dire, et j'ai tout essayé pour m'améliorer ; vraiment j'ai rendu tous les efforts, n'ai renâclé devant rien, suis allé sans relâche au bout de mes ultimes capacités, mais c'est à présent avéré, désespéré et je n'y puis rien, alors autant me résoudre et déclarer mes lacunes et mes crises – cela aura peut-être au moins pour effet de soulager quelque peu ma conscience…
Promettez, auparavant, de ne pas vous moquer ! Je suis si pudique, si fragile intimement, si facilement troublé… Vraiment, ce serait mal si vous vous moquiez, très mal, et c'est durablement que vous me blesseriez. Vous ne le ferez donc pas, dites ?
Alors voilà :
Je ne comprends rien à mallarmé.
Oui, c'est écrasant, je sais bien ; n'en rajoutez pas, vous qui aviez promis ! Hormis le célèbre « Brise marine » que j'admire, je n'entrave goutte à cette poésie sophistiquée et asyntaxique, c'est à peine si je devine non même le sens mais le thème du poème, et je me rattache chaque fois au titre avec acharnement, comme un naufragé au dernier débris de son radeau, mortellement angoissé à l'idée de sombrer une fois encore dans les ténèbres.
Ce n'est pourtant pas une question de lexique : j'ai bien la bravoure, comme on sait, de me servir d'un dictionnaire ! Mais il n'est pas une tournure du poète qui, même renversée dans quelque ordre nouveau, me permette l'accession à la moindre pensée ; au mieux, je ne forme que l'image des mots exposés, mais séparément. Tout est saccadé, comme parasité ; c'est à peine un langage tant ça ne semble pas répondre à une fonction élémentaire de transmission.
Quant aux « évocations » et à tout ce qui ne procèderait pas tant d'une compréhension mentale que d'une sorte d'intuition poétique – comme si l'on était rattaché directement aux Muses par quelque organe invisible et magique ! –, c'est même inutile d'en parler, j'ignore de quoi il s'agit, sans doute qu'une connexion ne s'est pas faite dans mon esprit dès le plus jeune âge ou bien qu'un gène particulier me manque, je ne sais pas, le concept est tout à fait incompréhensible pour moi et je ne puis aimer d'ordinaire ce qui échappe à mes fonctions intellectuelles.
Mais aussi, bordel ! pourquoi faut-il que mallarmé ait écrit comme ça ?! Ce discours drogué de Pythie précieuse est tout à fait un inconvénient, non ? Si j'avais à produire une critique de son oeuvre rien qu'un peu à la manière dont elle fut écrite, ne m'en voudrait-on pas, à moi, de dissimuler de la clarté sous des dehors extravagamment pédants et alambiqués ? Putain ! pourquoi la poésie devrait-elle cacher les choses ?
Je donnerai bientôt un exemple de cette obscurité à la fin de cet article, et pour cela je n'irai pas même chercher un poème lourd de sens – tenez, je prendrai le premier venu, ainsi on ne me reprochera pas d'élire pour amplifier le trait. J'ai pourtant lu bien des poètes, et nul jusqu'à présent ne m'avait jamais paru insaisissable avec un tel degré d'élégance et de soin ! mallarmé me semble des poètes connus celui qui, n'ayant guère rencontré d'extase ou d'enthousiasme, a concentré son art à travailler la forme au détriment d'un fond qui pût se partager, qui sût se communiquer. Ces poèmes, pour le peu que j'en ai compris, ne parlent à peu près de rien qui soit en mesure de bouleverser l'âme ou l'esprit, c'est une liste fin-de-siècle de thèmes typiques – fleurs, mendiants, déesse... – retournés d'une façon à complaire à des amateurs d'originalités linguistiques rares, à l'exclusion de véritable émotion – du moins, en ce qui me concerne, d'une émotion accessible.
de telles constructions, bonnes surtout à susciter une admiration d'apparat, ne sont pas du tout de mon goût, de ma manière, je dirais même de ma constitution. Je me retrouve inévitablement avec l'impression de lire un texte dans une langue étrangère et inconnue – et on peut aimer cela, je ne le nie pas, je veux parler du mystère travaillé des sonorités déployées et des souffles délicats – mais ce que je n'entends pas, à ce prix, c'est pourquoi j'irais particulièrement chez mallarmé chercher cette impression.
J'ai vraiment honte aussi, je ne plaisantais pas entièrement tout à l'heure, parce que j'ai senti chez ce poète un désir ambitieux et une infinie culture, et parce que quelque chose en moi me fait admettre brièvement la possibilité d'un malentendu où, pour quelque raison tenant à ma pauvre nature, je serais inférieur au degré où il faut se tenir pour entendre son message et par là même inaccessible par ma faute au vent trop haut qui coulerait loin au-delà de ma tête. Et pourtant, je ne puis m'empêcher de croire, et non à titre de consolation seulement, qu'un défaut inhérent au texte retient le lecteur prisonnier du transport, transport par lequel l'idéal littéraire s'exprime et s'éprouve selon moi. Or, j'ai abandonné au terme de la quarantième page – ce fut, croyez-le, déjà une traversée pénible (et c'est sans parler de cette préface assommante de Bonnefoy qui n'est qu'une interminable pédanterie conceptuelle) –, et rares sont les livres si impatientants que je ne me sois obstiné à les finir (j'ai souvenir d'un Duras ainsi, L'Amour si ma mémoire est bonne, même pas long du tout), car j'ai toujours à coeur d'achever ce que j'entreprends, en particulier lorsque l'entreprise ne réclame de moi qu'une dizaine d'heures de résignation ou d'ennui.
Mais à quoi bon ? Ici, j'ai bien senti que l'effort était vain, la volonté comme sans objet : sans même parler d'épuisement, je n'ai pas su ce que j'ai lu, et j'en suis venu à douter si le texte était lisible, je veux dire fait pour être entendu ; je ne suis pas du tout, en tous cas, le lecteur qu'il faut à cet ouvrage – cette formulation rend exactement compte de mon sentiment de gâchis, d'éloignement ou de frustration. Par ailleurs ni la maturité ni toute espèce de recul, je crois, n'y fera grand-chose : je ne me sens pas plus à même de comprendre ces pièces aujourd'hui qu'il y a quinze ans, le temps n'y changera certainement rien. Mais tout cet art manifeste, toute cette application d'un auteur, toute cette patente contention d'esprit… Ah ! J'aimerais en percevoir le but, en deviner l'essence, et, ou que mon esprit soit trop ouvert ou trop fermé, je ne puis : c'est un fait qui me laisse à jamais perplexe. Comment peut-on d'évidence écrire si intelligemment, et être en même temps si peu intelligible ? J'ai failli peut-être : à qui accorder le bénéfice du doute ? Car c'est peut-être mallarmé, après tout, qui a failli le premier.
Lien : http://henrywar.canalblog.com
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Je ne sais pas au juste pourquoi j'aime les poésie ou la poésie de Stéphane Mallarmé car de toute évidence je n'y comprends rien et, pire, ses textes pris dans leur ensemble ne m'inspirent pas grand chose. En revanche, je trouve ses vers absolument magnifiques individuellement même si, bout à bout, ils cessent de me parler. Comme un tableau vu de très près qui paraîtrait somptueux et qui serait décevant vu de loin.
Encore davantage en ce qui concerne Mallarmé, la poésie gagne à être lue à voix haute et chaque vers devient alors une mélodie particulière dont les oreilles et l'âme se régale ! Sauf que la mélodie suivante n'est pas accordée et que l'ensemble me semble, hélas pour moi, être une cacophonie, je me répète.
Pierre Desproges nous proposait de déclamer trois vers de Verlaine à un quelconque guichet administratif, essayez donc avec du Mallarmé !
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Citations et extraits (110) Voir plus Ajouter une citation
Brise marine

La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend,
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture
Lève l’ancre pour une exotique nature !
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages
Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots…
Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots !
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Le tombeau d’Edgar Poe

Tel qu’en Lui-même enfin l’éternité le change,
Le Poète suscite avec un glaive nu
Son siècle épouvanté de n’avoir pas connu
Que la mort triomphait dans cette voix étrange !

Eux, comme un vil sursaut d’hydre oyant jadis l’ange
Donner un sens plus pur aux mots de la tribu
Proclamèrent très haut le sortilège bu
Dans le flot sans honneur de quelque noir mélange.

Du sol et de la nue hostiles, ô grief !
Si notre idée avec ne sculpte un bas-relief
Dont la tombe de Poe éblouissante s’orne

Calme bloc ici-bas chu d’un désastre obscur
Que ce granit du moins montre à jamais sa borne
Aux noirs vols du Blasphème épars dans le futur.
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Renouveau

Le printemps maladif a chassé tristement
L'hiver, saison de l'art serein, l'hiver lucide,
Et, dans mon être à qui le sang morne préside
L'impuissance s'étire en un long bâillement.

Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâne
Qu'un cercle de fer serre ainsi qu'un vieux tombeau
Et triste, j'erre après un rêve vague et beau,
Par les champs où la sève immense se pavane

Puis je tombe énervé de parfums d'arbres, las,
Et creusant de ma face une fosse à mon rêve,
Mordant la terre chaude où poussent les lilas,

J'attends, en m'abîmant que mon ennui s'élève...
- Cependant l'Azur rit sur la haie et l'éveil
De tant d'oiseaux en fleur gazouillant au soleil.
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Je t'apporte l'enfant d'une nuit d'Idumée !
Noire, à l'aile saignante et pâle, déplumée,
Par le verre brûlé d'aromates et d'or,
Par les carreaux glacés, hélas ! mornes encor,
L'aurore se jeta sur la lampe angélique,
Palmes ! et quand elle a montré cette relique
À ce père essayant un sourire ennemi,
La solitude bleue et stérile a frémi.

Ô la berceuse, avec ta fille et l'innocence
De vos pieds froids, accueille une horrible naissance :
Et ta voix rappelant viole et clavecin,
Avec le doigt fané presseras-tu le sein
Par qui coule en blancheur sibylline la femme
Pour des lèvres que l'air du vierge azur affame ?
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De l'oubli magique venue,
Nulle étoffe, musique et temps,
Ne vaut la chevelure nue
Que, loin des bijoux, tu détends.

En mon rêve, antique avenue
De tentures, seul, si j'entends
Le Néant, cette chère nue
Enfouira mes yeux contents!

Non. Comme par les rideaux vagues
Se heurtent du vide les vagues,
Pour un fantôme les cheveux

Font luxueusement renaître
La lueur parjure de l'Être,
- Son horreur et ses désavoeux.
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Videos de Stéphane Mallarmé (39) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Stéphane Mallarmé
Stéphane MALLARMÉ – Le Poète et la Chine (CREOPS, 2014) Une conférence de Laurent Matuissi donnée le 6 juin 2014 au Centre de Recherches sur l’Extrême Orient de Paris-Sorbonne à l'occasion de la publication de son essai 'Mallarmé et la Chine'.
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