AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,43

sur 825 notes
5
102 avis
4
41 avis
3
3 avis
2
3 avis
1
0 avis
Une impressionnante collection de témoignages remis en forme et triés par l'auteur, tous aussi émouvants les uns que les autres . le travail force le respect, mais la somme de tristesse, de résignation et de pessimisme sur nos semblables qui en ressort, est si déprimante que je m'y suis repris en deux fois pour en venir à bout. Il faut dire aussi que le livre est long, et que la litanie de ces témoignages est oppressante. Mais comment vouloir en supprimer un seul?. Je me suis aussi étonné de n'avoir qu'aussi peu de souvenir des couvertures médiatiques de toutes les atrocités évoquées, me promettant de consacrer une prochaine lecture à l'histoire de l'URSS. Si seulement un livre pouvait changer les choses …. malheureusement « même pas en rêve », je crains, même écrit par un prix Nobel..
Commenter  J’apprécie          190
Cet ouvrage est un recueil de conversations, d'interviews de personnes de tous horizons et de tous âges, originaires de l'ex-URSS, récoltées en ce début de XXIe siècle. On y découvre toute la violence des guerres et du fonctionnement du pays sous Staline notamment. Mais on voit également que la perestroïka et l'arrivée du capitalisme sont loin d'avoir amélioré la vie du peuple russe, qui pour partie regrette le socialisme malgré les horreurs qui l'accompagnaient. Un livre intéressant, qui offre un éclairage "réel" sur les points de vue et le ressenti des principaux intéressés sur la Russie et son histoire récente.
Commenter  J’apprécie          30
Ce livre inclassable, à priori simple recueil de témoignages, parvient grâce au talent de son auteur dans le choix, le montage et la réécriture de ces derniers au statut d'histoire totale du vingtième siècle russe ou soviétique ( c'est tout un. N'attachons pas plus d'importance que l'auteur à sa nationalité biélorusse, à son rattachement à ce pseudo-etat créé pour d'obscures raison en 1991).
Nous autres Occidentaux n'avons rien compris
Nous avons cru que l'effondrement de l'URSS était une libération. Il l'a été. Pour nous, qui avons été délivré de la peur de l'apocalypse nucléaire ou de la ruée des chars russes dans la plaine d'Allemagne du Nord, qui, pour les plus naïfs d'entre nous, y ons vu le triomphe définitif de notre modèle social, voire la"fin de l'histoire".
Mais pas pour les premiers intéressés, passée l'ivresse des premiers mois (et encore, tous ne les vécurent pas ainsi). Si en effet les Soviétiques aspiraient à plus de biens matériels. (Ah, ce qui semble bien être une obsession nationale pour le saucisson, qui apparaît à chaque témoignage, et presque à chaque page!), ils n'aspiraient pas pour autant ( et n'aspirent toujours pas, hormis de petites élites occidentalisées) à la démocratie. Nous ignorions de même leur attachement à l'Union Soviétique, aux grandes figures qui avaient fait la grandeur de la Russie. d'Ivan le Terrible à Staline, et de leur manque d'appétit, devenu leur haine, pour le capitalisme, hormis bien sûr chez quelques profiteurs méprisés et honnis.
Tout cela apparaît dans les témoignages. Tout cela et la misère résultant d'un passage au capitalisme à marche forcée, qui s'est traduit par un pillage des biens collectifs, une inflation non maitrisée provoquant la ruine du peuple et des classes moyennes, souvent de surcroît privés brutalement de leur travail et contraints de se reconvertir dans de misérables emplois dits "de service" ( cela vous rappelle certaines choses qui se produisent en ce moment chez nous ? Comme c'est curieux !)
Nous ignorions aussi les drames causés par la disparition de la nationalité soviétique, les guerres, les déplacements brutaux de population dont furent principalement victimes les Russes qui vivaient dans les anciennes républiques devenues états indépendants, contraints à un exil en Russie où rien n'était prêt pour les accueillir.
Après cela il est vain de s'étonner de la popularité de Poutine et de la bonne santé de son régime, vu par beaucoup comme un retour à la normale.
Mais le livre n'est pas que cela. Il est aussi parlé et très bien de l'âme russe éternelle, si éloignée en réalité de nos façons de sentir.
Bref un grand, un très grand livre.
Commenter  J’apprécie          134
Svetlana Alexievitch interroge des personnes qui ont vécu le passage de l'URSS à la Russie. Ils témoignent du bouleversement de leurs vies qui en est résulté. Les entretiens de la première partie de l'ouvrage datent des années 1990, ceux de la deuxième partie des années 2000. L'auteur s'efface derrière ses témoins et les laisse raconter, passant par les épisodes de la vie quotidienne, la famille, pour dire l'histoire.

Parmi les personnes interrogées, nombreuses sont celles qui regrettent la grande URSS. Les cadres du Parti ont perdu leur position, les personnes âgées ont perdu leur retraite et ceux-là disent qu'au moins avant on était fier d'être Soviétique, que l'URSS était une des deux grandes puissances mondiales. Les camps de travaux forcés, le goulag, sont évoqués mais ne ternissent pas la nostalgie. Pourtant d'autres n'ont pas oublié la réalité du totalitarisme :

"Quand mon grand-père était revenu d'un camp du Kazakhstan en 1956, c'était un sac d'os. On avait dû lui donner un accompagnateur tellement il était malade. Et elles n'ont dit à personne qu'il était leur mari, leur père. Elles avaient peur... Elles disaient que c'était un étranger, un vague parent. Il a vécu avec elles quelques mois, et puis elles l'ont mis à l'hôpital. Là, il s'est pendu. Maintenant, il faut... il faut que j'arrive à vivre avec ça, avec ce savoir."

Ce qui me frappe aussi c'est l'importance de la seconde guerre mondiale, la grande guerre patriotique, comme événement fondateur autour duquel toute une propagande a été montée. Pendant 45 ans on a éduqué les enfants en leur donnant comme modèle le sacrifice des soldats russes. Mourir pour la patrie était le sort le plus doux. Aujourd'hui ceux qui ont grandi dans ce système se sentent en complet décalage face aux préoccupations matérialistes de leurs propres enfants.

La deuxième partie témoigne aussi des violences inter-ethniques qui ont marqué la dislocation de l'URSS, dans les états baltes, en Asie centrale, la guerre civile en Tchétchénie. C'est donc un ouvrage très riche qui aborde de nombreux sujets forts intéressants. Cela se lit plutôt facilement du fait de ces nombreuses histoires personnelles dont les narrateurs nous font part de leurs sentiments face aux événements qui les ont touchés.

Une blague soviétique pour terminer :

"Il y a un portait de Staline au mur, un conférencier fait un exposé sur Staline, un choeur chante une chanson sur Staline, un artiste déclame un poème sur Staline... Qu'est-ce que c'est ? Une soirée consacrée au centenaire de la mort de Pouchkine !"
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
Commenter  J’apprécie          60
Traduit par l'exceptionnelle Sophie Benech que je ne cesse d'encenser, ce livre ne pouvait être qu'un chef d'oeuvre !

Les entretiens éclectiques menés par Svetlana Alexievtich ouvre vers une nouvelle compréhension de cette période sombre et difficile qu'est la chute du communisme.
Ce livre se rapproche de l'oeuvre d'art : c'est sensible, humain, social, les interrogés ouvrent leurs coeurs, leurs souvenirs, avec leurs propres convictions, aussi diverses et variées qu'il y a de vies…

La Chute de l'Homme Rouge est un chef d'oeuvre que je n'ai pas pu lâcher. Il est très émouvant, mais de notre fait de lecteur on garde une réserve respectueuse, car, bien que ce soit magnifiquement écrit, ce sont bien des vies qui nous sont racontées là. La pluralité des points de vue nous noie dans cette période et ce lieu, ça en est déroutant. Particulièrement humain, il n'y a pas de bons ou de mauvais : la pluralité des paroles dressent seulement un tableau presque vivant de ce qu'a représenté la chute du communisme pour les slaves.

Bien sûr, on est parfois un peu perdu : on connaît mal la géographie de la Russie par exemple ! Mais déjà il y a une vive différence entre un moscovite et une personne vivant en milieu rural : ils n'ont pas vécu la chute de la même manière et ce n'était pas même tout à fait la même chose qu'ils ont connu car ils vivaient et appliquaient les choses différemment selon s'ils était de la ville ou de la campagne. C'est certes du bon sens, mais la capacité à démultiplier les points de vues est fascinante et rend ce qui a uni et désuni toutes ces personnes palpable.

De plus, au fil de leur discours, les témoins mentalisent ce qu'ils pensent du communisme, l'idée de ce pays si grand, si difficile par sa météo, son ampleur, le caractère dur de ses habitants… C'est intéressant de voir que malgré toutes ces différences et tous ces kilomètres, leurs avis peuvent s'entrecroiser. D'autant plus que Svetlana Alexievitch nous met en contexte, explique comment les gens ont réagit à ses demandes d'entretiens, ou alors le disent explicitement. « Ça fera pleurer vos lecteurs les plus sensibles » disait une dame désabusée avant de commencer le récit de sa vie, de ses déboires…

Il n'y a pas de bons et de mauvais disais-je, certains ont souhaité la chute du communisme, certains étaient farouchement contre le capitalisme, l'ambivalence se retrouve souvent dans la même personne… C'est incroyable de richesses humaines et historiques, c'est un livre sincèrement fabuleux.

L'autrice le dit de manière sublime, dans le discours qu'elle présente lorsqu'elle reçoit le Prix Nobel en 2015 : « Ici, on n'a pas le droit d'inventer. Il faut montrer la vérité telle qu'elle est. On a besoin d'une littérature qui soit au-delà de la littérature. C'est le témoin qui doit parler. […] J'ai toujours été tourmentée par le fait que la vérité ne tient pas dans un seul coeur, un seul esprit.«
Commenter  J’apprécie          80
Difficile de juger ce livre, il faudrait pouvoir noter le contenu et la forme de manière distincte, car les témoignages sont bouleversants, mais le récit est pénible à lire.

Ce qui choque c'est l'omniprésence de la violence, de l'arbitraire et de l'alcoolisme. Il y a les violences suite à la révolution, la famine organisée en Ukraine dans les années 1920, les purges staliniennes, la 2ème guerre mondiale et les goulags. Mais la période contemporaine n'est pas en reste avec les violences ordinaires de la mafia moscovite, ou les conflits suite à l'éclatement de l'URSS : Arménie et Azerbaïjan, Georgie et Abkhazie, ainsi que la 'dérussification' des républiques devenues indépendantes. Chaque période de l'histoire apporte son contingent de barbarie.

Pour ce qui est du domaine privé, les femmes racontent les violences domestiques lorsque leur mari rentre complètement saoul. Quant aux enfants, ils ont parfois deux parents alcooliques.

Ce qui choque encore, c'est de voir à quel point les Russes semblent accepter l'arbitraire. C'est incompréhensible pour nous que des rescapés du goulag déclarent regretter Staline ! Et pourtant, à la lecture de ces témoignages il semble qu'ils sont nombreux à vénérer encore cette brute sanguinaire. Parce qu'à l'époque l'URSS était une puissance mondiale, la seule chose dont ils se rappellent, c'est qu'ils ont battu les nazis : "Nos parents vivaient dans un pays de vainqueurs, et nous, on vit dans un pays qui a perdu la guerre froide. Y a pas de quoi être fiers !"

Il est vrai qu'ils ont toujours connu l'arbitraire. Ils se sont débarrassés du tsarisme pour tomber sous la botte communiste, qu'ils ont remplacé ensuite par le capitalisme le plus sauvage. Les points communs des trois étant la violence et la corruption.

Un des témoins décrit ainsi le remplacement du communisme par le capitalisme "On a chassé des salauds, et il y en a d'autres qui sont arrivés". Tout est dit.
Commenter  J’apprécie          10
Sublime par les voix qui nous parlent d'un monde perdu au creux de l'oreille. En plus de nous livrer des pages intimes d'un empire meurtri jusque dans ses chairs, Alexievitch nous prend à témoin des petits et des grandes tragédies dont certains ont souffert et souffrent encore. Impossible à oublier.
Commenter  J’apprécie          40
« Je tiens à être une historienne au sang froid, et non une historienne brandissant un flambeau allumé. »
...
Un Livre d'Histoire.
De ces livres indispensables, dont la lecture est remise à de beaux lendemains…
Et puis à la fin, on est tout idiot de ne pas l'avoir lu plus tôt.
...
Réfléchir; transformer ce qui relève des émotions, par leur accumulation, en un début de conclusion, impossible.
Impossible pour ceux qui ne l'ont pas vécu, et pourtant… Il y a la littérature pour essayer, approcher, jusqu'à saisir…
Car il s'agît bien de littérature, dans le sens où les mots, leur enchainement, dépassent le récit, écrivent l'histoire, et témoignent de tout ce que l'on va oublier, l'utopie en premier, nous qui continuons comme d'habitude, pensant sans hésitations que le capitalisme est le moins mauvais système, jugeant ce que l'on a pas vécu à l'aune des camps, des morts et de l'absurdité.
...
« Je tourne, je n'en finis pas d'explorer les cercles de la souffrance. Je n'arrive pas à m'en arracher. Dans la souffrance, il y a tout: les ténèbres et le triomphe… Parfois, je crois que la douleur est un pont entre les gens, un lien secret, et d'autres fois, je me dis avec désespoir que c'est un gouffre. »
...
Chaque histoire entrainera un brouillard de pensées, mouillé de larmes des autres, trop précieuses à une simple identification.
Tenter cette critique parait vain, la résumer à un claquement de bottes ou de fouet dérisoire.
...
Il y a l'histoire de cette mère dont le fils adolescent, poète, se suicide. Elle conclue par cette interrogation, vertige dont je ne me suis toujours pas remis:
« Il m'arrive d'avoir une pensée affreuse. Et si jamais, lui, il vous avait raconté une histoire complètement différente ? »
Commenter  J’apprécie          7413
Avec ce livre, on se penche sur sa génération, les soviétiques nés après guerre, qui n'ont pas connu Staline, qui ont cru au dégel ébauché par Khrouchtchev, qui ont vécu la peur et la grisaille voulues par Brejnev, dont le coeur a battu aux promesses de Gorbatchev, et qui se retrouvent depuis vingt ans en exil de leurs vies, de leurs espoirs, perdus dans une société de marché qui n'a pas besoin d'âmes mais de consommateurs.

Commenter  J’apprécie          20
"La Fin de l'homme rouge - ou le temps du désenchantement" (2013) fait partie de l'oeuvre colossale de Svetlana Alexievitch. Biélorusse née en 1948, elle a reçu le prix Nobel de littérature en 2015.

Les livres de l'auteure regroupent des centaines de témoignages - des "conversations". Chaque conversation est écrite sur son carnet et enregistrée au dictaphone, puis retranscrite.
Chez Svetlana Alexievitch, la retranscription est un vrai travail de création : elle change des mots, réécoute les voix et marque les soupirs. Il y a une musique et du rythme tout au long des conversations. Ce n'est pas une polyphonie, mais plutôt une symphonie : chaque voix apporte sa mélodie, sa personnalité, construit le chef d'oeuvre.

Ces témoins apportent des détails (beaucoup de détails) sur ce qu'était l'"Homo-Sovieticus". Oscillant souvent entre patriotisme et bourreau, les victimes du système Russe étaient forcément nombreux : anciens déportés, rouges et blancs, afghans, veuve de guerres, réfugiés... Dans son laboratoire, Svetlana Alexievitch raconte en chorale la fin de l'homme rouge et de la culture des cuisines. Ceux qui en 90 sont été pour la perestroika disent : le socialisme soviétique c'était mieux.
Dans la dernière partie, l'auteure converse avec les jeunes russes, nostalgiques de cette "religion perdue face à McDonald's". Beaucoup d'entres eux en ont marre de vivre dans un pays humilié : ils jeunes sont de nouveau en train de débattre de Lénine et Marx. Poutine leur a semble t-il rendu ce rêve, cette fierté...

Voix dissidente, la Prix Nobel 2015 est aujourd'hui accusée d'être une ennemie du pouvoir d'Alexandre Loukachenko, Président de Biélorussie.

Je recommande fortement ce livre à tous ceux qui s'intéressent à la Russie, à L Histoire ou au travail si singulier de Svetlana Alexievitch.
Commenter  J’apprécie          40




Lecteurs (2474) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3252 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}