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Critique de Lamifranz


Le mouvement naturaliste a son chef de file naturel, Emile Zola, ce n'est un secret pour personne. Mais sauriez-vous nommer les officiers et les soldats marchant derrière ce général ? Les plus lettrés d'entre vous citeront sans doute Guy de Maupassant, Joris-Karl Huysmans, Alphonse Daudet, Octave Mirbeau ou les Frères Goncourt (encore que certains de ces auteurs ne soient qu'apparentés au mouvement). Ils mentionneront également Henri Becque, qui représente le naturalisme au théâtre. Mais qui se souvient encore de Lucien Descaves, Henry Céard, Léon Hennique, Paul Alexis ou Jean Richepin ?
Pourtant plusieurs de ces auteurs ont participé avec Zola à la naissance du mouvement et l'ont accompagné au cours de ses combats. En 1878, l'auteur des Rougon-Macquart (c'est l'année de L'Assommoir) achète une maison à Médan (actuellement dans les Yvelines) et y rassemble un certain nombre d'écrivains de son entourage. Très vite leur vient l'idée de composer un recueil collectif de nouvelles. le thème vient un peu plus tard : ce sera la guerre de 1870, qui a eu lieu dix ans plus tôt. Elle est encore dans toutes les mémoires et vit encore à travers les souvenirs de combattants, ou les fictions qui déjà prônent une revanche contre l'ennemi prussien.
Six auteurs, six nouvelles, six regards sur des épisodes douloureux de la guerre de 1870.
L'Attaque du Moulin (Emile Zola) : Un moulin est convoité à la fois par les Prussiens et les Français. le meunier , sa fille et son gendre (c'est justement le jour du mariage) sont pris en otage dans cette tragique histoire d'amour et de mort.
Boule-de-Suif (Guy de Maupassant) : une diligence emportant une dizaine de personnes fuyant la guerre, est bloquée par l'armée prussienne. le commandant promet de les laisser partir si Elisabeth Rousset (surnommée Boule-de-Suif à cause de son embonpoint) accepte de céder à ses avances. Patriote, la jeune femme refuse, mais, sous les hypocrites instances de ses compagnons de voyage, elle finit par accepter. Loin de la remercier, ceux-ci ne lui montrent que du dédain.
Sac au dos (Joris-Karl Huysmans) : le quotidien des soldats français pendant la guerre de 1870 vu par un jeune conscrit.
La Saignée (Henry Céard) : un général commandant la place de Paris est ridiculisé par sa maîtresse. Poussé à bout sur ses hésitations personnelles et militaires, il décide une "saignée" dont l'insuccès n'aura d'égal que l'atroce bilan meurtrier.
L'Affaire du Grand 7 (Léon Hennique) : l'expédition punitive absurde d'une bande de soldats contre le bordel du village où ils sont cantonnés.
Après la bataille (Paul Alexis) : la rencontre sans lendemain entre une dame et un soldat.

Le point commun à ces six nouvelles est le regard porté sur la guerre : souvent compatissant pour les victimes, accusant avec causticité les gradés et les profiteurs, dénonçant avec virulence la bassesse et l'hypocrisie d'une société bourgeoise que les scrupules n'étouffent pas, tout comme la bêtise et l'absurdité des militaires...
Les Soirées de Médan ne constituent pas un manifeste du Naturalisme (pour cela voyez plutôt le Roman expérimental, un ouvrage d'Emile Zola, paru aussi en 1880). On ne peut pas dire non plus que c'est du naturalisme pur, dans la mesure où aucun lien n'est fait de façon formelle avec la physiologie des personnages, leur hérédité, ou leur interaction avec le milieu ambiant. Mais il s'agit bien ici d'un ouvrage réaliste, qui décrit sans ambiguïté (ni sans langue de bois) une réalité tragique, celle de la guerre.
Et qui la condamne.
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