C’est du grand n’importe quoi ! Vous croyez vraiment que ça se termine avec un « Pardon pour tout le mal que je t’ai fait » et que tout le monde s’embrasse ? On n’est pas dans le monde merveilleux de Oui-Oui ! Les scénaristes n’ont jamais mis les pieds dans une cour, ou quoi ? Peut-être qu’ils ont oublié que le collège, des fois, ça ressemble à la guerre.
Le psy me parle.
Je n’écoute pas.
Ma mère me parle. Monsieur Germain me parle.
Je n’entends pas.
Je répète qu’ils ne sont pas coupables.
Je ne veux pas "les aider" à comprendre.
Je ne veux pas les voir alors que je n’y suis pas obligé.
On me donne leurs six lettres.
J’attends d’être seul pour déchiqueter les enveloppes et jeter aux W.-C. les mots de regret qu’on leur a dictés.
Bien sûr que j’ai peur. Je suis en sursis, je le sais. C’est pour ça que je n’ai rien cafté. Avec ces types-là, les chances de survie d’une balance sont aussi faibles que celle d’un moucheron englué dans une toile d’araignée.
Il nous passe des vidéos d’ados en souffrance qu’il commente. Il dit "gestion des conflits", "public vulnérable", "solidarité active", "effet boomerang", "stratégie de résistance". Je découvre qu’il existe un lexique savant et imagé pour décrire le problème. Ils ont mis des mots sur tout. C’est comme si ma vie devenait de la littérature.
C’est ça qui me dérange, c’est trop propre. À la fin, systématiquement, des élèves sympas viennent porter secours aux victimes, les harceleurs finissent toujours par avoir honte et par demander pardon. C’est de la violence à l’eau de rose.