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394 pages
Dentu et Cie, Editeurs (01/06/1883)
4.5/5   1 notes
Résumé :
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Un joyau peu connu du XIXème siècle, par un écrivain discret et peu productif qui fut un voisin et un ami d'Alphonse Daudet. Né en 1835 et mort en 1918, Louis-Ernest Allard semble avoir été avant tout un sociétaire de la SGDL, moins présent à Paris que dans sa Provence natale. Il fut l'archétype de l'écrivain provincial. Léon Daudet, fils d'Alphonse, ne l'aimait guère, et brosse à son sujet un portrait acerbe d'un littérateur futile et volontiers pique-assiette, dont le roman "L'Araignée Rose" serait un sournois règlement de comptes avec sa femme...
On reconnait bien là le caractère entier et le jugement à l'emporte-pièces de Léon Daudet. Il est possible en effet que "L'Araignée Rose" soit inspiré du vécu de l'écrivain, mais pour autant, c'est un excellent roman, bien de son époque, soigneusement rédigé, qui va bien au-delà d'une simple vengeance littéraire. D'ailleurs, à tout prendre, c'est avant tout un roman d'amour.
L'action se passe durant les années 1835-1840, au sein du petit village de Lodève, dans l'Hérault. Pour des raisons médicales, un célèbre violoniste virtuose vient y prendre sa retraite, en compagnie de sa femme, et de ses deux filles, Noëlie et Roseline. Si Roseline est encore une toute jeune adolescente, Noëlie est une jeune femme de vingt ans à la beauté diaphane et rayonnante, qui de plus, est une harpiste assez douée. Cette talentueuse famille bourgeoise crée la sensation dans Lodève, d'autant plus que les nouveaux arrivants se font un plaisir de démontrer gratuitement leur art lors d'une réception où sont invités tous les notables. Noëlie y fait une forte impression.
Le plus ému est assurément René Gansard, un vieux garçon déjà quadragénaire, assez cossu mais vivant sous la coupe d'une mère possessive, et poussant son fils au célibat. René tombe follement amoureux de Noëlie mais hésite à se déclarer, intimidé, redoutant aussi la colère de sa mère. Durant cette longue hésitation, Noëlie répond favorablement aux avances du lieutenant Gonzague Laurens, militaire issu d'une prestigieuse dynastie de colonels, et que sa famille pousse au mariage. Car Gonzague a un mauvais fond, volontiers noceur, fêtard, buveur et paillard. Son père croit assez qu'un ange grâcieux et vertueux comme Noëlie sera de force à aider Gonzague à chasser ses mauvais démons. Lorsque René Gansard, après d'interminables joutes avec sa mère, se décide à faire aux parents de Noëlie une demande en mariage en bonne et due forme, il est déjà trop tard : les bans du mariage de Gonzague et Noëlie sont publiés. René n'a plus que ses yeux pour pleurer...
Ce beau mariage, qui réjouit l'ensemble du village de Lodève, se montre d'abord assez réussi. Sincèrement désireux de s'amender, Gonzague se comporte en mari modèle, et la naissance d'un fils vient bientôt couronner cette union que rien ne semble pouvoir termir. Hélas, Gonzague ne tarde pas à être rattrapé par son passé. Jadis en garnison à Montpellier, Gonzague y avait entretenu une relation adultère torride avec une femme mariée, Valérie, qui s'était follement amourachée de lui, au point qu'il dût la fuir en catimini lorsque sa garnison fut déplacée. Depuis, Valérie cherchait en vain à retrouver son beau lieutenant, lorsque la nouvelle de son mariage avec Noëlie Honorat lui permit enfin de le localiser. Elle-même peu vertueuse, Valérie se dit qu'il y aura bien moyen de récupérer son ancien amant. Elle loue une maison à Lodève, et profite de la messe dominicale pour reprendre contact avec Gonzague.
Dans un premier temps, celui-ci la repousse fermement, mais ému et flatté de la passion abandonnée de Valérie, quelque peu déçu aussi du manque de sensualité de Noëlie, aggravé depuis la naissance de leur fils, Gonzague souffre d'une frustration de la chair qu'il pense pouvoir résoudre grâce à sa très soumise soupirante. Il démarre donc une relation adultère avec Valérie, qui satisfait non seulement ses pulsions sexuelles mais lui fait progressivement prendre en horreur la sécheresse désincarnée de la pauvre Noëlie, laquelle finit par se rendre compte que son mari a la tête ailleurs, et probablement le reste aussi.
Un soir, alors qu'il fait discrètement le mur de la propriété de Valérie pour regagner la rue afin qu'on ne le voit pas sortir par la porte, Gonzague est surpris par René Gansard, qui, outré, le suit jusqu'à sa maison, le provoque et tente de lui faire avouer son adultère. Furieux d'avoir été repéré, Gonzague se jette sur René et commence à le tabasser avec toute l'assurance que lui vaut sa jeunesse et sa carrure athlétique. Attirée par les cris, Noëlie, qui tient son bébé dans les bras, se précipite hors de la maison pour séparer les deux hommes, mais Gonzague, ne la voyant pas venir, recule alors brutalement et la percute vioemment. Sous le choc, Noëlie lâche son bébé, qui tombe au sol tête la première et meurt sur le coup...
Le drame est vécu comme la plus odieuse des tradégies par tous les habitants de Lodève, car outre la mort de l'enfant, René Gansard se retrouve grièvement blessé et se fait ramené chez lui en sang. La nature belliqueuse, brutale et mauvaise de Gonzague est bientôt connue de tous. Valérie elle-même, qui pour être de moeurs légères, n'en est pas pour autant une mauvaise femme, se sent terriblement coupable de la mort de cet enfant, et décide de repartir pour Montpellier dès le lendemain. Tout cela plonge Gonzague dans une rage et une colère folles, qui occultent en lui tout sentiment de honte ou de regret. Ayant assisté sans émotion particulière aux funérailles de son enfant, il s'arrange pour s'éclipser rapidement du cimetière, revient chez sa femme, s'empare de l'argent du ménage et de tous les bijoux de son épouse, et prend le premier train pour Montpellier. Ce nouveau coup dur, qui laisse Noëlie quasiment ruinée, pousse la jeune femme à s'aliter et à se laisser mourir. Son médecin traitant en est ému, et comme ce brave homme a bien des clients dans le département, il compte parmi eux le mari de Valérie, homme quelque peu original qui vit depuis des années séparé de sa femme par quelques pâtés de maisons, sans émettre le moindre doute sur sa fidélité et sans que ça le dérange particulièrement. le médecin écrit une lettre à cet homme, dans laquelle il révèle tout le drame suscité à Lodève par son épouse. Aristide, le mari bafoué, en tombe des nues, et décide de se rendre sur l'heure dans la maison voisine qu'il a abandonnée à son épouse. Il y trouve Valérie et Gonzague dans une tension extrême, car Valérie toujours déchirée par sa culpabilité dans la mort de l'enfant, souhaite rentrer dans les ordres, tandis que Gonzague, qui a tout quitté pour elle, la force brutalement à continuer à être sa maîtresse, envers et contre tout. Quand Aristide, le mari auquel plus personne ne songeait, vient constater l'adultère, il se prend une volée de bois vert par les deux amants qui ont trop de rage à vider pour ne pas se lâcher avec haine sur ce bouc émissaire tout trouvé. Estomaqué par cet accueil, Aristide sort de sa veste un pistolet et abat froidement Valérie et Gonzague.
Ce nouveau drame a le mérite de punir les coupables, et de délivrer Noëlie d'une union qui, en ce temps-là, ne pouvait être brisée autrement, quelles que soient les circonstances. Désormais veuve et libre, Noëlie ne souhaite pourtant pas se remarier, et désire vivre son affliction dans la solitude et le recueillement, mais son père, sur son lit de mort, lui enjoint d'épouser René Gansard, tant pour des raisons financières que parce que le vieux garçon est au final un brave homme aux solides vertus chrétiennes, qui a risqué sa vie pour sauver l'honneur de Noëlie. Plus par résignation et par reconnaissance que par véritable amour, Noëlie consent à cette union, et alors que René Gansard, remis depuis peu de ses blessures, vient lui rapporter naïvement une rose desséchée qu'elle avait oublié chez lui, bien des mois auparavant, lors d'une visite de courtoisie, Noëlie le remercie; elle accroche cette rose à son chemisier, et va cueillir dans son propre jardin un bouquet de roses fraîches. Puis elle coupe une mêche de ses cheveux, s'en sert pour lier les roses ensemble et offre le bouquet à René. Celui-ci comprend alors confusément que sa demande en mariage est enfin agréee, et en pleure de bonheur.
"L'Araignée Rose" s'achève sur ce touchant moment romantique, même si on l'aura compris, ni le personnage principal, ni probablement l'auteur à son sujet, ne se font beaucoup d'illusion sur les sentiments qu'ils inspirent. le roman n'en est pas moins écrit de la plume vivace d'un homme amoureux qui décrit le personnage de Noëlie avec un trouble et une magnificence qui sont évidemment bouleversants et intemporels, et il fallait avoir le coeur aussi sec que Léon Daudet pour ne pas s'en émouvoir et en admettre les qualités.
Même si "L'Araignée Rose" est un roman dont les problématiques peuvent nous apparaître aujourd'hui un peu dérisoires, le drame provincial qui nous y est dépeint est fort instructif sur les moeurs du XIXème siècle. Louis-Ernest Allard rejoint en ce sens quelques grands chroniqueurs des campagnes d'antan, comme René Bazin, André Theuriet ou Victor Cherbuliez. Tout au plus lui reprochera-t-on de condamner dans ce roman toute la partie sensuelle, sexuelle, des rapports entre hommes et femmes, et d'en donner l'image d'un dérèglement des sens prononcés, incitant ceux qui s'y abandonnent à glisser sur la pente du vice. Il faut y voir aussi sans doute l'influence de son ami Alphonse Daudet, qui lui aussi était volontiers un délateur des passions charnelles (ce qui ne l'a pas empêché de mourir d'une syphilis qu'il ne devait pas à son épouse légitime).
Tout ce discours sent donc un peu le missel moisi d'un autre temps, même si, sur le plan des sentiments amoureux, "L'Araignée Rose" est un diamant sublime, qui nous enseigne quelques grandes leçons d'amour et d'humilité comme nous n'osons plus trop les concevoir de nos jours.
Enfin, le titre du roman qui, selon ce que j'ai pu en lire, fut à l'origine du relatif succès littéraire de cet ouvrage, est effectivement intrigant. Il est utilisé une seule fois dans le roman pour décrire le personnage de Valérie, lorsque, dans sa maison de Lodève, elle attend la venue de son amant. Mais on peut aussi y voir une métaphore plus subtile pour qualifier l'amour désespéré qui attend son heure, car au final, même si leurs méthodes diffèrent, Valérie et René partagent, envers Gonzague et Noëlie, cette même attente du revirement d'un amour qu'ils ne se résignent pas à oublier. "L'Araignée Rose" chante en effet la victoire de ceux qui font le siège de la personne aimée dans la plus totale abnégation, tout comme l'araignée, pelotonnée au fond de son nid, attend des journées entières qu'un insecte se prenne à sa toile. Mais tout comme l'araignée, ni Valérie, ni René ne sont réellement aimés en retour. Ils ne font que se rendre indispensables à celui et celle qui leur sont indispensables, et peut-être était-ce là le tourment personnel de Louis-Ernest Allard, et qui l'a amené à écrire ce livre...
Toujours est-il que tout dix-neuviémiste se réjouira de cette chronique provençale d'une grande esthétique, d'une jolie subtilité, et qui recèle en son sein toutes les grandes émotions de la littérature de la Belle-Époque.

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