La Genèse de la sagesse ou La chaîne initiatique chez les maîtres soufis

Il [Muhammad Effendi al-Yaragî, 1777-1848] fut un pieux imam, connaissant les sciences externes et internes de la religion, le Coran, les traditions, la jurisprudence, l’astronomie, la chimie et la logique, contrôlant son ego et lisant dans les cœurs.

Il naquit à Kural, dans le Chirwan du Caucase, en 1777. Il était grand et bel homme avec des yeux très verts et une voix douce.

Durant le jour, il formait ses milliers de disciples à la stratégie militaire pour lutter contre l’oppresseur russe ; la nuit, il donnait un enseignement spirituel. Il dormait rarement plus de deux heures, sa nourriture n’était souvent que de l’eau et son vêtement n’était qu’une tunique de laine, connue de tous au Daghestan. Il vécut au temps où sévissait l’infâme tyran chah Chawus, le gouverneur du Daghestan.
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Cheikh Al-Yaragî était considéré par les historiens comme le fondateur de la politique religieuse du mouvement qui unifia les musulmans du Daghestan et de la Tchétchénie pour la conquête de leur liberté contre l’oppresseur russe.

Dans son livre Sabres of Paradise, Lesley Blanch affirme que cheikh Muhammad Effendi al-Yaragî était le cheikh de l’imam Châmil. Il le conseilla aussi bien sur le plan spirituel que dans sa stratégie militaire, ainsi que le fit après lui cheikh Jamâl ad-Dîn al-Gurnûqî. De même, le premier imam du Daghestan et le premier leader contre l’oppresseur russe fut Gâzî Muhammad Ibn Ismâ’il ad-Dagastânî. Il prit son initiation de la confrérie Naqchabandi du cheikh Jamal ad-Dîn al-Kumûqî, calife du cheikh al-Yaragî. Par ailleurs cheickh ‘Abdallah ad-Dagastânî, le dernier des sept cheikhs du Caucase, raconta que cheikh Muhammad al-Yarâgî eut une vision du cheikh Isma’îl ach-Chirwanî lui ordonnant par la permission du Prophète de porter le jihâd contre les oppresseurs.
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Le premier imam, Gâzî Muhammad, fut martyrisé par les Russes en 1832. Lui succéda le second imam du Daghestan, Hamza bek Ibn ‘Alî, puis l’imam Châmil (1796-1871) qui fut choisi à l’unanimité par une assemblée de ‘ulamâ’, influencés par le soutien très chaleureux du cheikh Jamâl ad-Dîn. Il guida la guerre contre les Russes pendant vingt-cinq ans.

Cheikh ‘Abdallah [ad-Dagastânî] disait de lui « Le succès de l’imam Châmil contre l’oppresseur pourrait être attribué au soutien spirituel qu’il reçut de cheikh Khâs Muhammad, cheikh Muhammad Effendi al-Yaragî, sayyid Jamâl ad-Dîn al-Gumûqî et à travers eux le soutien du Prophète. Aucune force n’avait la possibilité de le battre aussi longtemps qu’il reçut leur soutien spirituel. (pp. 108-110)

Son oncle cheikh Charaf ad-Dîn lui faisait subir un entraînement très dur. Il le maria à l’âge de quinze ans. Six mois après son mariage, il lui ordonna une retraite spirituelle de cinq ans. Cheikh ‘Abdallah [ad-Dagastânî] raconte : « Je suis entré dans cette retraite spirituelle avec l’ordre de prendre six douches par jour à l’eau froide, de réciter de sept à quinze sections du Coran (juz’), de réciter cent quarante mille fois le nom d’Allâh et vingt-quatre mille fois la prière sur le Prophète, ce en plus des rites habituels. J’étais dans une grotte de la montagne entourée de forêts. Une personne était chargée de m’apporter chaque jour sept olives et deux morceaux de pain. Quand je sortis de ma retraite spirituelle, je pesais cinquante kilos !

Ce qui m’a été dévoilé en expériences et en visions ne peut être exprimé en mots. Je dormais très peu et en fait je n’avais presque pas besoin de sommeil, tant était fort le soutien céleste… Une fois j’eus une vision du Prophète qui pratiquait sa retraite dans la grotte du mont Hira. Durant quarante jours, je restai derrière lui sans dormir… » (p. 125)