* Théologien soufi comme son père, RÛMÎ est un mystique accompli. Au XIIIe s, il écrit en langue persane une oeuvre exceptionnelle, en partie inspirée par Shams de Tabriz, son maître spirituel. A Konya, il fonde l'ordre des "derviches tourneurs".
Certains poèmes évoquent l'oratorio spirituel des derviches, qui symbolise la ronde des planètes autour du soleil. Par la danse, les soufis se mettent au diapason du cosmos :
" ô jour, lève-toi ! Des atomes dansent.
Les atomes, éperdus d'extase, dansent.
La voûte céleste, à cause de cet être, danse,
à l'oreille je te dirai où l'entraîne cette danse."
* Ce concert spirituel (le sama) est aussi recherche du Soi. Dans l'ivresse musicale de la flûte et du tambour, les soufis dansent comme autant d'atomes autour du noyau, expérimentent l'union avec le divin :
"Quand cette perle était avec moi, j'étais rempli de joie.
Agité comme la vague par le souffle de mon propre être,
Bouleversé comme le tonnerre, j'ai dit le secret de la mer
Et pareil au nuage assoiffé, j'ai dormi sur le rivage."
* Au XIIIe s, il ne manquait pas d'athées, si l'on en croit ce quatrain :
"Qui a dit que ce vivant éternel est mort ?
Qui a dit que le soleil de l'espoir est mort ?
Cet ennemi du soleil est monté sur la terrasse
il a fermé les deux yeux et dit : "Le soleil est mort."
* La nostalgie pousse tout esprit, descendu dans l'existence, à revenir vers Dieu dans un mouvement ascendant :
"Autrefois, nous étions des enfants, puis nous fûmes maîtres
Autrefois nous étions heureux de voir des visages amis.
Écoute la fin de notre aventure :
Nous sommes devenus pareils aux nuages, pareils au vent."
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Ne reste que parmi les amoureux, des autres éloigne-toi.
Bien que ta flamme embrase le monde,
Le feu meurt par la compagnie des cendres.
Ma Bien-Aimée m'a dit : "Si tu veux acheter
Les baisers de chaque bien-aimée, achète-les à moi-même."
J'ai dit : "Avec de l'or ?" Elle répondit : "Que ferais-je de l'or ?"
J'ai dit : "Avec mon âme ?" Elle répondit : "Oui, oui."
Cette solitude vaut plus que mille années
Cette liberté vaut mieux que le royaume du monde.
Dans la retraite être un seul instant avec Dieu
Vaut plus que l'âme et le monde, que ceci et cela.
O jour, lève-toi ! des atomes dansent,
Les âmes, éperdues d’extase, dansent :
A l’oreille, je te dirai où entraîne la danse.
Tous les atomes dans l’air et dans le désert,
Sache-le bien sont tels des insensés.
Chaque atome, heureux ou misérable
Est épris de ce soleil dont rien ne peut être dit.
Dieu, par inspiration, a dit à Mohammad : « Ô prophète,
Ne reste que parmi les amoureux, des autres éloigne-toi. »
Bien que ta flamme embrase le monde,
Le feu meurt par la compagnie des cendres.
(...)
L’eau qui coule n’est pas lasse des poissons
Et le poisson n’est pas las de cette eau qui coule.
Ni l’âme ni le monde ne sont las des amoureux
Ni l’amour n’est las de l’âme et du monde.
(…)
Ceux qui s’en vont, purs et simples comme l’eau,
Dans les veines et le cerveau du monde pénètrent comment le vin.
J’ai cessé de marcher, je reste étendu
Car dans un bateau on avance étendu.
(...)
Si tu es loin de l’ombre des amoureux
Le soleil te frappe et tu deviens malade.
Cours devant et derrière les amoureux, comme l’ombre,
Afin de devenir la lune et le soleil pleins de lumière. (pp. 15, 62-63 & 73)
RÛMÎ / CETTE LUMIÈRE EST MON DÉSIR / LA P'TITE LIBRAIRIE