Un garçon d’origine française, dont le nom est Bruno Morienval et qui habite l’Amérique, s’ennuie par moments de son pays. Par hasard, il est amené à écrire à une jeune fille solitaire. La fille lui répond, n’ayant rien de mieux à faire. Il se trouve qu’elle est sympathique… et lui aussi. La correspondance va bon train. Le garçon, qui éprouvait probablement le besoin de se raconter, s’en donne à cœur joie. La bonne âme d’en face prend plus de plaisir, semble-t-il, à l’écouter qu’à lui parler d’elle-même. Et elle répond fidèlement. Il n’en faut pas plus pour que ce monsieur s’imagine amoureux de la jeune fille. Les hommes sont comme ça. »
Je suis tombé en bas de l’escalier sur une fille que j’ai prise pour une cover-girl américaine, très jolie, ma foi. Enfin… à mon goût. J’ai voulu lui parler, mais elle a tourné les talons sans même me répondre. Puis elle s’est enfermée dans la cabine du téléphone. Je suis têtu, je voulais savoir si c’était elle ou non. J’ai attendu en affectant de me laver les mains plus longuement que nécessaire. Mais la coquine en a profité pour passer derrière mon dos et, le temps que je m’essuie, elle s’était perdue dans la foule et je ne l’ai pas retrouvée.
Les visages successifs de Gary Cooper, de Karim Aga Khan, d’Ike et du prince Albert de Belgique retinrent à peine son attention. Margaret d’Angleterre, à côté de la reine, eut droit à un regard un peu plus long. Deux pages de recettes d’ice-cream furent franchies délibérément. Soudain, Peter tomba en arrêt. Dans une grande page aux couleurs fraîches un nouveau dentifrice usait, pour sa publicité, d’un visage féminin.
La main aussi était belle, à sa façon : une main tourmentée, mais expressive, d’intellectuel. Après tout, dans son ensemble (toujours « à sa façon »), Peter Hamp n’était pas si mal. Trente ans, le cheveu dru, la stature virile, quoique élégante, une bouche largement fendue, de longs yeux brillant d’esprit, comme probablement il n’y en avait pas des douzaines sur cette Septième Avenue bourrée d’Américains naïfs.
Mais, par moments, je l’avoue, je m’y sens avec des gens d’une autre race. J’y suis perdu, écrasé, vidé de moi-même. La nostalgie me reprend de la vieille Europe désuète, des petits champs bordés d’églantines, des modestes poulaillers, des fermes dont le lierre seul a l’air de tenir les pierres ensemble, et de ce bonheur si tranquille qu’ont l’air d’y vivre leurs habitants.