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3,76

sur 1338 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Drôlement tendre ce livre, terriblement attachant son héros, ce jeune garçon prénommé Shell. Ce roman est une parenthèse enchanteresse faisant la part belle aux êtres différents, cabossés, ceux que l'on moque, que l'on regarde étrangement, ceux que l'on relègue instinctivement loin de soi, aux confins, ceux que l'on bat aussi parfois…les encombrants, les gênants, les brimés, ces êtres dont on ne sait que faire.

Provence dans les années 60. Nous sommes dans la vallée de l'Asse, une vallée reculée à l'habitat dispersé et parsemé, en plein coeur des Alpes de Haute-Provence. Shell vit avec ses parents qui tiennent une vieille station-essence, aux deux pompes faméliques et désuètes, à 10 kilomètres du premier village. Autrefois c'était une station Shell d'où le blouson qui appartient au garçon avec ce mot écrit en gros dessus et dont il est fier. Avec son blouson sur le dos, le petit lave les pompes ou fait le plein aux rares clients. du fait de ventes insuffisantes, le pompiste a du changer d'enseigne.
Le jeune garçon est très seul, sans frère et soeur, sans voisin, sans ami. Il a quitté l'école alors qu'il n'a que 12 ans, parce que ça ne se passait pas bien, ni pour les apprentissages, ni avec ses camarades de classe qui ne cessaient de le harceler. Il n'est pas adapté au système scolaire classique, le médecin l'a estimé trop différent des autres pour continuer une scolarité normale.

Nous découvrons au fil des pages qu'il n'est en effet pas comme les autres et qu'il fait souvent des "bêtises" comme mettre le feu à la garrigue qui a failli dévaster la montagne, par exemple, cet été 1965, sans le faire exprès...C'est un petit garçon dont la tête n'a pas grandi, qui comprend tout au premier degré, qui a une simplicité d'entendement, le genre de garçon qualifié dans les villages ruraux d'idiot du village. Un « moteur de 2CV » dans sa tête mais avec une carrosserie « d'Alfa Roméo Giulietta » comme lui-même nous l'explique.

« Ma tête, au contraire, elle était grande, bien plus grande que celle des autres. C'était le monde qui était petit, et je ne voyais pas comment on pouvait faire rentrer quelque chose de grand dans quelque chose de petit ».

Ne voulant pas être mis dans un institut spécialisé et désireux de prouver à ses parents qu'il est devenu grand maintenant, qu'il est désormais un homme, il décide de fuir la station en pleine nuit, un grand sac en bandoulière et la 22 long rifle de son père, pour partir à la guerre, celle qu'il voit à la télé, télé toujours allumée et véritable membre de la famille d'ailleurs. Mais cette guerre, il ne sait pas où elle a lieu et c'est sur un plateau que son errance le porte, là où il décide de rester un peu et là où il fait la connaissance de Viviane, jeune parisienne qui passe ses vacances là. Elle est la Reine, elle va devenir sa Reine.

« Elle avait une drôle de voix rauque, une voix de femme qui n'allait pas avec son corps de fille. Elle était très mince, tellement qu'elle avait l'air de pouvoir se glisser entre deux rafales de vent sans déranger personne. Ses cheveux étaient courts et blonds avec une longue mèche sur le front, un genre de coupe de garçon. Mais ce sont ses yeux qui m'ont frappé, et quand je dis frappé, j'ai vraiment eu l'impression de recevoir un coup, parce qu'ils avaient l'air en colère et que je n'avais rien fait ».

Elle va venir le voir tous les jours, lui trouver une bergerie abandonnée pour qu'il puisse se cacher et dormir, lui apporter à manger, jouer avec lui. Pendant ce temps les gendarmes le recherchent.
Elle va surtout lui raconter son Royaume, dicter ses règles et ses commandements de Reine, et ensemble, ils vont réinventer le monde, un monde empli de poésie, d'innocence, de secrets et de serments, loin, très loin de la réalité qui les fait souffrir tous deux d'une façon différente. Viviane obsède Shell. Elle est jolie, espiègle, forte, fantasque et il est prêt à tout pour elle…Or, un jour, elle ne revient pas, après plusieurs jours d'attente, quasi inanimé, Shell est recueilli par le berger, Matti, qui vit toute l'année sur le plateau…

Ce qui est formidable dans ce court roman est que parole est donnée au petit Shell dont on découvre le monde, les brimades, l'errance, la rencontre avec Viviane puis Matti, les angoisses, à travers son regard. Cette vision d'un enfant, d'un enfant attardé qui plus est, donne au récit un ton frais et pur, un regard décalé, drôle et innocent. Très touchant le plus souvent. Ses étonnements, ses émerveillements, ses ressentis sont d'une poésie renversante. Ses pudeurs, d'une innocence délicate.

« J'ai aspiré une grande bouffée de nuit, une odeur âcre d'église, d'ardoise et de sarriette (…) Enfin le jour s'est levé, je me suis tourné vers lui. C'était une eau rouge qui montait à l'horizon et qui coulait sur le plateau par seul côté où il n'était pas fermé, ce même plateau vers lequel j'allais bientôt tomber, même si je ne le savais pas encore évidemment. Et tout d'un coup la lumière rouge est devenue blanche, le plateau s'est mis à briller, c'était le plus bel endroit du monde. Un gros rocher dépassait des champs, je suis allé m'allonger contre pour dormir. Avant de fermer les yeux, j'ai vu un sainfoin flou avec une grosse fleur pourpre. Sur la tige, un scarabée couvert de rosée grimpait vers le soleil ».

Nous sommes touchés non seulement par ce que vit et ressent Shell, marqués par son innocence, portés par son amour, mais, à travers son regard et ses mots, dans le récit offert, nous touchons du doigt doucement les faiblesses et inaptitudes de Viviane et Matti. Trois êtres cabossés à leur manière. Trois êtres à la lisière de la société et du monde adulte « normal » qui manque souvent cruellement de poésie.


Ce roman est un véritable hymne à la différence, à la tolérance et à la liberté qui permet de retrouver avec bonheur notre âme d'enfant. En tout cas, c'est certain, Jean-Baptiste Andréa a dû la conserver la sienne, son âme d'enfant, pour nous offrir une histoire d'enfants aussi magique, aussi poétique et aussi belle ! Sans oublier cet humour entremêlé au tragique qui fait de ce roman un récit délicat sans fioriture ni mièvrerie, sans jugement ni pathos. Pas étonnant qu'il est reçu le prix du premier roman en 2017 ainsi que le prix Fémina des lycéens cette même année. Un auteur dont je vais poursuivre avec bonheur la découverte !



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Voici un joli premier roman qui nous conte l'histoire d'un jeune adolescent pas comme les autres.
Shell ne grandira plus dans sa tête, alors il veut montrer qu'il peut devenir un homme en partant à la guerre.
La guerre c'est loin, avant d'y parvenir il vivra des moments douloureux et d'autres bien lumineux dès qu'il rencontrera Viviane.
Dans cette garrigue provençale, elle l'aidera à rester caché des gendarmes.
Lui qui n'en a jamais vraiment eu, a une amie ... une reine ! Et à une reine, on obéit toujours !

Entre amour et amitié, entre enfance et adolescence, entre poésie et dure réalite, Shell nous offre la grâce de sa naïveté.
On n'a pas envie de le laisser s'envoler, on veut encore lui tenir la main.
Est-ce la peine de vous le dire ? Vous avez déjà compris... j'ai beaucoup aimé cette lecture.
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Avec ce type de livres, de deux choses l'une : soit la magie opère et l'on garde du roman un souvenir lumineux, quelque chose qui relève de la beauté, de la pure poésie, ou bien, ça ne prend pas, le soufflé retombe et le roman ne produit au mieux que deux trois étincelles que l'on aura vite fait d'oublier.
J'avoue que lorsque j'ai découvert le sujet, l'histoire d'un petit garçon de douze ans pas comme les autres « Foudre de guerre. Génie. Lumière. C'était tout ce que je n'étais pas, on n'arrêtait pas de me le répéter », qui décide de quitter sa maison pour partir à la guerre et devenir un homme, j'ai eu très peur : le sujet me semblait risqué. Écrire du point de vue d'un gamin intellectuellement déficient peut donner des choses pas forcément très heureuses, on l'imagine aisément.
Alors, me direz-vous ? Eh bien, c'est réussi : le texte est vraiment beau, pur, sensible, d'une grande sensualité, il y a un je ne sais quoi du Petit Prince dans l'atmosphère un peu étrange qu'il dégage...
Comme je vous le disais, c'est l'histoire d'un jeune garçon dont on ne connaîtra pas le vrai prénom et qui sera surnommé Shell parce que ses parents travaillent dans une station- service. Nous sommes dans le sud de la France dans la Vallée de l'Asse, un peu au milieu de nulle part, dans les années soixante. C'est l'été, il fait chaud, Shell fume sa première cigarette derrière la station-service. Un peu secoué par sa première bouffée, il lâche sa cigarette sur un tas d'aiguilles de pin qui s'enflamme. le soir même, il comprend en entendant ses parents s'entretenir au téléphone avec sa soeur qu'il sera placé et décide de partir, d'aller voir ailleurs, de l'autre côté du plateau.
Il souhaite devenir un homme et pour cela, il est persuadé qu'il doit faire la guerre. Il s'empare donc du fusil de son père et part. « A force de m'entendre répéter que je n'étais qu'un enfant, et que c'était très bien comme ça, l'inévitable est arrivé. J'ai voulu leur prouver que j'étais un homme. Et les hommes, ça fait la guerre, je le voyais tout le temps à la télé, un vieil appareil bombé devant lequel mes parents mangeaient quand la station était fermée. »
Pourtant, Shell aimait sa vie dans la station-service, les petits travaux qu'il y faisait, même si chaque jour ressemblait toujours beaucoup à celui de la veille : « Mes parents parlaient peu. A la maison, un rectangle de parpaings que mon père n'avait jamais fini d'enduire derrière la station, les seuls bruits étaient ceux de la télévision, et des mules de cuir sur le lino, du vent qui dévalait de la montagne et qui venait se coincer entre la paroi et le mur de ma chambre. Mais nous, on ne parlait pas, on s'était déjà tout dit. »
Le garçon décide donc de partir à la guerre. Très bien, mais… c'est où la guerre ?
Et si au lieu de la guerre, il faisait une autre rencontre, une vraie, une grande, si son chemin croisait celui d'une Reine, une vraie Reine qui l'aiderait à devenir un homme...
Ce texte m'a charmée par cette atmosphère étrange, onirique qu'il dégage. le rapport de cet enfant au monde qui l'entoure est particulièrement bien rendu : en effet, Shell est à la fois étranger à ce monde et en même temps un élément de la nature qu'il traverse, à laquelle il se mêle intimement et dont il devient le coeur.
Il se donne, s'offre au monde sans compter jusqu'à risquer d'en perdre la vie. On peut parler même d'une espèce d'osmose entre le monde et l'enfant, magnifiquement rendue par les mots de Jean-Baptiste Andrea. Shell est le soleil, l'eau, la terre, la roche dans une espèce de sensualité folle et sans limites. Et c'est vraiment superbe.
Enfin, j'ai aimé la langue poétique, à la fois simple, comme l'esprit de l'enfant, et en même temps, révélant des beautés inaccessibles à nos yeux de gens dits « normaux », une langue qui permet au lecteur de retrouver son esprit d'enfance… Magique, non ?
Oui, incontestablement, l'enchantement a eu lieu, Shell devient à son tour un Roi, un Prince des éléments, de l'amour, du don de soi à l'autre, de la liberté…
Un conte initiatique poétique et lumineux dont je ne peux que vous conseiller la lecture !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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« Beau comme une Alfa Roméo mais avec un moteur de 2CV », tout est confus dans la tête de Shell. Pour échapper à l'établissement spécialisé dans lequel ses parents songent à l'envoyer, le jeune garçon décide de partir à la guerre pour leur prouver qu'il est un homme.
Mais c'est où la guerre ? de l'autre côté de la colline probablement, il en est presque sûr. Et un beau matin, le voilà parti.
Cependant il ne va pas aller bien loin, car sur la route il va rencontrer Viviane, une petite fille avec qui il deviendra ami, une petite fille qui deviendra sa reine. Ils vont passer l'été ensemble, à se découvrir, lui installé dans une cabane dans la forêt et elle, venant au gré de ses fantaisies lui rendre visite et lui raconter des histoires. Parce que c'est elle la reine, donc c'est elle qui décide…

La magie de ce premier roman opère dès les premières lignes. J'ai aimé la poésie qui s'en dégage.
Shell est un enfant attachant, émouvant dans sa naïveté. Son univers loin du monde des adultes est empli de crédulité.
Lorsqu'il rencontre cette fillette, magnifique et mystérieuse, il va jusqu'au bout de son amour pour elle.
L'écriture est douce et élégante. Une bien jolie lecture !

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Oh Shell, ta reine t'a baptisé un jour dans un décor magnifique de ce nom inscrit sur ton blouson. Ton blouson rouge et jaune que tu portais fièrement en faisant le plein des belles voitures qui s'arrêtaient à la station-essence de tes parents. Et puis ce blouson, c'est le cadeau dont tu rêvais, il avait appartenu à ton père à la grande époque où Shell vous approvisionnait encore. Mais c'était avant, quand il y avait suffisamment de voitures qui passaient dans la vallée. Avec le temps, il ne restait plus grand monde, à l'exception de quelques parisiens qui venaient l'été, passé les mois chauds sous la voûté étoilée de la belle montagne, comme Viviane, ta reine.
Tu la rencontres au moment où tu te dis que tu vas leur montrer que t'es devenu un homme. Pas question de te laisser emmener loin de ta planète, tu vas leur faire voir que t'es capable.
Capable, c'est tout le sujet. Les obligations, tu les connais, on te les a bien fait comprendre. Les droits, c'est autre chose. C'est compliqué, ça coûte cher… Pas d'école spécialisée pour toi. Des parents, aimant à leur manière, mais dépassés, un jour. T'es seul dans ce monde. T'as quoi douze, treize ans et tu remplis des réservoirs de bagnoles quelques heures par jour. En grande difficulté, tu ne peux pas lire, mais tu t'inventes des horizons accompagné de ton fidèle Zoro. Tu ne lis pas, tu ne t'exprimes pas comme tout le monde non plus. Tout se bouscule dans ta tête. Et comme c'est dommage que tu ne puisses pas nous dire tout ce que tu penses car c'est vraiment beau, t'es un poète en herbe, tu sais ? Heureusement Jean-Baptiste Andrea est magicien et il a entendu ce qui bouchonne à la sortie des lèvres. Il a ouvert une brèche et nous a engouffré dans ta tête pour qu'on respire ta nature. J'ai adoré ta manière de voir avec tes mots le vent, l'eau et les rayons du soleil. C'était très beau. Logique aussi… Ta reine est belle aussi. Je l'aime comme toi. Enfants du soleil vous avez tellement à donner dans ce monde qui nous retourne l'estomac. Heureusement, il y a des Matti, des Silenci. Mais ils ne sont pas assez nombreux et ont également leur soucis…
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Forest Gump en Haute-Provence ?

C'est lui qui se raconte, ce gamin que l'on devine rapidement ‘attardé'. Il vit seul avec ses parents âgés qui tiennent une station service là ou plus aucune voiture ne passe. Une ambiance de bout du monde à la Bagdad café (je devine ‘I'm calling you' derrière la stridulation des cigales ou ‘a road to nowhere' des têtes qui parlent).

Il est seul.
Seul au monde.
Seul dans sa tête ?

Seul, c'est bien le qualificatif qui lui sied le mieux à notre petit narrateur de douze ans, retiré de l'école ou il n'a plus sa place parce qu'il est différent, seul, sur une route sans trafic, seul, contemplatif au milieu des trépidantes sixties, nous sommes en 1965.

Par imprudence et innocence, il manque mettre le feu à la station essence familiale alors ses parents comprennent qu'il lui faut sortir de sa coquille, connaître d'autres horizons, partir découvrir la dure réalité du monde auquel il devra être confronté   mais surtout finir son éducation…au sein d'un institut spécialisé.

Lui ne l'entend pas de la même oreille alors il fugue dans l'intention d'aller faire…la guerre que lui a montré l'écran incurvé en noir et blanc, sa seule fenêtre contrastée sur le reste de l'humanité !!!

Mais où est-elle, cette guerre idéalisée, juste derrière la montagne qu'il va escalader vêtu de son blouson Shell (qu'il aime), sa coquille ?

Il est ailleurs, lui.

Lui, c'est un escargot dans un univers parallèle où les règles sont régies par son simple esprit d'une innocente naïveté, d'une évanescente poésie liée à sa faculté singulière de tout prendre au premier degré.

Il fugue, donc, et tel un petit Prince égaré sur sa planète déserte où ne vit ni mouton ni renard, il rencontre son Alice au pays des merveilles. Mais elle porte le prénom de la fée d'Arthur, son Alice, et c'est donc Viviane qui va lui fêter son non-anniversaire en l'entraînant derrière le miroir, au bout d'un terrier-tunnel  qui mène à une grotte magnifique, son Avalon dont elle est la Reine mais…sans jeu de cartes et avec ses propres blessures.

Qui est-elle donc cette Viviane apparue de nulle part autrement que le phare hypnotique qui guide le jeune garçon égaré ?

Son guide, sa reine.

Seulement, elle finira par s'évanouir, la fantasque fée Viviane (petite parisienne en vacances en fait), et c'est exsangue que notre petit héros sera recueilli par Matti, un autre personnage atypique parce que muet de convenance.

Celui qui ne dit mot mais qu'on sent sensible à ce gamin esseulé saura-t-il entrer en communion avec lui ?
Quelle résonance aura cette interaction étonnante entre celui qui n'utilise pas les mots que l'autre entendrait au premier degré ?

Viviane aura-t-elle vraiment disparu ?

Un conte contemporain qui nous ramène à la lisière de l'enfance, mais de l'enfance brisée par la difficulté de vivre la différence et par la violence ambiante de notre société qui n'entend pas les appels au secours exprimés pas seulement par les mots.

Un conte contemporain semblable à ceux de notre enfance parce que cruel tout autant.

La poésie de l'innocence qui mène à l'inadaptation mais au rêve aussi, à l'accès vers des contrées parallèles, des compréhension alternatives qui ouvrent à d'autres bonheur mais à d'autres danger périlleux également.

Un petit bémol stylistique cependant, toute la narration se fait au travers de la perception de la vie d'un enfant de 12 ans retardé qui vit dans un hameau isolé. Peut-être eût-il été plus crédible d'utiliser un vocabulaire plus limité et des constructions de phrases plus simples parfois afin d'accentuer ce côté autobiographique voulu par l'auteur !?
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Voilà un auteur que je ne connaissais pas et qui m'a conquise par son écriture très poétique et son point de vue particulier sur le monde.

En effet, le narrateur est un garçon de 12 ans qui a un retard mental et qui est moqué, méprisé par beaucoup de personnes autour de lui, à commencer par l'école. Les parents veulent l'envoyer dans une institution mais lui voudrait vivre comme tout le monde. C'est pour cela qu'il décide de partir de chez lui, une station-service de la Provence profonde, pour « faire la guerre ». Car quand on a cet âge, « la guerre » est quelque chose de lointain et d'inconnu. Quoi de mieux alors de dire et de penser cela pour s'enfuir de chez soi !
Il part donc, et se retrouve dans les montagnes derrière chez lui, là-haut. Il y fera la rencontre d'une fille de son âge à peu près, qui se dit « reine ». S'ensuivra une relation particulière à laquelle nous assisterons, entièrement immergés dans l'esprit et le coeur du garçon.

Ce point de vue totalement interne colle à la manière de penser naïve, ce qui implique beaucoup de non-dits, beaucoup d'implicite que nous comprenons à demi-mots. Et quelle poésie !

« Ma reine » baigne donc dans un univers onirique, celui de la pensée d'un jeune inadapté à la vie moderne et à son lot de méchancetés gratuites.
Ce roman qui se lit vite m'a ravie, mais j'ai été tout aussi satisfaite de le refermer, un peu mal à l'aise à cause de cette ambiance très spéciale.

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Je termine Des diables et des saints pour me lancer curieuse de Jean-Baptise Andrea, dans ma reine.
Histoire d'enfance là aussi. Un héros attendrissant, une narration de sa hauteur. Il faut accepter quand même le postulat de base pour que l'histoire fonctionne : un jeune ado, simple d'esprit, esseulé, va s'échapper de sa condition pour devenir un homme. Ça fonctionne bien, le personnage et sa vision des évènements sont très attachants, les codes de la différence et des indifférences sont remaniées, l'éveil se fait peu à peu et pas forcément là où on l'attend. L'effet papillon ne m'a pas semblé faire ici sa loi : on craint le pire mais au final les conséquences ne sont peut être pas si douloureuses, et c'est bien ce gamin prenant son envol qui nous souffle sa sincérité. La magie est revenue après nous avoir fait froid dans le dos.
Roman court, séduisant c'est vrai, qui nous happe très vite.
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Un premier roman somme tout bien maîtrisé sur des thèmes délicats et avec un parti pris de narration plutôt risqué. Jean-Baptiste Andréa décide d'aborder le thème du handicap en donnant la parole au jeune Shell, douze ans qui décide de fuguer de la station-service que tiennent ses parents pour leur donner une bonne leçon et leur montrer qu'il peut devenir un homme fort et courageux. Il va partir à la guerre et quand il sera devenu un vigoureux soldat, il reviendra leur montrer et leur faire regretter d'avoir – un jour – pensé le placer dans un institut spécialisé. Difficile de trouver le ton juste entre le handicap et la jeunesse du personnage. Mais avec délicatesse et beaucoup de poésie, Jean-Baptiste Andréa réussit à donner vie au jeune autiste. J'avoue avoir tenté de diagnostiquer la pathologie du jeune garçon mais c'était difficile sans indications précises. Car pour Shell le seul problème c'est qu'il fait des bêtises et qu'il s'endort souvent quand les mots se mélangent dans sa tête et qu'ils ne veulent plus sortir. Sans endurance, ni vivre, ni pensées construites, Shell n'ira pas très loin dans sa fugue. Il va se cacher des gendarmes dans les broussailles du plateau de l'Asse et près d'un berger taiseux. Il fera la rencontre de Viviane, petite fille elle aussi malmenée par la vie mais qui trouve en Shell un faire-valoir qui ne demande qu'à obéir à cette jeune reine tyrannique. Je me suis intéressée vraiment à cet écart permanent entre la cruauté et la violence sous-jacente de nombreuses situations et la façon dont Shell en occulte chaque fois le mal dans le récit qu'il nous fait des événements. La fin du roman en est un exemple parlant et m'a laissée songeuse même si je l'avoue, je l'avais bien anticipée. Ce roman plaît visiblement beaucoup aux lycéens (sur réservation au CDI de ma fille et Prix Femina des Lycéens). Des chapitres courts dans une écriture fluide et visuelle, une narration assez linéaire qui surfe entre désirs projetés et réalités et qui brosse le portrait d'un jeune garçon attachant. Je comprends fort bien ce succès mérité et m'en vais continuer à explorer l'univers de cet auteur en lisant son second roman, « Cent millions d'années et un jour ».
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Quel joli texte ! Bien que la plume soit très différente de celle d'Anna Gavalda, ce récit m'a fait penser à Billie, l'un de mes énormes coups de coeur.
Dans Billie, les protagonistes se côtoient sur plusieurs années.
Quelques semaines ici. Mais entre entre enfance et adolescence, amitié et amour, dure réalité de la « normalité » et imagination enfantine, Jean-Baptiste Andréa nous offre un récit fantasque et poétique.

Shell est un garçon différent, qui vit dans son monde. Un jour, il décide de « partir à la guerre » pour (se) prouver qu'il peut devenir un homme. Sa fugue le conduit dans les hauteurs qui surplombent la station-service (d'où son surnom) de ses parents, dans la garrigue provençale. Il y rencontre Viviane, une petite fille de son âge, généreuse et autoritaire, qui devient son amie, sa confidente, sa reine. À ses côtés le monde de Shell se pare des plus jolies couleurs.

Cette histoire, qui se lit comme un conte beau et cruel, est difficile à raconter : elle se ressent. Dès les première phrases la magie de l'écriture opère. La parenthèse enchantée vécue par les deux enfants est aussi un moment de grâce pour le lecteur.

Ma reine est un roman lumineux et sensible sur la différence, la perte de l'innocence et le pouvoir de l'imagination et du rêve face à la cruelle réalité de la vie
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