Citations sur Antigone (481)
CRÉON
Que veux-tu que je fasse pour elle ? La condamner à vivre ?
Dans la tragédie on est tranquille. D'abord, on est entre soi. On est tous innocents en somme ! Ce n'est pas parce qu'il y en a un qui tue et l'autre qui est tué. C'est une question de distribution. Et puis, surtout, c'est reposant, la tragédie, parce qu'on sait qu'il n'y a plus d'espoir, le sale espoir ; qu'on est pris, qu'on est enfin pris comme un rat, avec tout le ciel sur son dos, et qu'on n'a plus qu'à crier - pas à gémir, non, pas à se plaindre, - à gueuler à pleine voix ce qu'on avait à dire, ce qu'on n'avait jamais dit et qu'on ne savait peut-être même pas encore. Et pour rien, pour se le dire à soi, pour l'apprendre, soi.
— Je ne veux pas comprendre. C'est bon pour vous. Moi je suis là pour autre chose que pour comprendre. Je suis là pour vous dire non et pour mourir.
"Comprendre… Vous n’avez que ce mot-là à la bouche, tous, depuis que je suis toute petite. Il fallait comprendre qu’on ne peut toucher à l’eau, à la belle eau fuyante et claire parce que ça mouille les dalles, à la terre parce que ça tache les robes. Il fallait comprendre qu’on ne doit pas manger tout à la fois, donner tout ce qu’on a dans les poches au premier mendiant qu’on rencontre, courir, courir dans le vent jusqu’à ce qu’on tombe par terre et boire quand on a chaud et se baigner quand il est trop tôt ou trop tard, mais pas juste quand on en a envie ! Comprendre. Toujours comprendre.. Moi, je ne veux pas comprendre, Je comprendrai quand je serai vieille… Si je deviens vieille… Pas maintenant."
CRÉON : Tu as toute ta vie devant toi. (...) Tu as ce trésor, toi, encore. (...) Rien d'autre ne compte. Et tu allais le gaspiller ! Je te comprends, j'aurais fait comme toi à vingt ans.
LA NOURRICE
D'où viens-tu?
ANTIGONE
De me promener, nourrice. C'était beau. Tout était gris. Maintenant, tu ne peux pas savoir, tout est déjà rose, jaune, vert. C'est devenu une carte postale. Il faut te lever plus tôt, nourrice, si tu veux voir un monde sans couleurs.
Vous me dégoûtez tous avec votre bonheur ! Avec votre vie qu'il faut aimer coûte que coûte... Moi, je veux tout, tout de suite, et que ce soit entier, ou alors je refuse! Je ne veux pas être modeste , moi, et de me contenter d'un petit morceau, si j'ai été bien sage.
C'est beau un jardin qui ne pense pas encore aux hommes
Rien n'ai vrai que ce qu'on ne dit pas .. Tu l'apprendras toi aussi, trop tard, la vie c'est un livre qu'on aime, c'est un enfant qui joue à vos pieds, un outil qu'on tient bien dans sa main, un banc pour se reposer le soir devant sa maison. Tu vas me mépriser encore, mais de découvrir cela, tu verras, c'est la consolation dérisoire de vieillir, la vie, ce n'est peut-être tout de même que le bonheur !
CRÉON : Que peux-tu donc, sinon t'ensanglanter encore les ongles et te faire prendre ?
ANTIGONE : Rien d'autre que cela, je le sais. Mais cela, du moins, je le peux. Et il faut faire ce que l'on peut.