– Putain, mais comment tu peux parler de déception ? La déception, c’est quand je vais au supermarché acheter un paquet de bonbons et qu’ils n’ont plus ceux que je préfère en rayon ! La déception, c’est quand je trouve une robe qui me plaît dans un magasin et que je constate qu’il n’y a plus ma taille ! La déception, c’est quand mes parents m’offrent des CD de musique classique à Noël alors que je n’en ai jamais écouté de ma vie !
Il devient méchant tellement il a mal. Voudrait blesser Mathilde comme elle le fait. Gratuitement. Après tout, il est peut-être temps de lui demander des comptes, de comprendre si la triste vérité, ce n’est pas tout simplement qu’elle court plusieurs lièvres à la fois depuis un moment et qu’aujourd’hui, elle a enfin fait le tri, se décidant à se débarrasser de lui comme on se débarrasse d’un vieux chewing-gum qui n’a plus aucun goût à force d’avoir été mâchonné.
Et accepter ce qui nous arrive, ça ne veut pas non plus dire ne rien faire et cesser d'espérer.
On ne peut souffrir de ce qu'on ignore...
Jusqu'où peut-on aller par amour de l'autre ?
La réponse à cette question, il ne l'auras pas trouver dans l'un de ses nombreux livres de philosophie, mais dans les yeux de sa femme, puis dans son cœur à lui.
- Je me fiche de ce que peut te raconter ta mère. Hors de question que tu touches mon jeu d'échecs avec tes mains pleines de doigts.
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Ce que veut dire Sénèque, c'est que le bonheur, ce n'est pas un but lointain qu'on aperçoit au bout du tunnel. Le bonheur est en nous, le bonheur, c'est de savoir faire avec ce qu'on a, avec ce que la vie nous donne.
Elle aurait pu mais le mensonge était sorti tout seul, si facilement, si naturellement que même elle s'était demandé comment il était possible de dissimuler la vérité avec autant d'aisance et d'inventivité. Elle a tellement pris l'habitude de s'arranger avec la réalité qu'au fil du temps, elle en a même presque oublié que le mensonge n'était pas censé être quelque chose d'habituel. Mois après mois, les cachotteries lui ont permis de se sentir libre, si délivrée des contraintes du quotidien que c'est pour elle devenu addictif d'être malhonnête. Elle n'en a pas conscience, bien sûr. Simplement, le plaisir de proférer des mensonges plus ou moins inoffensifs et de jouer avec le feu sans jamais se brûler est peu à peu devenu quelque chose de jouissif. Comme le gamin qui s'amuse à chiper des bonbons à la boulangerie juste pour le plaisir de ne jamais se faire attraper par la vendeuse.
Peut-être parce que le chagrin est quelque chose d'extrêmement personnel,même quand on affronte ensemble la même épreuve.
Mais l’idée est revenue à pas de loup lors de trop longues nuits d’insomnie, s’est cramponnée à son cerveau, s’est immiscée dans son cœur. Elle est revenue jour après jour, accompagnée d’un visiteur très persuasif, contre lequel Mathilde ne pouvait pas lutter : l’espoir. Elle s’est sentie déchirée, effrayée, et, en même temps, elle a retrouvé le courage qui commençait à lui faire défaut. Un lampadaire s’était allumé dans la nuit noire que lui semblait être sa vie. Des heures durant, elle avait contemplé le visage serein d’Adrien qui dormait à côté d’elle. Elle l’aimait tellement. Tellement.