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sur 3524 notes
Au programme du bac (série littéraire) lors de mon année de terminale,j'ai découvert Guillaume Apollinaire et ses "Alcools" qui reste un classique de la poésie française. Les inoubliables vers du "Pont Mirabeau" sont encore gravés dans ma mémoire, les allusions à La Lorelei et tant de sensibilité et de lyrisme.
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Les faisceaux du soleil s'éteignent derrière l'horizon. Comme chaque soir, un illustre inconnu prend le ciel pour sa toile de fond. D'un coup de pinceau, il étale son pigment bleu nuit sur l'immense plafond. Au gré de son humeur nocturne, l'artiste saupoudre une constellation de points éclatants d'aucuns appellent “étoiles” ou fait perler des voiles de coton. Les nuages. C'est sur cette fresque que s'ouvre le monde de la nuit. Celui qui fait taire les moteurs et sombrer les humains endormis. Les minutes coulent lentement dans des heures noctambules et il faudra attendre le retour des premiers rayons solaires pour que cette peinture s'estompe dans l'aube du jour.

A l'instar de cette analogie, je considère la poésie comme un cycle qui recommence sans cesse. Depuis l'Iliade d'Homère aux plus récents poèmes du XXIème siècle, nous écrivons les mêmes sentiments avec d'autres mots. Cette loi de l'éternel retour est, de temps à autre, bousculée par une rupture soudaine. le poète Guillaume Apollinaire et son recueil de poésie “Alcools” en est un bon exemple. Analyse.

En vivant à la charnière de deux siècles, l'écrivain français a été un de ceux qui s'est affranchi d'un classicisme pictural et littéraire. Il s'est octroyé le droit de jouer avec les conventions de l'art, les a étirées de long en large. En déstructurant le symbolisme et les mythologies anciennes, il a ouvert une nouvelle page, celle du XXème siècle. Ainsi, dans le poème La chanson du mal aimé, Apollinaire émiette les légendes épiques et les personnages historiques, un à un, afin de créer une complainte sentimentale de sa vie amoureuse.

[…] J'ai hiverné dans mon passé

Revienne le soleil de Pâques

Pour chauffer un coeur plus glacé

Que les quarante de Sébaste

Moins que ma vie martyrisés

Mon beau navire ô ma mémoire

Avons-nous assez navigué

Dans une onde mauvaise à boire

Avons-nous assez divagué

de la belle aube au triste soir

Adieu faux amour confondu

Avec la femme qui s'éloigne

Avec celle que j'ai perdue

L'année dernière en Allemagne

Et que je ne reverrai plus […]

Sans doute l'avez-vous remarqué ces quelques vers sont dénués de toute ponctuation. Pas de point, ni de virgule et encore moins de point-virgule. Guillaume Apollinaire, même s'il n'en a pas la paternité, est celui qui a permis, auprès du grand public, de comprendre que l'absence de ponctuation changeait la sonorité des phrases et pouvait apporter une autre interprétation, à l'instar de ces chansons que nous comprenons toutes et tous d'une façon différente puisque l'auteur a laissé planer un doute sur la ponctuation. En agissant de la sorte, le poète français a élargi les possibilités d'écriture et de lecture.

Le recueil Alcools est aussi le théâtre de l'élasticité verbale. Les mots utilisés deviennent autant d'occasions de créer des effets qui mettent en relief le sens d'un vers. Mieux, ils deviennent de réelles images mentales à l'instar du poème Vendémiaire qui donnent la parole aux villes d'Europe qui répondent, tour à tour, à la ville de Paris:

[…] Et les villes du Nord répondirent gaiement

Ô Paris nous voici boissons vivantes

Les viriles cités où dégoisent et chantent

les métalliques saints de nos saintes usines

Nos cheminées à ciel ouvert engrossent les nuées

Comme fit autrefois l'Ixion mécanique […]

Outre les effets de style, le contenu des poèmes d'Apollinaire s'inscrit dans la vie de l'écrivain telle une biographie. Nous pouvons, par exemple, trouver dans sa série de poèmes intitulée Rhénanes une trace de son passage en Rhénanie et grâce à son talent d'écrivain, il nous fait découvrir cette région d'Allemagne au fil des saisons tout en nous contant sa déception amoureuse (une de plus seront tentés de dire certains 😉).

Enfin, que seraient tous les poèmes de ce recueil sans les innombrables références à l'alcool. de l'ivresse réjouissante à la boisson synonyme de détresse, le poète français teint ses textes de la couleur du vin, de l'odeur des vignes et nous emporte dans l'étourdissement de sa poésie. Il y a dans Alcools une invitation à se remémorer le passé et à imaginer l'avenir autour d'un verre, telle est la force de ce recueil de poésie devenu un classique au fil du temps et qui a participé à changer notre manière d'écrire.

Écoutez-moi je suis le gosier de Paris

Et je boirai encore s'il me plaît l'univers

Écoutez mes chants d'universelle ivrognerie

Et la nuit de septembre s'achevait lentement

Les feux rouges des ponts s'éteignaient dans la Seine

Les étoiles mouraient le jour naissait à peine
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Apollinaire tu es déjà un homme blessé lorsque tu écris Alcools bien avant que la guerre ne vienne et ne broie les routes les ponts et les enfants. Alcools, j'égrène des verres le long des comptoirs, ô mes paradis mes ports d'attache. Les cafés sont remplis de printemps et d'absinthe. C'est le printemps des pauvres gens. La rue est industrielle à souhait. On y voit des lumières bleues. C'est peut-être la Voie Lactée. Le ciel est encore si loin de mes doigts fourbus. Il faut tendre le geste jusqu'à plus soif. C'est un ciel sans Dieu. Les yeux de celle que tu aimes ressemblent à des pétales de colchiques qui s'envolent dans ces prés mal fleuris. Nos bouches sont brûlantes de nos baisers et de l'odeur de l'automne. C'est une joie fulgurante qui précède le soir. Elle reviendra peut-être après nos peines. Garçon ! Je reprendrai bien encore un verre ! L'amour est à l'affût. Il nous faut marcher seul dans le battement de nos ailes. Mon âme fait plus de bruit que mes pas. Quelle est cette ombre qui me suit bien que je devienne invisible sans toi ? Votre chemin est par ici Monsieur Apollinaire. Une barque file dans la nuit métallique et fatale. Alcools, mon errance est urbaine. Attendre encore un peu celle qui ne reviendra plus. C'était mieux hier ou bien demain. Le vent éteint les étoiles une à une. Tu es la nuit qui pleure. Mes rêves ont du sang plein les mains. Debout nous marchons encore un peu au bord de ce quai et mes pieds se distraient bêtement. Les mots tremblent ils se perdent dans le vin. Poète, vous reprendrez bien encore un vers ?
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Les poèmes du Bestiaire de Guillaume Apollinaire suivent "Alcools" dans l'édition parue chez Gallimard, collection poésie.
Ce sont de petits trésors aussi agréables à lire que des haïkus et bien plus encore car ils sont plus concrets et pas soumis aux mêmes règles.
Je les avais lus au lycée et les ai redécouverts ces derniers jours. D'ailleurs, mon édition est très jaunie par le temps .

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Apollinaire s'inscrit résolument dans la modernité, avec espoir, et tourne le dos au passé. Il revendique enfin la postérité (cf. Vendémiaire).
Une des premières choses qui frappe est l'absence quasi totale de ponctuation, en particulier les virgules. Il y a ensuite une certaine opacité : la poésie est d'abord assez difficile, dans la lignée de Mallarmé et il faut chercher la signification des métaphores. La mort est omniprésente avec en particulier un long poème sur les revenants et les liens qu'ils nouent avec les vivants. La vie semble par moments n'être qu'une longue errance (cf. dans « À la Santé », la prison de la Santé) marquée par un constant désespoir.
L'essentiel est-il de s'enivrer ? Il semble que oui. Peut-être la poésie est-elle aussi l'alcool d'Apollinaire.
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C'est SUBLIME !
Étudié à la Sorbonne, j'ai fait la connaissance de ce recueil de poèmes.
Quel choc ! Quelle beauté !
Et quelle tristesse aussi. Apollinaire mélancolique ou très malheureux à cause d'une femme, des femmes.
Deuils affectifs impossibles à faire. Reste l'écriture.
Sublime est vraiment le premier mot qui me vient, au risque de me répéter.
Par contre, si on vient de rompre, lecture à éviter, vous serez encore plus mal après. Non, je plaisante, mais on sent bien que la rupture chez lui est source de souffrances terribles. Je ne peux pas m'empêcher de vous offrir quelques vers de ce génie-poète. A lire dans Citations.
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Tension entre le moderne et l'ancien, peut-être. Est-ce ce qui touche dans Apollinaire ? Il y a de ça. Il y a d'abord les mots, répétés ou pierres précieuses déposées au coin d'un poème, d'une incantation magique, alchimie, chocs. Comme souvent, le commentaire sur la poésie est vain. Il suffirait de citer, de ne pas se creuser la tête, même si l'on ne voit pas tout, même si l'analyse en groupe des "Colchiques" a été un chouette moment. La poésie, celle d'Apollinaire, si simple si l'on veut bien ne pas tenter de l'intellectualiser, n'est rien d'autre, rien de plus et rien de moins, qu'un dépôt de formules, magiques ou triviales, dans notre esprit.

Lire la poésie comme on va à la pêche, tirer un mot, un vers, l'accrocher à notre âme, "soleil cou coupé", ou "Mon Automne éternelle ô ma saison mentale". Encore : "C'est la lune qui cuit comme un oeuf sur le plat", "Ecoutez mes chants d'universelle ivrognerie". La poésie d'Apollinaire est cocktail d'alcools plus ou moins forts dont on se laisse imprégner à l'envie, un petit verre par ci, un petit verre par là, et mine de rien, on s'en soûle, on voit le monde autrement, on vit plus intensément. Fulgurance du regard du chat, croisé en titubant, au coeur de la nuit : "Je souhaite dans ma maison : / Une femme ayant sa raison, / Un chat passant parmi les livres, / Des amis en toute saison / Sans lesquels je ne peux pas vivre".

Boire sa vie comme une eau de vie, un poème d'Apollinaire en tête, la voix de Léo Ferré, le souvenir d'une Annie qui rendait fou, et se dire que la joie, jadis, et demain, et toujours, venait toujours après la peine et que sous les ponts de Paris, qui bêlent ce matin, coule la Seine, et nos amours, et que les femmes paissent parfois ce grand pré mal fleuri par l'automne que deviennent, fatalement, les poètes un brin trop sensibles. Ou trop simples.
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Une découverte de cet illustre auteur, un recueil de poésie, genre que je lis peu mais apprécie savourer de temps à autre.
Tantôt bucolique notamment sur la partie rhénane du recueil, mythologique voire mystique à d'autres moments (j'ai d'ailleurs adoré le poème "La Loreley" et toutes les occurrences de la figure de la sirène), emblématique d'une époque dans cette atmosphère aux vapeurs d'absinthe avec des dédicaces plus intimes.
La magie des mots d'APOLINAIRE réside dans ces vers ciselés, concis, son rythme rapide, ses rimes internes et son emphase parfois.
D'un ton confidentiel aux grandes harangues à la limite de la prédication, le lecteur est emporté par ses vers et avale les pages comme un rien.
Un réel plaisir à déguster par bouchée, pour éviter l'écoeurement cependant.
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Alcools... C'est un livre démantelé dans ma bibliothèque: des années de sommeil, suivies d'intenses consultations auxquelles n'ont pas résisté les pages qui se détachent de plus en plus.
Mais les dernières retrouvailles ont été via une version audio de Alcools! Bien lus, ces poèmes respirent une nouvelle sonorité... qui m'incita aussitôt à rouvrir la version papier.
Est il utile de prétendre résumer en quelques mots ce qui fait le charmes de ce recueil: rapprochements de mots favorisés par l'absence de ponctuation, culture de l'ambiguïté qui amplifie la richesse de suggestion des vers, juxtaposition de banalité et d'érudition, contraste entre mélancolie et enthousiasme intense etc.

Apres tous les commentaire sur Babelio que dire de plus?.
Je vous propose juste une très (trop) courte liste de poèmes ou extraits favoris (au moment de l'écriture de cette critique; cela changera très vite!)
- Les cloches
- hotels ("fermons nos portes à double tour, chacun apporte son seul amour" )
- crépuscule ("le ciel sans teinte est constellé d'astres pales comme du lait.." )
- corps de chasse (" les souvenirs sont cors de chasse dont meurt le bruit parmi le vent")
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Je redécouvre ce recueil avec un oeil curieux. Entre des lignes à la facture classique (Sous le pont Mirabeau...), le tournant du siècle est là, ainsi que ses influences. Des textes aux sujets variés, tantôt personnels (A la Santé), étranges (Réponse des Cosaques Zaporogues au Sultan de Constantinople), naturalistes (Colchiques), ils révèlent toujours une sorte d'inquiétude, de tension, d'angoisse un peus sourde. Je suis surpris à cette lecture, l'atmosphère particulière que construit Apollinaire, une sorte d'univers cohérent fait de touches d'étrangeté. Difficile d'y lire au premier abord un ensemble cohérent, et pourtant, il en sort une impression d'ensemble par petites touches. Des impressions Rhénanes entre autres qui m'ont surpris. Un bestiaire digne des poètes du XVIIème tout à fait étrange. Je m'y replonge!
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