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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Deux beaux récits de Jirô Asada, le cheminot et la lettre d'amour. Ils ont pour points communs un héros masculin de condition simple, rattrapé son passé, par la nostalgie, par le deuil d'une femme.

Dans le cheminot, le vieux cheminot Otomatsu vit ses derniers jours de travail avant la retraite. Il conduit sa motrice KH 12, un simple autorail diesel, véritable trésor culturel qui circule sur une toute petite ligne de la campagne japonaise du rude Hokkaido. Il échange quelques souvenirs avec son collègue et vieil ami Senji, qui prendra sa retraite l'année prochaine, et dont le fils Hideo est cadre des chemins de fer à Sapporo. Ils nous donnent à voir la désertification progressive de la campagne, la fermeture des dernières mines dans la région, du dernier commerce de ces petites gares de Biyoro, Horomai…Otomatsu est un homme modeste et pudique qui n'a vécu que pour son métier de cheminot, et ça il en est fier…d'autant que sans doute il lui a permis de tenir dans la dignité jusqu'ici, alors même que nous découvrons qu'il s'est efforcé d'enfouir en lui de terribles failles et souffrances. Il est veuf, et avait aussi perdu sa fille Yukiko à l'âge de deux mois. L'imminence de la retraite, le soir flou d'un ciel neigeux, le visage d'une gentille petite fille et une poupée oubliée sur une chaise de la petite gare vont provoquer un sorte de choc émotionnel, une plongée dans un rêve éveillé où les souvenirs, les fantômes du passé vont submerger le vieux cheminot et rouvrir en lui une plaie béante alors que son équilibre psychologique ne tenait certainement que grâce à sa passion pour la vie du rail…

Dans la lettre d'amour, Goro Takano est un gérant de club vidéo de Tokyo qui vient de ressortir de tôle pour trafic de vidéos pornos et qui fricote avec des yakuzas, son « patron » Satake et un jeune dénommé Satoshi. Ce dernier devra jouer son neveu pour déjouer les soupçons de la police, dans une mission qui va le conduire à l'hôpital de Chiba pour reconnaître le corps d'une femme chinoise décédée, qui n'est autre qu'Haku-ran (Kan Pai Ran en chinois), sa femme. Goro ne l'avait pourtant jamais vue, il s'agissait d'un mariage blanc, pour cette chinoise qui en avait besoin pour obtenir papiers et argent, sachant que Satake avait évidemment prélevé l'essentiel du bénéfice financier du service rendu à travers cet arrangement. Si la situation n'émeut pas Goro dans un premier temps, son ressenti va peu à peu évoluer. Il y a cette première lettre écrite par cette femme mais jamais envoyée, pour, toujours, le remercier, louer sa gentillesse…Il comprend qu'elle s'était fait un film sur lui, l'imaginant dans des termes positifs. Il commence, lentement, à gamberger, et cet effet s'accentue à la morgue : car contre toute attente, cette femme encore jeune, qui n'avait d'autre choix que de se prostituer, morte prématurément d'une maladie sexuellement transmissible ou d'une surconsommation chronique de médicaments qui lui auront bousillé le foie, était plutôt jolie…Et puis manifestement, la police est bien au courant du trafic qui a eu lieu, mais a décidé de fermer les yeux...Dès lors, d'heure en heure, il regrette de ne pas avoir connu cette femme, de ne pas avoir vécu à ses côtés, d'autant que la dernière lettre qu'elle avait écrite de son lit d'hôpital ne fait que confirmer qu'elle n'a cessé de l'imaginer, de penser à son mari inconnu et de lui témoigner sa reconnaissance. Il ramènera chez lui l'urne funéraire en sanglots…

Il y a beaucoup de sensibilité et de finesse dans ces deux histoires simples, qui touchent au coeur parce qu'elles mettent en exergue les regrets, le temps qui passe et les occasions manquées, les failles en chacun de nous et une part de culpabilité qui peut parfois être ressentie dans la perte d'un être cher. Des sujets universels. Finalement, s'il fallait choisir, j'ai préféré la moins connu, la lettre d'amour. J'ai lu quelque part sur une autre critique que l'histoire n'était pas crédible. Elle l'est tout à fait, au contraire : les mariages blancs ne sont pas si rares évidemment, et on peut raisonnablement penser qu'il y a encore quelques années, voire même aujourd'hui, certaines pauvres chinoises, coréennes et autres philippines pouvaient être mariées à des japonais, du moins exploitées pour enrichir des mafias. Il en va ainsi de la nature humaine et de la noirceur du monde...L'auteur n'hésite pas à égratigner la complaisance des autorités de son pays pour ces trafics, un certain racisme anti-chinois qui demeure chez beaucoup de japonais.

Asada a trouvé un ton formidablement juste aux lettres de Kan Pai Ran, dans leur maladresse d'écriture d'étrangère, leur naïveté, leur simplicité, leur franchise…Criantes de vérité, elles suscitent l'émotion naturellement, sans accentuer cet effet artificiellement.

C'est la marque d'un très bon écrivain, qui n'a pas une très grande notoriété en France mais est sans doute un des écrivains vivants les plus populaires au Japon.
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Un court livre qui rassemble deux nouvelles :

Le cheminot, d'abord où l'on fait la connaissance d'un vieux chef de gare qui se souvient du décès de sa fille, il y a 17 ans. C'est une nouvelle pleine de nostalgie mais qui m'a beaucoup touché. Il évoque ses souvenirs avec beaucoup de pudeur.

Lettre d'amour, parle aussi de la mort. Goro est un petit vaurien, qui a fait un mariage blanc pour se faire un peu d'argent, alors qu'il a passé quelques jours a poste de police, pour un délit, on lui apprend que sa femme et morte. Il l'avait complètement oublié et pourtant il va lui être difficile de faire son deuil.

Un recueil qui m'a beaucoup plu, avec deux nouvelles très belles. L'écriture de l'auteur apporte une touche supplémentaire.
Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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Les amas de neige s'amoncellent le long de la vieille voie ferrée qui ne mène nulle part en Hokkaïdo, à destination d'un coin perdu dans les montagnes, désaffecté comme le sera sous peu cette ligne de chemin de fer. A bord du dernier autorail à traction diesel de type KH12, Sato Otomatsu voit le jour de sa retraite arrivé. Une vie à travailler pour les chemins de fer de l'Hokkaïdo s'achève lors de ce dernier voyage, en bout de ligne. Seul dans la gare déserte, il restera plongé dans les souvenirs de sa vie avant qu'une petite fille vienne le voir, puis une seconde plus âgée... Ces visites l'attristent encore plus, tant elles lui font remémorer sa propre fille morte à l'âge de 2 mois, alors que son métier lui a procuré tant de fierté et de joie...

« le cheminot » a tout au long de sa vie privilégié et honoré son métier, au détriment de sa vie familiale. Il n'a jamais fait le deuil de sa fille et ne cessera d'y penser à chaque entrée en gare. Jour après jour, il revoit sa femme lui donnant sur le quai le corps froid de sa fille chaudement enveloppé. Mais que pouvait-il faire alors qu'il était en service. Je l'ai longtemps cherché cette histoire. Je ne sais pourquoi, mais je sentais, avant même d'avoir ouvert le livre, qu'elle pouvait me bouleverser et m'émouvoir, même si la nouvelle est un peu courte... J'aurais bien aimé passer encore quelques pages à sillonner les montagnes enneigées de l'Hokkaïdo à bord de cette vieille diesel, bannissant la rapidité d'un Shinkansen sans âme...

On laisse de côté les fantômes de Yuki-ko et la neige blanche de la gare désaffectée, pour la province de Chiba avec « La lettre d'amour ». Seconde nouvelle, aussi courte que la première mais tout aussi émouvante.

Goro est un petit malfrat, pas vraiment méchant mais qui trafique un peu avec la mafia locale pour gagner un peu d'argent. Sortant à peine de prison, la police lui apprend la mort de sa femme... ? ? ? Goro avait oublié simplement qu'un jour il avait été marié, du moins avait-il seulement signé le contrat de mariage sans même voir sa promise, une prostituée chinoise « importée » par son yakusa de patron, et pour qui ce papier signifiait un emploi tranquille dans la petite province de Chiba. Sur place, il découvre que « sa femme » l'aimait tendrement et lui avait écrit une lettre d'amour... Ainsi, Goro va devoir faire le deuil d'une femme qu'il ignorait tout jusqu'à sa mort. Ce deuil l'éprouvera plus que prévu, et le verra même fondre en larme comme le lecteur attentif et ému que je suis. Snif... Snif...
Lien : http://leranchsansnom.free.fr/
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Lorsque je suis tombée sur ce titre il y'a de cela quelques temps, j'étais déjà amoureuse du titre, de la couverture, du nom de l'auteur, de la quatrième de couverture. Mais j'ai toujours un doute lorsqu'il s'agit de lire des nouvelles : j'ai toujours une minuscule appréhension. Et je ne sais pas pourquoi. Elle n'a pas lieu d'être, cette appréhension. Car au final, lorsque je m'engage dans la lecture de nouvelles je suis très, très rarement déçue. Et preuve en est, ces deux nouvelles d'Asada Jirô sont particulièrement savoureuses et imaginatives.

Je ne m'attendais d'ailleurs pas à ressentir un tel bouleversement émotionnel en 79 pages. A la lecture de la première nouvelle intitulée 'Le Cheminot', je me suis retrouvée au beau milieu du Japon, dans une gare. Quelque chose de métaphorique ? Oui, mais plus que cela. L'auteur nous livre l'histoire de la vie banale d'un cheminot proche de la retraite, veuf, et dont la fille est morte il y'a très longtemps. Proche d'une chronique sociale de moeurs à la russe comme chez Dostojevski ou Gogol mais dans un décor épuré, sobre, modeste, mais non dénué de symboles, Asada Jirô apporte des éléments fantastiques, des petites touches de magie, des fantômes apparaissent, brièvement, et des phrases comme ça, vous sautent aux yeux et au coeur :

"Non, moi, je ne suis qu'un cheminot. Pour un malheur personnel, je n'ai pas le droit de pleurer."

Et puis, cette nouvelle, si elle aurait pu se vautrer dans le pathos, dérive doucement vers la mélancolie, les nuits d'hiver. Une larme se pose forcément sur la joue du lecteur. J'ai relu deux fois la fin de la nouvelle parce que je ne m'y attendais pas, à cette fin douce et brutale à la fois.

Quant à la seconde nouvelle, 'Une Lettre d'amour', je ne l'ai pas moins appréciée, je l'ai trouvée très belle, de nouveau sur une question de société difficile à exprimer dans une si courte prose. J'ai été très émue par une simple lettre, quelques mots posés là, comme ça.

De ces deux nouvelles on peut dire deux choses : l'auteur a la capacité, en deux textes, de nous emporter, de nous faire vibrer d'émotions, avec de la poésie, des fantômes, des coeurs tendres, et puis surtout, il a l'incroyable talent de nous décrire le Japon d'une façon si belle, minimaliste, et poétique, que vous ne tarderez pas à crier au chef d'oeuvre de la littérature japonaise !
Lien : http://www.unefrancaisedansl..
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C'est la nuit du réveillon dans une petite gare quelque part en Hokkaïdo.
Le chef de gare est proche de la retraite comme le train qu'il accueille chaque jour depuis quarante cinq ans.
Et cette nuit, une tempête de neige fera resurgir des souvenirs.
Petit livre très sobre, très beau!
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J'ai lu avec plaisir ces deux nouvelles : le cheminot et Lettre d'amour.
La première se déroule sur une ligne de chemin de fer bientôt destinée à fermer. L'autre fait une incursion dans le monde de la mafia.
Deux nouvelles pleines d'émotion et de poésie autour de la mort.
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