Je découvre
Pieter Aspe avec son 4e roman mettant en scène le commissaire van In. Il nous entraîne dans le Bruges des années nonante où semble sévir une secte satanique. Déjà angoissé par la naissance imminente de son premier enfant, Pieter van In doit en plus accepter à ses côtés une journaliste que lui impose sa hiérarchie. Tout cela le rend vraiment irritable d'autant que l'enquête piétine.
Plongeant dans la vie de la bourgeoisie brugeoise avec laquelle il ne semble pas très à l'aise, van In se rend vite compte que derrière la façade rutilante, le décor est loin d'être parfait. Mensonge, manipulation, trahison semblent en effet le quotidien de ce milieu que l'auteur n'hésite pas à égratigner au passage.
Pieter Aspe est né à Bruges où il a longtemps vécu et s'est donc servi tout naturellement de ce merveilleux décor pour situer l'action de ses romans. Ecrivain belge de langue flamande, né en 1953, il se consacre à l'écriture depuis 1995. Dans son roman, il mêle avec doigté un suspense de facture classique, la description de la ville de Bruges, personnage à part entière, et la vie d'un commissariat avec ses amitiés, ses coups de gueule et ses rivalités. Son personnage principal, toujours flanqué de son brigadier et ami Versavel, est compétent, généreux mais irascible, jaloux et cynique. Amateur de Duvel, il n'hésite pas à en boire quatre ou cinq sur la journée tout en enquêtant. Les deux policiers, qui s'entendent comme larrons en foire entrainent le lecteur dans tous les estaminets de Bruges, de la rue de Jérusalem à l'impasse du Poisson Gras lui offrant par là même une visite guidée de la ville. Dotés d'un humour caustique, les réparties des deux hommes sont piquantes et vives et cela m'a souvent fait sourire.
Non seulement la psychologie des personnages est parfaite mais en plus
Pieter Aspe parle vrai. Ancrant son récit dans l'Histoire de la Belgique et son actualité, il n'hésite pas à évoquer les conflits ouverts entre police et gendarmerie (la réforme des polices n'a pas encore eu lieu) l'accident du Hérald of Free Enterprise dans le port de Zeebruges ou à se moquer de l'architecture du palais de justice de Bruges, véritable labyrinthe, dont l'architecte aurait dit selon Aspe « qu'il avait tenté de donner corps au concept de jurisprudence. Les avocats brugeois erraient donc dans les couloirs comme des âmes en peine avant de plaider la prescription de leur affaire. »
Au fil du récit, on sent également l'amour qu'il porte à sa ville natale et il n'hésite pas à mettre dans la bouche de son personnage ce qu'il déplore lui-même : que le centre ville se soit vidé de ses habitants en raison du coût de l'immobilier et de l'afflux massif de touristes. Comparant à plusieurs reprises la ville de son enfance et celle qu'elle est au moment de la rédaction, on perçoit sa nostalgie d'une époque où les relations de voisinage étaient plus spontanées et la vie plus simple même si elle n'en était pas moins dure.
Bref, la découverte de cet auteur ne m'a pas déçue et son roman aux multiples rebondissements m'a fait passer un bon moment. Je pense que je poursuivrai mon incursion dans son univers ne serait-ce que pour apprendre ce que deviennent ses personnages.