Avec une écriture incisive, sans faire de détours, l'auteur nous livre ici une histoire qui aborde un sujet sensible : le suicide. Tess n'a que onze ans quand son père décide de mettre fin à ses jours à coup de fusil. D'une certaine façon, ce traumatisme résonne comme un deuil en elle et la jeune fille doit en franchir les diverses étapes :
Tess refuse d'abord de voir la vérité en face et le déni s'installe. Comment son père, qui déteste les armes, a pu s'en servir pour mettre fin à ses jours ? Pourquoi est-il parti dans les bois avec le chien, son fidèle compagnon l'épaulant dans ses derniers instants ? Les doutes mêlés à l'incompréhension submergent sa fille qui regrette d'avoir fait semblant de dormir quand son père lui a dit au revoir. Aussi, lorsqu'elle découvre le corps rachitique de son géniteur à l'hôpital, elle n'ose pas y croire et ne reconnait pas son apparence dénuée de l'étincelle de vie qui l'animait autrefois. Pourtant, tout atteste de son identité : le bracelet qu'elle lui a offert, son tatouage…
Puis vient la rage, à l'égard de son père mais aussi de ses camarades de classe. Tout le monde la considère comme "
la fille du monstre", la progéniture d'un suicidé qui porte les stigmates de son geste sur son corps meurtri. le comportement de Tess devient de plus en plus violent, insolent, et elle leur souhaite de connaître le même désespoir qu'elle. Même sa mère est physiquement là, mais absente, et elle ne la voit plus, trop préoccupée par le sort de son ex mari. Quand ses parents décident de se débarrasser du chien, de son chien à elle, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Tess réalise que son père sera toujours considéré comme la victime et qu'elle ne peut exprimer son sentiment d'indignation au risque de passer pour une sans coeur égoïste. Finalement, n'est-ce pas elle le monstre, celle qui rejette son père à cause des préjugés véhiculés par la société ? Tess décide alors de couper les ponts avec lui, car elle ne veut plus être associée ni à son nom ni à son apparence estropiée. Peu importe la nature de ses futures études, tout ce qu'elle souhaite c'est mener sa vie loin de lui.
Néanmoins, Tess grandit et, les années passant, elle reprend contact avec son père. Si d'abord elle peine à assumer le lien qui les unit, elle va pourtant franchir la dernière étape : l'acceptation. A partir de là, elle peut enfin revendiquer son identité, liée à l'histoire de son père, et ose le présenter à sa meilleure amie Isabelle. Grâce à elle, elle prend conscience qu'il n'y a pas de honte à avoir, mais qu'elle devait plutôt être fière de ses racines, d'avoir sa famille encore en vie. L'humiliation qu'elle a pu subir fait partie du passé, elle peut désormais tourner la page et reconstruire sa relation avec son père, en commençant par lui présenter son petit ami.
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