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3,47

sur 125 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"Personne" est un livre, magnifique et poignant, sur une femme (l'auteur du livre) qui part à la recherche de l'identité de son père qui vient de mourir, un père avocat et professeur de droit dont la vie a été marquée par la "mélancolie" et des périodes de démence (vraisemblablement ce qu'on appelle aujourd'hui des troubles biplaires) qui l'ont contraint à quitter son travail, à perdre la plupart de ses relations, à s'éloigner de ses deux filles et à vivre sur la fin de sa vie presque comme un clochard. Pour ce faire, l'auteur s'appuie sur ses souvenirs, quelques photos et aussi un texte autobiographique que son père à laissé à sa fille avec l'expression "à romancer" comme simple – et étrange – consigne. Lourd héritage. Gwenaëlle Aubry a choisi de parler de cet homme insaisissable, en perpétuelle fuite, en parcourant l'alphabet avec pour chacune des 26 lettres un mot, commençant par cette lettre et donnant la thématique du récit à suivre. Tout dans ce texte est extrêmement subtil, intelligent, sensible.

En recueillant patiemment les fragments de la vie de son père qu'elle est parvenue à déchiffrer, en cherchant à décrire, avec beaucoup d'humilité, les divers masques (ou "persona") dont il s'affublait, Gwenaëlle Aubry parvient à reconstituer une sorte de portrait (plus cubiste qu’impressionniste) de cet homme, et à donner, à défaut d'une cohérence, une présence à cette "personne" qui, tel le Zelig de Woody Allen, réfutant toute identité stable, passait son temps à emprunter les identités des autres. L'auteur, qui est philosophe de métier, nous laisse ici une leçon de philosophie, et donc de vie, dénuée de tout jargon et au plus près des choses qu'elle et son père ont vécues. C'est aussi une très belle leçon d'écriture, où les non-dits résonnent autant que ce qui est dit, où la forme épouse magnifiquement le sujet.

Delphine de Vigan m'avait fortement impressionné par le livre qu'elle avait écrit sur la maladie maniaco-dépressive de sa mère ("Rien ne s'oppose à la nuit"). Gwenaëlle Aubry, par ce livre plus concentré et de ce fait, peut-être encore plus percutant et perturbant, m'a tout simplement ébloui.
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Comment parler d'un père qu'on a très peu connu, dont la vie est longtemps restée pour vous un mystère ? Ange ? Démon ? le maudire ? Lui pardonner ? La narratrice a choisi la voie d'un dialogue imaginaire, alternant ses propres souvenirs avec les notes écrites au fil du temps par ce père absent, retrouvées dans ses affaires après sa mort. Chaque chapitre prend pour titre un personnage (au hasard : Jean-Pierre Léaud, Dustin Hoffman, un flic, un clown) auquel le père a pu ressembler au cours de ses métamorphoses. Fragile, il avait pourtant tout pour lui, l'intelligence, la beauté, celle du corps et celle du coeur, mais il était habité par un constant mal de vivre, sans jamais la petite étincelle qui vous rend heureux d'exister et vous permet d'aimer. Ses périodes "fastes", ses amours et ses métiers, entre séjours psychiatriques et clochardise, n'ont jamais été que des faux-semblants, des tentatives désespérées pour exister aux yeux des autres, de ses enfants en premier. Remarquablement bien écrit, ce court roman vous prend à la gorge, et la communion est totale avec les deux personnages. On souffre, on rit avec eux. Que demander de plus à un roman ?
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Dans son roman « Personne », Gwenaëlle Aubry, parle de quelqu'un qui lui est cher, son père, professeur de droit à la Sorbonne, devenu profondément mélancolique, ainsi qu'on qualifiait, jadis, le malade mental. Sujet délicat : La mort du père et la mort de la mère sont les Charybde et Scylla de toute littérature autobiographique. Ils sont aussi la douleur intime, indicible, de chacun, le moment venu. Pour ce qui est de la folie, la psychanalyse investit la place, même lorsqu'il s'agit d'un juriste, depuis la célèbre étude, par Freud, du cas du président Schreber. Pourquoi le livre de Gwenaëlle Aubry est-il si bouleversant ?

Il ne s'agit pas d'un récit, mais d'une mosaïque, abécédaire, aux 26 entrées, comme autant d'éclats du disparu à la personnalité éclatée. Non pas hagiographie, mais instantanés de souvenirs qui disent autant sur le père que sur la fille, du désarroi de l'un, de la douleur de l'autre, comme du bonheur d'avoir été ensemble. François Xavier Aubry, avant de mourir, avait laissé un texte, « le mouton noir mélancolique », à romancer, ajoutait-il. Il s'y montrait multiple et fantasque, agent secret, vagabond, clown, loin des rigueurs de la loi qu'il enseignait pourtant, mais de plus en plus difficilement, entre ses séjours à l'hôpital.

L'art de l'auteur est de glisser son propre texte autour de celui de son père, comme le métal sertit la pierre, avec élégance et précision. Ainsi prennent forme les fragments d'un récit, dans une polyphonie précieuse et délicate, bouleversante par la douleur contenue derrière les cocasseries du père excentrique et fracassé.
Balzac raconte, dans un roman sur la folie qui atteint son héros (Louis Lambert), comment le philosophe Plotin, « séparé de son disciple Porphyre, avait senti l'intention où était celui-ci de se tuer et était accouru pour l'en empêcher ».

Gwenaëlle Aubry est aussi une philosophe connue, justement spécialiste de Plotin. A l'instar du maître, elle fait revenir, scintillant des mille facettes de sa vie, celui que ni elle, ni personne, n'a pu empêcher de partir.

Lien : http://diacritiques.blogspot..
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Vraiment un texte émouvant, une forme littéraire originale et plaisante qui n'arrive pas tout à fait à épuiser le personnage et sa folie. Difficile de faire le tour d'un homme aux multiples facettes, comme 26 lettres de l'alphabet. un livre juste et beau.
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