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Citations sur Personne (65)

Quand j’ai appris que masque en latin se dit persona, j’ai aussitôt pensé à lui. Un instant j’ai cru comprendre son anxiété des codes, de l’ordre, des hiérarchies. S’il s’escrimait ainsi à jouer les grandes personnes, c’est peut-être que sous son masque, il n’y avait personne : et ce « personne »-là, ce n’était pas l’anonymat salvateur et rusé d’Ulysse mais un vide, une béance. S’il avait tombé le masque, alors on se serait peut-être aperçu que le roi est nu. J’ai vu mon père ainsi, dénudé, détrôné, tombé, mon père devenu rien et rien que rien, mon père vidé de l’abcès d’être quelqu’un.
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Quand je disais « mon père » cette année-là, les mots tenaient bon, je ne sais pas comment le dire autrement, j’avais l’impression de parler la même langue que les autres, d’habiter un monde commun (alors que d’ordinaire, prononçant ces deux mots, je voyais s’ouvrir un écart infranchissable …… « mon père » c'est-à-dire mon délire, ma détresse, mon dément, mon deuil, mon disparu).
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On ne perd pas un père, encore moins un père qui était, ou qui s'était, lui-même perdu. C'est de son vivant, peut-être, qu'on l'avait perdu, qu'on ne savait plus qui il était, où il était. A présent qu'il est mort, on réunit ce qu'il a laissé, miettes et cailloux semés dans les forêts de son angoisse, trésors et épaves, on construit le vide, on sculpte l'absence, on cherche une forme pour ce qui, en nous, demeure de lui, et qui a toujours été la tentation de l'informe, la menace du chaos, on cherche des mots pour ce qui, toujours, a été en nous la part secrète, la part muette, un corps de mots pour celui qui n'a pas de tombe, un château de présence pour protéger son absence. (p. 20)
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Il faut accepter sa fragilité. Hélas les idées pirates du passé reviennent parfois à l'improviste
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Tout homme porte une terre promise, une terre où peut-être ses pas ne le conduiront jamais, à laquelle nulle histoire, nulle origine ne l'enracine, dont certains rêves, seulement, parfois, lui apportent la couleur, le parfum (ceux dont on se réveille intègre, vierge, apaisé, avec le sentiment d'avoir eu en partage une vie d'essence plus haute, sans heurts ni secrets, baignée de transparence), une terre à laquelle, si par hasard il la touche un jour sans avoir su avant la reconnaître ni la nommer, il sait qu'il appartient, dont la lumière, le relief sont les siens, où il peut sans entrave se mouvoir, respirer, dont les pierres, les arbres, la langue le charment et le libèrent comme si lui-même, dans un passé immémorial, avait parlé cette langue, été l'un de ces arbres, l'une de ces pierres, et c'est alors comme si la vie d'avant, la vie d'ailleurs, glissait de lui, le laissant nu, natif, lustré, tout ce temps perdu ailleurs, à s'agiter, à grimacer, alors que rien ne compte que d'être ici, à vivre, regarder, respirer, ici où le temps ne passe plus, ou passe sans histoire, ni dates, ni années car c'est le lieu d'un passé sans mémoire mais dont le corps est tissé, c'est si simple finalement, ce lieu il suffirait d'y rester, cette terre de s'y ancrer, pourquoi revenir ?
Cette terre, pour mon père, était au-delà des mers, elle avait le relief de la Kabylie, la lumière du Maroc et de l'Algérie, la blancheur du désert.
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…comme si, après toutes ces années, au seuil de sa nuit, il avait appris à jouer avec l’ombre en lui, renoncé à « faire comme tout le monde », à faire comme si, accepté cette figure imposée, ce portrait de lui en brebis galeuse, en bouc émissaire, en mouton à cinq pattes, que sais-je encore, accueilli sa folie et trouvé par là le désir et l’espoir de ne plus en souffrir, seul, toujours, différent, encore, mais apaisé
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Je n’arrivais pas à rester assise en face de lui, à être là, simplement, avec lui, il était déjà comme dissipé dans la fatigue, l’énervement, le brouhaha. Peut-être a-t-il pensé, ce jour-là, que je l’aimerais mieux mort que vivant. Il nous a accompagnées jusqu’à la porte du cimetière dans la lumière nuageuse et plombée. À aucun moment je n’ai compris que c’était nous qui étions en train de l’accompagner. Je l’ai embrassé tendrement pour me faire pardonner ma mauvaise humeur. Je ne l’ai pas regardé s’éloigner.
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Et s’il est bien des images que j’ai appris à regarder, d’autres encore que je m’efforce, à tâtons, de déchiffrer, j’ai peine à soutenir le regard de l’enfant qui fut mon père, s’il est bien des choses que je tente de comprendre, que j’ai appris à accepter, je ne peux me résoudre à cette promesse irrémédiablement manquée, à ce qui a fait défaut à cet enfant, à ce qui, à jamais, n’aura pas comblé son attente, sa grande attente muette et confiante, et ainsi je voudrais, moi aussi, ranger les images à rebours, abolir le double espace de nos vies décalées, trouver dans sa mort cela qui annule le temps, passer à travers le mort pour retrouver l’enfant, rejoindre cet enfant au regard désespérément confiant, l’accompagner, le protéger.
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Tout homme porte en lui un terre promise, une terre où ses pas ne le conduiront jamais, à laquelle nulle histoire, nulle origine ne l'enracine, dont certains rêves, seulement, parfois, lui apportent la couleur, le parfum,...une terre à laquelle, si par hasard il la touche un jour sans avoir su avant la reconnaitre ni la nommer, il sait qu'il appartient, dont la lumière, le relief sont les siens, où il peut sans entraves se mouvoir, respirer, dont les pierres, les arbres, la langue le charment et le libèrent comme si lui-même, dans un passé immémorial, avait parlé cette langue, été l'un de ces arbres, l'une de ces pierres, et c'est alors comme si la vie d'avant, la vie ailleurs, glissait de lui, le laissant nu, natif, lustré, tout ce temps perdu ailleurs, à s'agiter, à grimacer, alors que rien ne compte que d'être ici, à vivre, regarder, respirer, ici où le temps ne passe plus, ou passe sans histoire, ni dates, ni années, car c'est le lieu d'un passé sans mémoire mais dont le corps est tissé, c'est si simple finalement, ce lieu il suffirait d'y rester, cette terre de s'y encrer, pourquoi revenir ?
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On ne perd pas un père,encore moins un père qui était,ou qui s'était,lui-même perdu.
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