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En guise de préliminaires à cette lecture, la photo de Mimmo Jodice (Neapolis, 1986) sur le bandeau, les fameuses céramiques de Bernard Palissy évoquées page 62 et la chanson de Nina Simone, Wild is the wind (Sauvage est le vent), en toile fond sonore (p. 54-55) : Love me, love me, love me, say you do (Aime-moi, aime-moi, aime-moi, dis que tu m'aimes)/Let me fly away with you (Laisse-moi voler avec toi)/For my love is like the wind (Car mon amour est comme le vent)/And wild is the wind (Sauvage est le vent), etc.

C'est un roman sur l'amour et la mort qu'écrit ici avec finesse, élégance et sensibilité Patrick Autréaux. Il utilise la troisième personne du singulier pour nous narrer l'histoire de Solal, depuis ses études en médecine et jusqu'aux premières années d'internat, autant dire cette décennie particulière :
« Pendant une large décennie bordée en amont par la célébration d'un bicentenaire et ces révolutions qui firent tomber le bloc de l'Est, et en aval par la chute de deux colonnes américaines, accueillie par les youyous de joie des uns et la désolation plus ou moins effrayée des autres, on aura répété, et certains se seront laissés aller à cette douceâtre illusion qui tient pourtant du roman d'anticipation, que l'Histoire venait d'entrevoir sa fin, c'est-à-dire que nous étions entrés dans la phase ultime de l'harmonisation mondiale et que devant nous, vers l'éternité, s'étalait son fécond et serein delta. » (p. 17)

Solal est ainsi décrit : « Coupe au bol, silhouette de kangourou, c'était un grand type qu'étonnaient la passivité des carabins et leur indifférence devant ce qui était en train de bouleverser l'Europe » (p. 16). Il a écrit et publié des poèmes, et apprécie Théophile Gautier au point d'en lire un poème lors de l'enterrement de son ami Schull. « Son rapport à l'Histoire, c'est ce que Solal s'était mis à interroger depuis qu'il avait rencontré Schull » ; « pouvait-on être concerné, intimement concerné, pas quelque chose qui ne nous touchait que par les infos, par des images ? »(p. 107)

Le romancier nomme de façon très pertinente, selon moi, la quête initiatique de Solal : « la liberté de voir par soi-même, c'est-à-dire d'échapper à tout ce qu'on apprend, mais une fois qu'on l'a appris. » (p. 12)

La poésie de la chair et de l'âme sous toutes leurs coutures et sutures ! Elle se manifeste surtout la nuit, quand la parole se délivre des turpitudes de la vie quotidienne. le silence retombe et l'histoire se termine de « façon heureuse » (p. 172) car « l'Histoire vient de reprendre son cours au rythme de cet étrange tocsin qu'ont été les images d'effondrement vues en boucle par le monde entier » (p. 173).
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Sans Masse critique, je serais totalement passée à côté de ce livre publié chez Verdier. Et je me serais privée d'un passage sublime concernant une chanteuse que je vénère, Nina Simone.
Tout un chapitre est construit autour d'une chanson : Wild is the wind.Un souvenir d'un soir où Solal fait écouter ce morceau à son amant Simon. Où il lui parle du son des magnolias alors que c'est celui des mandolines. Ce chapitre pourrait être une nouvelle à lui tout seul. Ce chapitre a suffit à me convaincre que j'avais entre les mains un très beau livre. Parce qu'une chanson dit bien plus que ce que l'on entend.
C'est un roman sensible, poétique, finement écrit. On suit Solal de la chute du mur de Berlin à celle des Twin Towers, un futur médecin, idéaliste, qui va comprendre au fil du temps qu'il peut seulement faire de son mieux. Solal aime Simon, puis Lou, mais pas comme elle le voudrait, Solal ne comprend pas ses parents mais rencontre Schull, un vieil homme qui deviendra son ami.
C'est un livre beaucoup moins social que ce que la quatrième de couverture peut laisser croire, le résumé est trompeur et c'est un peu au détriment du texte. Car ici on entre dans la littérature de l'intime, et cela demande du temps de lecture et du calme. Et une bande-son appropriée. Pourquoi pas la voix si émouvante de Nina Simone ?
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« le jour qui précédait chaque garde enflait en lui ce qu'il fallait dépasser, ce qui va survenir et qu'on ignore, ces formes qui en silence ou avec fracas sortent de l'après-midi finissant ou du soir, parfois du soleil à son coucher (c'est à cette heure-là que l'angoisse est la plus grande). Et ce qui grossissait ressemblait à la déesse souterraine que Schull avait longtemps conservée non loin de lui et qui se tenait désormais sur le rebord de la bibliothèque chez Solal. Curieuse idole achetée quarante ans plus tôt sur un marché, c'était une pelote de débris et de terre rouge qui tenait entre deux moignons une curieuse silhouette de vide, comme un enfant, une offrande ou un protégé invisible. Ce petit rien, c'est moi la nuit disait Schull. »
Quand la parole attend la nuit, Patrick Autréaux (Verdier), p.125
Une déesse, vieille idole africaine, de terre, bois et chiffons, dressée au bord d'une bibliothèque, comme une mère protectrice, et qui semble ici dicter son destin au personnage… Magnifique image !, au coeur du livre de Patrick Autréaux, roman d'une initiation au monde et à l'amour, récit qui rouvre aussi pour mieux le creuser le sillon du « Soigner » (titre d'un précédent livre de l'écrivain, superbe petit opuscule dans la collection L'un et l'autre, Gallimard, 2010), de ce geste souverain et qui offre à qui l'accomplit, ici le jeune Solal, pratiquant son métier d'infirmier pour mieux apprendre à devenir médecin, un espace plus grand que son petit ego, l'horizon infini des autruis… Roman plein de joyeux clins d'oeil – Solal… , Albert Cohen l'aimerait également celui-là !, Schull… -, traversée de l'intimité profonde d'un homme fragile, on y entend surtout, la retrouvant avec quelle joie, la voix unique de l'écrivain, cette « parole » peut-être issue de la nuit, portant vers nous des mots d'une rare sensibilité, éveillant de frissons nos esprits. Bonheur d'Autréaux, comme un bain de jouvence, n'hésitons pas à y plonger !
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Au travers de Solal, son alter ego, l'auteur médite sur l'amour et le corps souffrant. L'impossible amour, jamais reçu par l'enfant non désiré, jamais satisfait par Simon qui l'a initié, jamais rassasié par le vagabondage au temps périlleux du SIDA. L'amour naïf offert par Lou qui tarde à comprendre que Solal n'est pas attiré par les femmes. Solal prépare les concours puis travaille dans un service d'urgences psychiatriques. L'introspection minutieuse le prépare à la vision du corps souffrant, à l'écoute d'une raison déviante, au rôle d'acteur et de spectateur d'une bientraitance maladroite, bien vite débordée.

« Il serait heureux que puisse ici s'écrire un roman d'apprentissage ou que Solal prenne les traits juvéniles des héros de quelque saga initiatique, ceux d'un jeune homme enfin prêt à participer au salut de l'humanité souffrante » (p 60). L'impossible roman, morcelé, hésitant, est servi par une écriture sincère où le récit est coupé de poèmes. Les images sont rocailleuses (« Il n'y a que ce ciel sang de poulet qui tonitrue désormais. Couleur plus sonore que n'importe quel cri. Solal pourrait hurler et écouter l'écho escalader à toute allure les étages du puits au fond duquel parvient un peu de lumière » p 12). La réflexion est parfois laborieuse, n'est pas Proust qui veut : « Car que sent-on, que voit-on quand on s'interroge sur ce qu'a laissé un être aimé ? le plus souvent sous le projecteur trop fort de la conscience, de la volonté de percevoir, on ne fait qu'aplanir tout relief et constater que ce miroir au-dedans de soi ne porte plus qu'une infime rayure, moins qu'un cheveu, dont le gommage ne déforme même pas le portrait qu'on se fait de soi, juste un filament évanescent et l'impression d'une trace de poussière. de la poussière, voilà ce que nous laissent certains examens de conscience rétrospectifs. On s'efforce de regarder à la loupe, mais ça ne rend rien, aucune image qui bouleverse ou nous gêne, seulement le peep-show du passé et notre reflet absent dans la nostalgie vague qui flotte » (p 118).
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Une voix intime.
Qui demande une lecture attentive ; les images filées sont parfois longues, très longues, mais nous entraînent à une replis intérieur.
J'y ai lu une réflexion sur la fragilité des amours, leur complexité, leur silence : leur irréalité ?
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Essai intimiste entre prose et poésie qui entremêle des réflexions sur l'amour et et la souffrance
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