En son style « exact comme l'algèbre, coloré comme la poésie, » le premier Consul écrivait à Bernardin de Saint-Pierre : « Votre plume est un pinceau. »
Ce compliment, qui est en même temps un jugement suprême, s'applique en toute justice et en toute justesse à Félicien David. En effet, l'auteur du Désert, de Christophe Colomb, de Moïse au Sindi, de l'Eden, de la Perle du Brésil, d' Herculanum et de Lalla-Roukh, des mélodies, des quintettes, des trios et des symphonies, est surtout un grand peintre. Son génie se plaît et se délecte dans la contemplation et la description de la nature et des choses. Le choc des passions humaines, les événements de la vie, les déchirements du coeur, le drame, en un mot, ne va jamais ou presque jamais dans ses oeuvres sans les circonstances extérieures qui doivent l'environner, sans le milieu où il s'agite; le pays, le climat, la saison, le temps qu'il fait, l'heure qu'il est, les fleurs, les oiseaux, les insectes, il veut que tout y soit, et tout y est. Son esthétique entière peut se résumer ainsi : le drame dans le paysage, et, au besoin, le paysage sans le drame.
Sa vie est un roman. A la vue de cet homme, qui, à travers la vie la plus aventureuse, devient un musicien de génie, vous sentirez combien l'éducation des écoles est incomplète, et combien le spectacle de la nature et la rude expérience du monde... sont féconds et inspirateurs...
L'étude ne suffit pas pour développer les germes du talent original ; c'est la vie entière qu'il faut, une vie exercée par des passions, des combats, des épreuves....