Tu le sais peut-être, ami-lecteur, mais je ne me précipite pas vraiment sur les partenariats. Il existe deux raisons à ce manque d'empressement… Déjà, je ne suis qu'une lectrice, pas une diplomate, il est donc hors de question que je brade mes avis pour plaire à telle ou telle maison d'édition. Ensuite, et surtout, je refuse de plonger dans des bouquins qui ne m'intéressent pas. Au départ d'un livre envoyé contre mon avis, il y a forcément une envie de mon côté, une curiosité, un élan. C'est pour cela que les opérations Masse critique sur Babelio me plaisent tant. À cette occasion, on choisit les ouvrages qui nous intéressent, au risque, bien sûr, de ne pas être sélectionné.
Pourquoi ce désir de découvrir
Une si longue Lettre ? Deux aspects de ce court roman m'interpellaient dont son appartenance à la littérature sénégalaise. Or je connais peu, voire pas du tout, la littérature africaine, et la Sénégalaise encore moins. Et quoi de mieux que de voyager grâce à la lecture ? Ensuite, et c'est l'élément qui a fini par me décider – tellement que si je n'avais pas été choisie, j'avais prévu d'acheter le roman -, c'est la thématique d'
Une si longue Lettre. Parce que madame Bâ a milité pour le droit des femmes et que son oeuvre aborde justement celle-ci. Comment, dès lors, ne pas succomber à cette tentation ?
Les 171 pages d'
Une si longue Lettre se savourent, comme un trésor de la langue. Car oui, avant même d'aborder le fond, prenons un instant, ami-lecteur, pour évoquer la forme. Car la plume de l'autrice est très belle, précise, riche et rythmée. Les romans épistolaires, surtout quand il s'agit, comme ici, d'une seule missive, restent une prise de risque. Comment ne pas ennuyer les lecteur-rices ? Comment ne pas tomber dans la platitude ? Madame Bâ y parvient avec brio et je n'ai pas vu le temps passer, attachée très vite à l'héroïne, Ramatoulaye. Cette veuve, mère de 12 enfants, qui profite de son veuvage pour revenir sur sa vie, sur son mariage, ses espérances et ses douleurs, je l'ai aimée dès les premières lignes.
Je crois que ce qui m'a le plus touchée chez ce personnage, c'est qu'elle ne soit pas un exemple utopique de littérature féministe. Elle n'est pas vraiment militante, elle n'est pas du tout libérée, bien qu'elle travaille et possède des opinions politiques et sociétales affermies. Quand son époux, depuis vingt-cinq ans, prend une seconde épouse, elle choisit de céder, malgré sa souffrance. Néanmoins, Ramatoulaye se révolte, à sa manière et avec lucidité :
"Ma voix connaît trente années de silence, trente années de brimades. Elle éclate, violente, tantôt sarcastique, tantôt méprisante." (page 112)
Cette conscience, celle du silence auquel elle a dû se plier, ne l'empêche pas de garder une vision traditionnelle du mariage, basé sur le don et le sacrifice :
« Tu oublies que j'ai un coeur, une raison, que je ne suis pas un objet que l'on se passe de main en main. Tu ignores ce que se marier signifie pour moi : c'est un acte de foi et d'amour, un don total de soi à l'être que l'on a choisi et qui vous a choisi. » (page 112)
Au fil d'
Une si longue Lettre, on découvre la vie de son héroïne, d'étudiante sérieuse à celle de femme si seule et si forte, en passant par la jeune épouse et la mère. Un portrait de femme qui esquisse, par petites touches, celui d'une société prise entre les traditions et la modernité, prise entre la nostalgie et les espoirs d'une indépendance toute jeune. Un petit bijou.
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