Le feu enfermé dans le foyer fut sans doute pour l'homme le premier sujet de rêverie, le symbole du repos, l'invitation au repos.
La conquête du superflu donne une excitation spirituelle plus grande que la conquête du nécessaire. L'homme est une création du désir, non pas une création du besoin.
En vérité, le feu fut surpris en nous avant d'être arraché du Ciel.
On ne peut étudier que ce qu'on a d'abord rêvé. La science se forme plutôt sur une rêverie que sur une expérience et il faut bien des expériences pour effacer les brumes du songe.
Les axes de la poésie et de la science sont d'abord inverses. Tout ce que peut espérer la philosophie, c'est de rendre la poésie et la science complémentaires, de les unir comme deux contraires bien faits. Il faut donc opposer à l'esprit poétique expansif, l'esprit scientifique taciturne pour lequel l'antipathie préalable est une saine précaution.
Le rêve chemine liénairement, oubliant son chemin en courant. la rêverie travaille en étoile. Elle revient à son centre pour lancer de nouveaux rayons.
Par le feu tout change. Quand on veut que tout change on appelle le feu. Le premier phénomène, c'est non seulement le phénomène du feu contemplé, en une heure oisive, dans sa vie et dans son éclat, c'est le phénomène par le feu. Le phénomène par le feu est le plus sensible de tous ; c'est celui qu'il faut le mieux surveiller ; il faut l'activer ou le ralentir ; il faut saisir le point de feu qui marque une substance comme l'instant d'amour qui marque une existence.
Comme toute richesse, le feu est rêvé dans sa concentration. On veut l'enfermer dans un petit espace pour mieux le garder. Tout un type de rêverie nous ramène à la méditation du concentré. C'est la revanche du petit sur le grand, du caché sur le manifeste. Pour nourrir une rêverie de ce genre, un esprit préscientifique fait converger, comme nous venons de le voir, les images les plus hétéroclites, l'homme brun et le canon.
La lumière joue et rit à la surface des choses, mais seule, la chaleur pénètre.[...]
Ce besoin de pénétrer, d'aller à l'intérieur des choses, à l'intérieur des êtres, est une séduction de l'intuition, de la chaleur intime. Où l'oeil ne va pas, où la main n'entre pas, la chaleur s'insinue. (Il faut ajouter ici qu'on peut parler d'une 'communion par le dedans' et même d'une 'sympathie thermique').
La philosophie peut être mauvaise alors même que les poèmes sont beaux.