Au fond, l'individu n'est déjà qu'une somme d'accidents.
C'est le temps qui est le plus difficile à penser sous forme discontinue.
Si mon être ne prend conscience de soi que dans l'instant présent, comment ne pas voir que l'instant présent est le seul domaine dans lequel la réalité s'éprouve ?
« C’est la vie même et la vie seule qui peut être plus que la vie. La vie nommée. Le langage est un mode d’existence. C’est en lui que se joue la découverte. Il ne reproduit pas le monde, il le produit. Ce qu’il porte n’existe pas en dehors de lui, avant lui. Il ne s’ajoute pas à la vie, il y ajoute. Et c’est la vie et toujours la vie qui en lui s’ajoute à la vie. »
L'habitude est la volonté de commencer à se répéter soi-même.
C'est la pensée qui mène l'être.
Le courage intellectuel, c'est de garder actif et vivant cet instant de la connaissance naissante, d'en faire la source sans cesse jaillissente de notre intuition, et de dessiner, avec l'histoire subjective de nos erreurs et de nos fautes, le modèle objectif d'une vie meilleure et plus claire.
A ce point de notre exposé, si l'on nous demande de marquer avec une étiquette philosophique traditionnelle la doctrine temporelle de M. Roupnel, nous dirions que cette doctrine correspond à un des phénoménismes les plus nets qui soient. Ce serait en effet le caractériser très mal que de dire qu'il n'y a, comme substance, que le temps qui compte pour M. Roupnel, car le temps est toujours pris à la fois dans Siloë comme substance et comme attribut. On s'explique alors cette curieuse trinité sans substance que fait que durée, habitude et progrès sont en perpétuel échange d’effets. Dès qu'on a compris cette parfait équation des trois phénomènes fondamentaux du devenir, on se rend compte qu'il serait injuste d'élever ici une accusation de cercle vicieux. Sans doute, si l'on partait des intuitions communes, on objecterait facilement que la durée ne peut expliquer le progrès puisque le progrès réclame la durée pour se développer et on objecterait encore que l'habitude ne peut actualiser le passé puisque l'être n'a pas le moyen de garder un passé inactif. Mais l'ordre discursif ne prouve rien contre l'unité intuitive qu'on voit s'éclairer en méditant Siloë. Il ne s'agit pas en effet de classer des réalités mais de faire comprendre les phénomènes en les reconstruisant de multiples façons. Comme réalité, il n'y en a qu'une : l'instant. Durée, habitude et progrès ne sont que des groupements d’instants, ce sont les plus simples des phénomènes du temps. Aucun de ces phénomènes ne peut avoir de privilège ontologique. Nous sommes donc libres de lire leur rapport dans les deux directions, de parcourir le cercle qui les relie dans les deux sens.
Pour fortifier un cœur, il faut doubler la passion par la morale, il faut trouver les raisons générales d'aimer.
La joie d'aimer, dans sa nouveauté essentielle, peut surprendre et émerveiller. Mais en la vivant dans sa profondeur, on la vit dans sa simplicité.