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Citations sur Machine de guerre (5)

Mercier n’avait pas recruté Arial Madalena Luiza Jones pour qu’elle emmerde le monde. On l’avait engagée parce qu’elle avait explosé les scores du MX.
Alors, laisse tomber.
Pourtant, ça la dérangeait. Elle avait toujours été curieuse, obsédée par des questions et quand son esprit s’accrochait à quelque chose, c’était difficile de l’en décrocher.
Elle réfléchit, pensa à l’augmenté. Une vérification de routine à succès et Caroa s’était soudain intéressé à elle, lui avait demandé de dérouter les drones, ordonné de rapprocher leurs équipements de l’Atlantique nord des côtes au cas où il aurait besoin de plus de force de frappe.
Elle avait demandé au général quelle compagnie méritait leur attention, qui dirigeait les activités de l’augmenté mais Caroa avait répondu par une rebuffade, dit que ça n’avait pas d’importance.
D’après elle, l’augmenté devait travailler pour une société qui voulait reprendre le marché de la récupération dans les Cités englouties. Lawson & Carlson ou un autre. Mais ça n’avait pas de sens non plus. Les activités d’un unique augmenté dans l’un des innombrables trous à rats sans importance du monde étaient triviales comparées aux genres d’opérations que Caroa menait habituellement. Cet homme envoyait des milliers d’augmentés au combat conquérir de nouveaux territoires, étouffer des rébellions et reprendre des ports d’eau profonde. Caroa organisait les monopoles militaires du commerce maritime du pôle Nord fondu, il ne perdait pas son temps avec un unique augmenté dans une zone de récupération oubliée.
Sauf qu’à présent, il le faisait.
Donc, au lieu de s’inquiéter de savoir si Mercier allait perdre le contrôle de ses mines de lithium au Pérou, Jones s’inquiétait de la survie d’un vaisseau de contrebande de fer blanc venant du trou du cul du monde. Elle retourna à son bureau en fronçant les sourcils. Elle sirotait son expresso avec une grimace en débloquant ses fichiers de recherche.
Des listes de bateaux se déroulèrent sur l’écran, des clippers de classe Mante qui avaient jeté l’ancre dans des dizaines de ports de l’Atlantique, de Reykjavik à Rio de Janeiro. Même les ports les plus proches renfermaient des centaines de navires du même type. Jersey Orleans. Seascape Boston. Mississippi Metro. Récif de Miami. Ils étaient peut-être allés plus loin. Vers Londres ou Lagos. Avec un bateau de classe Mante, le monde entier était à portée de voile. Ils pouvaient tout aussi bien se diriger vers l’île de Shanghai.
Elle étudia les quelques captures d’écran dont elle disposait. Des images lointaines et pixellisées. Elle n’avait pas dirigé le Rapace sur le clipper pendant ses surveillances, il n’y avait donc qu’une petite série de bonnes prises, dix secondes de tournage pour le drone.
Jones repassa les images, se pencha inconsciemment pour regarder l’écran même si cela ne rendait pas les photos plus claires.
Des enfants soldats portant les couleurs de l’augmenté transportaient une cargaison quelconque, de forme étrange. Une jeune femme à la peau et aux cheveux sombres semblait les superviser. Ses traits semblaient venir d’Asie orientale mais n’étaient ni vraiment chinois, ni vraiment japonais, plus africains, en fait. Un mélange de Chinois et des Cités engloutie peut-être ? Une orpheline abandonnée par les casques jaunes qui avaient tenté de remettre de l’ordre dans le coin ?
On aurait dit que la fille était en charge de la cargaison, même si elle n’avait pas l’air plus âgée que Jones. Mais tout le monde dans les Cités englouties était jeune. Les vieux avaient été abattus des années auparavant. Celle-là semblait bien abîmée. Jones essaya d’affiner la résolution de l’image. La fille avait une cicatrice sur une joue qui ressemblait à un insigne de milice. Jones ouvrit ses fichiers de recherche.
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Six mille mètres plus bas s'étalait le Pacifique éclairé par la lune. De sa hauteur, Caroa pouvait presque s'imaginer regarder une planète extraterrestre, des mers de mercure scintillant à ses pieds - un lieu sombre encore à découvrir.
Ce que la Terre était devenue à tout point de vue. Une grande partie du monde avait reculé à la fin de l'ère accélérée, s'était effondrée sous les désastres. Sécheresses et inondations. Ouragans. Epidémies et catastrophes agricoles. La faim et les guerres de réfugiés avaient ravagé la planète et laissé de vastes étendues à la ré-exploraiton humaine.
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– Au sang, murmura le général Caroa. Au sang et à l’histoire.
Et à la fin du cauchemar.
Il leva un verre de cognac vers la vue de la fenêtre de sa salle de commandement.
Six mille mètres plus bas s’étalait le Pacifique éclairé par la lune. De sa hauteur, Caroa pouvait presque s’imaginer regarder une planète extraterrestre, des mers de mercure scintillant à ses pieds – un lieu sombre encore à découvrir.
Ce que la Terre était devenue à tout point de vue. Une grande partie du monde avait reculé à la fin de l’ère accélérée, s’était effondrée sous les désastres. Sécheresses et inondations. Ouragans. Épidémies et catastrophes agricoles. La faim et les guerres de réfugiés avaient ravagé la planète et laissé de vastes étendues à la ré-exploration humaine. Et il avait mené cette charge.
Il avait forgé de nouveaux territoires, réprimé des soulèvements et apporté la force gouvernementale de Mercier à tout ce désordre pendant plus de trois décennies. Sa salle de commandement était grande, comme il convenait à un homme de son rang, décorée des trophées de ses campagnes : un tapis en mémoire de l’offensive nord-africaine pour contrôler le canal de Suez ; une dague taillée dans l’os d’une baleine ramassé après les combats pour les droits sur le Passage du Nord-Ouest. Sur une étagère, des bouteilles de liqueur rappelant les guerres agricoles françaises brillaient au-dessus d’une autre planche couverte de livres imprimés sur du vrai papier, Sun Tzu, Clausewitz et Shakespeare, certains très anciens et d’autant plus luxueux considérant les contraintes de poids et d’espace d’un dirigeable de classe Narval. L’Annapurna pouvait transporter près de cinq mille âmes. Elle demandait un équipage de commandement et d’ingénierie de cinq cents personnes et emmenait un contingent de deux mille marines Raid éclair. Elle possédait des installations de lancement et de drones, des centres logistiques, de renseignement et de commandement sous la direction de Caroa.
L’influence du général s’étendait sur un quart de la planète – les Amériques, de pôle à pôle – depuis ses bureaux, grâce à ses yeux et ses oreilles électroniques liés aux satellites et aux communications avec les troupes et les flottes, selon les désirs de Mercier.
L’écusson de sa première compagnie présentait des augmentés enragés rampant et les mots : Mercier Raid Éclair.
Sous l’image, la phrase qui avait guidé sa carrière était brodée en lettres d’or. Feritas – Fidelitas : Férocité – Fidélité.
Il caressait l’écusson et se demandait si ses cauchemars avaient vraiment pris fin.
Loin sous ses pieds, la côte noire du protectorat CalSud de Mercier s’étendait vers le nord. Il apercevait les ruines piquetées de feux de camp de l’ancienne Los Angeles, accentués par le collier scintillant des tours gratte-ciel de Mercier qui longeaient le bord de la baie.
Il lui avait fallu une vie entière pour arriver aussi haut. Il n’existait quasiment aucun échelon au-dessus de lui dans les rangs de l’entreprise. Tout ce qui lui restait réellement était une promotion au comité exécutif de la société, un directorat au conseil permanent où l’élite de Mercier délibérait sa stratégie depuis l’un des bâtiments les plus hauts de Los Angeles.
S’il devait avoir une promotion, étrangement, il devrait perdre de la hauteur.
Amusé par cette pensée, Caroa rejoignit son bureau et vérifia ses écrans une dernière fois.
Le ComEx s’inquiétait d’accrochages dans l’Arctique, SinoCor mettait probablement la pression sur les opérations de forage et il y avait toujours le problème de piraterie dans le Passage du Nord-Ouest, la TransSiberia et ses soldats inuits tentaient de « taxer » les navires qui traversaient les pôles. C’était irritant, surtout quand ses forces étaient déployées dans le sud, sur les plaines de lithium dans les Andes. Déplacer les troupes d’un bout du monde à l’autre, même avec la flotte de dirigeables de Mercier, prendrait du temps. Au moins les soldats étaient déjà équipés pour le froid.
Il éteignit l’écran. Ça pouvait attendre. Il pouvait, pour une fois, se détendre et profiter des avantages de sa profession. Il tendit la main vers le cognac.
Le comm sonna.
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Le drone volait en cercles loin au-dessus des ravages de la guerre.
Il n’était pas là une semaine plus tôt. Une semaine plus tôt, les Cités englouties ne valaient pas la peine qu’on les mentionne, encore moins qu’on envoie un drone les surveiller.
Les Cités englouties : littoral rendu marécageux par la montée des eaux et les haines politiques, lieu de décombres et d’incessants échanges de feu. Autrefois fière capitale, les gens qui alors circulaient dans ses couloirs de marbre dominaient une bonne partie du monde. Aujourd’hui, l’endroit avait à peine sa place sur les cartes, et encore moins au cœur des réunions des personnes civilisées. Les histoires qu’elles avaient contrôlées, les territoires qu’elles avaient gouvernés, tout avait été perdu à mesure que ses habitants sombraient dans la guerre civile – avant d’être oubliés.
Pourtant, un drone de surveillance de classe Rapace les survolait à présent.
Maintenu à distance par des courants humides et chauds, il observait les jungles impénétrables et les côtes érodées. Il tournait en ronds, les ailes déployées pour profiter des vents tièdes de l’océan Atlantique. Ses caméras passaient sur les marais emmêlés de kudzu et les étangs émeraude infestés de moustiques. Son regard s’attardait sur les monuments de marbre, les flèches, les dômes et les colonnes abattues, le squelette désarticulé de la grandeur de la ville.
Au début, les rapports avaient été écartés, ce n’était que récits de réfugiés rendus fous par les guerres : un monstre menant les enfants soldats à la victoire ; une bête immunisée contre les balles démembrant ses adversaires. Une immense créature sauvage qui exigeait un tribut sans fin de crânes ennemis.
Au début, personne n’y croyait.
Mais plus tard, des photos satellite floues montrèrent les bâtiments en feu et les déplacements des troupes, confirmèrent les témoignages les plus extravagants. Le drone fut donc lancé en chasse.
Le vautour électronique tournait, paresseux, lointain. Son ventre regorgeait de caméras, de senseurs de chaleur, de micros laser et d’équipements d’interception radio.
Il photographiait les ruines historiques et ses habitants barbares. Il écoutait les brèves communications radio, analysait les mouvements de troupes, le rythme des explosions. Il traquait les lignes de feu et enregistrait le morcellement des soldats ennemis.
Et au loin – de l’autre côté du continent, les informations rassemblées par le Rapace atteignaient ses maîtres.
Là flottait un grand dirigeable, majestueux au-dessus de l’océan Pacifique. Le nom inscrit sur son flanc était aussi grandiose que le vaisseau de guerre lui-même : Annapurna.
Un quart de la planète séparait l’aéronef de commandement et le Rapace d’espionnage, pourtant les informations arrivaient en un clin d’œil et déclenchaient l’alarme.
– Mon général !
L’analyste s’écarta de ses écrans de contrôle, clignant des paupières, essuya la sueur de son front. Le Centre stratégique de renseignement global de Mercier Corporation irradiait de chaleur à cause des équipements informatiques et des analystes serrés coude à coude, occupés à leurs propres opérations. Le murmure de leur travail emplissait la pièce, accompagné des gémissements épuisés des ventilateurs qui luttaient pour rafraîchir les lieux.
À bord de l’Annapurna, on accordait plus d’importance à l’efficacité spatiale et à la vigilance maximale qu’au confort, tout le monde transpirait donc et personne ne se plaignait.
– Mon général ! appela de nouveau l’analyste.
Elle avait, au début, détesté la chasse au dahu qu’on lui avait confiée – succession de petites tâches quand ses confrères en renseignement ourdissaient des révolutions, massacraient des insurgés et luttaient contre la spéculation sur les marchés du lithium et du cobalt. Ils s’étaient moqués de sa mission – au mess, dans les chambrées, dans les douches -, la chahutaient sous prétexte qu’elle ne participait pas au dessein global, lui rappelaient que ses primes trimestrielles seraient réduites à zéro puisqu’elle ne contribuait pas aux profits de la société.
Elle était secrètement et amèrement d’accord avec eux. Jusqu’à cet instant.
– Général Caroa ! Je pense avoir quelque chose.
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Les Cités englouties : littoral rendu marécageux par la montée des eaux et les haines politiques, lieu de décombres et d'incessants échanges de feu. Autrefois fière capitale, les gens qui alors circulaient dans ses couloirs de marbre dominaient une bonne partie du monde. Aujourd'hui, l'endroit avait à peine sa place sur les cartes, et encore moins au cœur des réunions des personnes civilisées.
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