AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,21

sur 83 notes
5
7 avis
4
5 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Quelle manière étincelante de raconter les péripéties de la Révolution que de retracer la vie et l'oeuvre du dernier philosophe de l'Encyclopédie, Nicolas de Condorcet (1743 – 1794) !

Et qui mieux que le couple Badinter pouvait allier les compétences d'une philosophe spécialiste de l'époque des Lumières et de la condition féminine et de son mari, l'éminent avocat devenu ministre qui obtint l'abolition de la peine de mort en France ?

J'avoue ma totale ignorance de la personnalité de Condorcet que je ne connaissais jusqu'ici qu'à travers le nom d'un lycée parisien, et la statue de bronze, érigée en 1894 quai de Conti, entre l'Institut et l'Hôtel des Monnaies.
Cependant, depuis quelques mois et en particulier grâce à la lecture des romans de Jean-Christophe Portes, j'étudie les phases de cette fin du XVIIIème siècle, qui a vu la naissance de la République dans les soubresauts de la crise économique, de la guerre et de la Terreur.

Condorcet est un enfant surdoué, orphelin de père mort quand il n'avait qu'un mois et surprotégé par sa mère, un enfant timide et doux. Pour tuteur, il aura un oncle évêque. Placé en pensionnat chez les Jésuites, il y acquiert une haine absolue et définitive de tout ce qui touche (?) au clergé et aux magistrats qu'il accuse d'opprimer des êtres sans défense. Ce garçon fragile et plein de bonté, peut toutefois se montrer, par ses écrits, d'une violence proche du sectarisme lorsqu'il s'agit de s'attaquer à l'injustice. On le surnommera plus tard « le mouton enragé ».

Très tôt, il s'illustre par sa maîtrise des mathématiques et en particulier le calcul intégral, les équations différentielles, le calcul des probabilités, les débuts de la statistique électorale. Disciple de d'Alembert, célèbre très jeune, intègre l'Académie des Sciences, puis l'Académie française. Peu doué pour l'art oratoire, il influence ses amis.

Ses combats hérissent bien des lobbys de son temps : il milite pour l'interdiction de la traite et l'égalité civique des Noirs, pour le droit de cité reconnu aux Juifs, la citoyenneté entière aux Protestants, l'abolition de la peine de mort, l'égalité des sexes et le divorce, la libre circulation des grains, l'instruction publique laïque et gratuite …

Proche de Turgot auprès duquel il a travaillé en 1774 - 1776, il ne pardonnera jamais à Necker de l'avoir fait tomber. Ce passage aux affaires lui donnera l'occasion de découvrir qu'il n'y a pas de grande politique méditée dans le bureau d'un ministre qui ne soit en butte aux passions, aux préjugés et surtout aux intérêts contraires des hommes : amère découverte de l'expérience du pouvoir, toujours aussi valable aujourd'hui.

C'est un modéré, un temps proche des Girondins dont il s'éloigne pourtant, comme De La Fayette, Mirabeau, Siéyès avec lequel il conçoit la division administrative du territoire en 1790.

Après le retour piteux de Varenne se pose la légitimité d'un roi qui s'est parjuré. Condorcet plaide pour la République alors que la majorité des membres de l'Assemblée législative penche pour une monarchie constitutionnelle. Mais la question cruciale de la guerre aux frontières divise : les uns la jugent nécessaire pour fonder définitivement la Révolution, Robespierre s'y oppose car c'est la Cour qui la souhaite puisqu'une défaite restaurerait l'Ancien Régime. Condorcet déteste la guerre mais la juge inévitable en 1791.

La vie de Condorcet est une suite de sacrifices pour le peuple : philosophe, il s'est fait politique, académicien, il s'est fait journaliste, noble, il s'est fait Jacobin mais surtout il s'est fait de Robespierre un ennemi mortel en le décrivant comme le gourou d'une secte …

Car même s'il s'est désolidarisé des Girondins dont il considère les attaques injustes et dangereuses, il sera bientôt mis hors la loi, obligé de fuir, mettant en danger mortel son épouse adorée Sophie de Grouchy et sa petite Eliza … mais je ne veux rien dévoiler de ce destin qui se lit comme un thriller politique.

A la fin d'une cavale où il trouvera refuge au 15 de la rue Servandoni, près de Saint-Sulpice, sa mort est énigmatique, et prématurée ...

En cette période d'affrontements féroces, jadis comme aujourd'hui, le réflexe politique absurde qui veut que l'on se détermine par rapport à un projet (de loi, de Constitution …) en fonction non pas de ses mérites mais selon l'affiliation politique de ses auteurs, m'est personnellement une souffrance. Condorcet nous a légué un corpus de notions républicaines sur lequel nous nous fondons aujourd'hui. Respect lui soit rendu.

Ne pas s'effrayer des 700 pages : un bon tiers est consacré à des notes qu'on n'est pas obligé de lire !
Lien : http://www.bigmammy.fr/archi..
Commenter  J’apprécie          60
La révolution dévore ses enfants. Un fait bien connu et que ne dément pas le destin de Condorcet, magnifiquement analysé par l'auteure. Livre essentiel car, parmi toutes ces lumières qui ont fait la gloire éternelle de la France, ce grand esprit est bien souvent resté dans l'ombre. Il était insispensable de réparer cette injustice. Celà est fait, avec éclat.
Commenter  J’apprécie          50
Les auteurs se sont attachés à restituer, par ordre chronologique, tous les faits, gestes et écrits de leur héros. L'exercice, un peu lassant au début de l'ouvrage, d'un inventaire notarial, devient peu à peu d'une lecture plus plaisante. La statue du génie s'humanise et on sent que les auteurs, outre leur admiration raisonnée, ont aussi de la sympathie pour l'homme. Il avait toutes les qualités d'un grand esprit, une grande constance dans ses opinions, des qualités de coeur envers les plus faibles, le souci du bien commun mais, comme l'indique le sous-titre de l'ouvrage, c'était un intellectuel et non un homme d'action. Les auteurs nous décrivent le drame d'une vie et le drame que fut la révolution française. Ils nous incitent à réfléchir sur le rôle de l'intellectuel dans la société : un guide, inventeur, éclaireur, indispensable et sans complaisance
Commenter  J’apprécie          30
J'ai lu cette monumentale biographie pour les besoins d'un cours sur "Esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain.".C'est un ouvrage dense largement documenté qui retrace en dix chapitres la vie de l'un des hommes éminents de la Révolution que son destin tragique pare de l'auréole du martyr (laïc bien entendu).L'empathie que l'on sent chez les auteurs n'est pas étrangère à leurs propres engagements politiques .Il me semble que Robert Badinter y voit un reflet de sa propre volonté de justice et d'intégrité ( dont je doute au vu de sa proximité avec DSK et Mitterand qui comme on le sait furent des modèles d'intégrité)
Commenter  J’apprécie          20
Quel travail de recherche ! Je dis bravo au couple Badinter pour tant d'investissement. Car franchement, le personnage Condorcet n'avait rien de folichon: intellectuel à l'écart de l'action, une vie sexuelle qui débute à 38 ans, pas toujours grand durant les terribles journées de la révolution, pas charismatique, pas éloquent, timide... Les auteurs ont quand même réussi à me faire tenir tout le long de ces 700 pages ! Bravo.
Commenter  J’apprécie          00


Lecteurs (261) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1726 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}