1829-1842 : treize ans pour écrire ce roman, pour un écrivain tel que
Balzac, c'est beaucoup. A voir le résultat on peut se demander si les retouches, ajouts, et autres rapiéçages n'ont fait perdre à
Balzac le fil de son histoire. Peut-être était-il un de ces auteurs dont la spontanéité est le garant nécessaire du succès.
Flaubert, qui l'admirait beaucoup, et qui fut influencé par
La Femme de Trente Ans quand il écrivit
Madame Bovary (ainsi que
Maupassant dans Une Vie), disait
De Balzac quel grand auteur il aurait été s'il avait su écrire...
La Femme de Trente Ans en est l'exemple parfait. le Dictionnaire des Oeuvres prétend qu'avec ce roman qui est " un des plus mal bâtis, des plus mal venus, un des plus mal écrits, comme on dit, de ses romans,
Balzac a réussi une performance […] nommer une réalité […]. On a dit que
Balzac avait « inventé »
la femme de trente ans (comme Parmentier a inventé la pomme de terre) » . Singulière comparaison!
Je ne désire pas m'attarder sur le sujet (rebattu) à cette époque, qui va du quasi "viol" de la nouvelle épousée, à la maternité et pour finir à l'adultère dans lequel
Balzac défend les femmes sans porter atteinte aux bonnes moeurs (le procès que l'on fit à
Flaubert tient sans doute au fait que son héroïne ne se suicide pas)..
Non pas que tout ceci ne soit pas intéressant, ces auteurs ayant très certainement fait progresser la cause des femmes.
Ce qui me pose problème c'est que ce roman n'a ni queue ni tête. C'est fait de bric et de broc, c'est à n'y rien comprendre.
Le lisant comme je l'ai fait dans les
oeuvres complètes qu'on a à zéro centime pour les liseuses, j'ai cru plus d'une fois avoir à faire à un nouveau livre. Je l'ai d'ailleurs relu tout de suite presque en entier pour m'assurer que j'avais tout mon bon sens.
"wikidit" que la fin est rocambolesque. En ce qui me concerne, ce roman divisé en six parties est rocambolesque dès la quatrième. .. Après l'échec du mariage, la relation platonique avec Arthur, la mort de celui-ci dans des conditions que je n'ai pas encore comprises (rester accroché tout une nuit à une fenêtre alors qu'il était bien à l'abri dans le cabinet de toilette?), nous arrivons assez rapidement (Arthur est vite oublié) à la rencontre d'un deuxième homme et à une liaison coupable.
La quatrième partie s'intitule le Doigt de Dieu. Et c'est là où je me suis demandé si je n'avais pas fini le roman sans m'en apercevoir. En effet un nouveau narrateur décrit à la première personne (!) une scène où un couple charmant accompagné de deux enfants, dont un adorable petit garçon essaye d'amadouer sa soeur Hélène (ça alors, mais l'enfant est de qui?) , une gamine revêche qui, sans crier gare, pousse l'enfant dans les eaux fangeuses du fleuve. le narrateur est navré de ne pouvoir le sauver, adieu, Charles.
Je reprends mon souffle : cinquième partie encore plus invraisemblable si possible, l'amant a disparu de la scène on ne sait comment, le deuil sans doute, et nous avons sous les yeux une charmante scène de famille, avec une mère toujours sévère à l'égard de la pauvre Hélène qui lui a toujours rappelé un mari décevant ("je le tiens en laisse comme un buffle mais je crains toujours qu'il ne brise sa muselière" dit-elle à une amie). Nous rions,
Balzac a dû rire en l'écrivant, sauf que la Marquise n'ayant aucun humour, c'est un peu bizarre. Il y a de plus un certain Gustave, qui a environ 13 ans (mais non, l'autre qui est mort s'appelait Charles, au secours), et deux autres chérubins, Abel et Moïna (mais de qui sont-ils?!) Et le mari Général devenu un bon père de famille échange des propos fort courtois avec la Marquise repentie.
Alexandre Dumas aurait peut-être aimé la suite. Tout à coup un homme frappe à la porte en hurlant, il supplie qu'on lui donne l'asile pour deux heures, l'obtient, le Général l'emmène dans une chambre, lui donne de l'eau qu'il boit avec sa main pleine de sang (si vous voulez cacher une blessure ça ne me paraît pas impossible de boire de l'autre main)il l'enferme, la Marquise donne la clef à Hélène en lui intimant l'ordre d'aller voir "prisonnier" qui n'en est pas un. Elle revient et voilà notre homme qui descend pour prendre congé, suivi par Hélène qui ne veut plus le quitter. Est-ce bien raisonnable?
Mais ce n'est pas tout....Le Général est ruiné et part faire fortune. Il revient cinq ans plus tard avec une belle somme. Hélas le voilier sur lequel il voyage est attaqué par des pirates qui tuent tout le monde sauf le père, et pour cause : c'est le père d'Hélène qui a épousé le pirate, et qui est choyée par son mari qui la couvre d'or et de parures. A ses pieds il y a trois ou quatre enfants.
Je vous fais grâce de la sixième partie, toute aussi affligeante et pleine de drames. Mais je dois vous prévenir, elle s'intitule "La vieillesse d'une mère coupable : mort de Julie". Là je ne dévoile rien, c'est dans la table des matières ..