Elle l’a quitté hier..., dit Simon. Le sommeil n’a pas de durée... Et pendant la courte nuit, l’éternité s’est dressée entre eux.
Il fallait être vraiment obstiné pour résister à son obstination.
Mais peut-être est-ce un mensonge que je mâche et remâche, dont j’essaie de me nourrir pour tenter de vivre...
(...) le creux de ses yeux apparaît clair et fragile, vulnérable comme la peau cicatrisée d’une blessure.
Sous cette brume empoisonnée par leurs fatigues d’hier, des millions d’hommes s’éveillent, déjà exténués d’aujourd’hui.
Mais peut-être était-ce ma propre peine que je projetais sur leurs visages, ma propre blessure qui saignait quand ils prononçaient ton nom...
Même ceux qui ne t'avaient vue qu'une fois n'avaient pu t'oublier. Je les sentais, derrière les réflexes de leur curiosité professionnel, secrètement émus, déchirés, blessés... Mais peut-être était-ce ma propre peine que je projetais sur leurs visages, ma propre blessure qui saignait quand ils prononçaient ton nom...
Il écartait les bras à l’horizontale et agitait les doigts, comme pour inviter les courants mystérieux de la Création à pénétrer dans son corps et à le parcourir.
Aucune merveille dans le monde des merveilles n'est aussi doux et tendre et tiède sous les lèvres...
Il n'en pouvait plus de toute cette glace et de ce vent, et de ce vent, et de ce vent qui ne cessait jamais de s'appuyer sur lui, sur eux, sur tout les hommes de l'Antarctique, toujours du même côté, avec ses mains trempées dans le froid de l'enfer, de les pousser tous sans arrêt, eux et leurs baraques et leurs antennes et leurs camions, pour qu'ils s'en aillent, qu'ils débarrassent le continent, qu'ils les laissent seuls, lui et la glace mortelle, consommer éternellement dans la solitude leurs monstrueuses noces surglacées...