Oeuvre très ample, une avalanche de poèmes, avec des thématiques variées coloriées chacune d'un même goût macabre, funèbre, souvent ironique, perpétuellement goguenard. Cette poésie en appelle à la mort, à la maladie, au ridicule de l'humanité – que l'on retrouve dans son Spleen de Paris –, Cavaliers de la poétique, avec l'image de Satan qui se balade entre les vers ; elle est aussi froide que brillante, particulièrement magnifique. Si ces proses ont fini par m'ennuyer un peu, ces vers – qui ne se valent pas tous – m'ont enchanté ;
Baudelaire est un grand poète, car il n'a pas simplement été le premier – l'un des premiers, plutôt, mais le premier à souffrir d'une renommée qui le dépassa – à faire de la laideur et du mal un sujet poétique, à les rendre beaux, il en a parlé comme personne n'aurait pu le faire, avec une magnificence excessive digne de son excentricité. Surtout, avec
Nerval, avec beaucoup d'autres, il est le plus fervent promoteur, proclamateur inépuisable, d'un poète qui passe outre les dimensions strictes d'un réel établi par l'entendement ; le poète voit au-delà des choses communes, il atteint la quintessence des sensations et l'essence du monde. Comme les Romantiques avant lui,
Baudelaire anticipe Rimbaud et son poète voyant, élargissant les horizons de la réalité vers une profondeur insoupçonnée, délicate, énigmatique.